COVID-19 et diabète : encore beaucoup d’inconnues mais quelques pistes

Miriam E. Tucker

Auteurs et déclarations

27 septembre 2021

Royaume-Uni, Australie – Après 18 mois de pandémie de Covid-19, beaucoup des effets directs et indirects du SARS-CoV-2 sur les personnes atteintes de diabète de type 2 sont mieux compris. Pour autant, des inconnues subsistent, disent les épidémiologistes.

« Le Covid-19 a eu des effets dévastateurs sur les patients diabétiques, et inversement, la forte prévalence du diabète et du diabète incontrôlé a exacerbé le problème », a indiqué le chercheur Edward W. Gregg (Imperial College London, Royaume-Uni) et premier auteur d’une nouvelle revue de la littérature à Medscape Medical News.

« Alors qu’il devient clair que la pandémie de Covid-19 va encore nous accompagner dans le futur, le focus sur les patients diabétiques en termes de suivi en soins primaires, de gestion de la glycémie et de vaccination pour réduire les impacts à long terme du Covid-19 sur cette population reste nécessaire » ajoute-t-il.

Les données, issues principalement de séries de cas, qui ont été compilées montrent que plus du tiers des personnes hospitalisées pour Covid-19 ont un diabète. Ce résultat a été publié dans le numéro de septembre de Diabetes Care.

Les personnes avec un diabète ont trois plus de risque d’être hospitalisées pour Covid-19 que celles sans diabète, même après ajustement sur l’âge, le sexe, et d’autres pathologies sous-jacentes. Le diabète est aussi retrouvé chez 30 à 40% des cas de Covid-19 sévères et des décès. Parmi les personnes hospitalisées avec le Covid, entre 21 à 43% requièrent des soins intensifs, et le taux d’issues fatales est de 25%.

Dans une des analyses multivariées qui a évalué le diabète de type 1 et de type 2 séparément, menée au Royaume-Uni, les risques de décès liés à une hospitalisation pour Covid comparé aux personnes sans diabète étaient presque le double (OR : 1,8) de celles avec un diabète de type 2 après ajustements sur les comorbidités.

Les causes de décès semblent être une combinaison de facteurs spécifiques à l’infection SARS-CoV-2 et à ceux du diabète, a expliqué Edward W. Gregg à Medscape medical news.

« Une grande partie de l’augmentation du risque est dû au fait que les personnes avec du diabète ont plus de facteurs de comorbidités, mais il y a aussi d’autres mécanismes qui semblent augmenter davantage le risque, comme les réponses inflammatoires et immunitaires des personnes diabétiques, et l’hyperglycémie semble avoir un effet exacerbant en elle-même ».

Une réponse inflammatoire dérégulée ?

Une étude américaine réalisée chez des souris et publiée le 21 septembre 2021 dans le PNAS a montré que l’orage cytokinique est aggravé chez les diabétiques en raison de la sous-expression de l’enzyme SETDB2. Cette baisse induit une expression incontrôlée de gènes inflammatoires, augmentant l’inflammation causée par le coronavirus. Les chercheurs ont aussi observé que les taux d’interféron bêta (IFNβ), cytokine libérée par le système immunitaire lors de l’infection, étaient plus bas chez les patients diabétiques infectés versus les personnes infectées non-diabétiques. Pour les auteurs, ces résultats « suggèrent que le ciblage thérapeutique de l'axe IFNβ / SETDB2 chez les patients DT2 peut diminuer l'inflammation pathologique associée au COVID-19 ». AL

Un glucose élevé est un facteur de risque clair de sévérité du Covid-19

Une hémoglobine glyquée élevée a été identifiée, parmi d’autres facteurs prédictifs de mauvais pronostic de Covid-19, comme l’obésité, ou une comorbidité rénale ou cardiovasculaire.

Des taux de glucose élevés au moment de l’admission chez des personnes avec un diabète diagnostiqué ou pas constitue très clairement un facteur de mauvais pronostic. Par exemple, parmi 605 personnes hospitalisées pour Covid-19 en Chine, ceux que présentaient un glucose plasmatique à jeun de 6,1-6,9 mmol/L (110-125 mg/dL) et ≥7 mmol/L (126 mg/dL) avaient des rapports de risques (odds ratios) de mauvais pronostic dans les 28 jours de 2,6 et de 4,0 comparés aux taux de glucose plasmatique à jeun <6,1 mmol/L (110 mg/dL).

Des études de population au Royaume-Uni ont montré que des niveaux d’HbA1c mesurés des mois avant les hospitalisations pour Covid-19 étaient associés à un risque d’admission en soin intensif ou de décès, en particulier parmi les diabétiques de type 1.

En tout, le taux de décès était 36% plus élevé chez ceux avec une HbA1c de 9%–9,9% vs ceux qui étaient à 6,5%–7%.

En dépit du lien entre une HbA1c élevée et le décès, il n’y a toujours pas de preuve claire que normaliser le niveau glycémique minimise la sévérité du Covid-19, affirme le chercheur.

« Il y a des données qui suggèrent qu’un mauvais contrôle glycémique est associé avec un risque plus élevé de mauvais pronostic. Il y a des preuves indirectes que la gestion de la glycémie peut aider, mais des preuves directes sont nécessaires ».

Les champs qui restent à explorer

Edward W. Gregg et ses co-auteurs Marisa Sophiea et Misghina Weldegiorgis, également de l’Imperial College London, ont identifié trois domaines où des données supplémentaires sont nécessaires.

D’abord, plus d’informations sont nécessaires pour déterminer si les risques d’exposition, d’infection et d’hospitalisation diffèrent selon le statut diabétique, et comment ces facteurs affectent l’issue.

De telles études seraient aussi importantes pour déterminer comment des facteurs comme le comportement, le port du masque et les politiques de confinement, le contrôle des facteurs de risque, et les environnements familiaux/communautaires ont impacté le risque chez les personnes diabétiques.

Aussi, des études sont nécessaires pour mieux comprendre les effets indirects de la pandémie, par exemple sur le soin et les modes de prise en charge de la maladie. Certains d’entre eux comme l’arrivée de la télémédecine, pourraient s’avérer bénéfique à long terme, notent-ils.

Enfin, des études de population sont nécessaires dans de nombreuses régions du monde, et pas seulement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis où la plupart des études ont été réalisées jusqu’à présent.

« Beaucoup de questions sans réponse, parmi les plus importantes, résident dans l’impact indirect et à long terme de la pandémie, ce qui nécessitent des études à l’échelle de population » considère le chercheur.

« La plupart de nos connaissances jusqu’à présent provient des séries de cas, qui évaluent les patients uniquement depuis leur entrée à l’hôpital ».

En réalité, très peu de données sont disponibles pour diabétiques qui ont eu le Covid-19 mais qui n’ont pas été hospitalisés, donc on ne sait pas si la durée de la maladie sera plus longue ou s’ils sont plus à risque de « Covid long » que ceux sans diabète qui ont vécu le Covid-19 à la maison. « Je n’ai pas de données publiées sur ce sujet déjà, mais une importante question sans réponse », affirme Edward W. Gregg.  

 

L’article a été publié sur Medscape.com sous le titre At 18 Months, Much Still Unknown About Diabetes and COVID-19. Traduit par Stéphanie Lavaud.

Image de Une : Getty Images

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