Paris, France — S'ils n'ont prévu pour l'heure aucune manifestation ou grève à l'instar des paramédicaux ou encore des sages-femmes, les syndicats de praticiens hospitaliers (PH) ne sont pas pour autant rassurés par la rentrée sociale dans les établissements de santé. Comme un seul homme, les principaux syndicats de PH* se sont fendus d'un communiqué commun, pour dénoncer la politique de santé du gouvernement[1]. Ils lancent un véritable appel à l'aide et formulent des propositions pour tirer l'hôpital public de la crise qu'il traverse.
Communication et Covid 19
Au sujet de la gestion de la pandémie de Covid 19, les syndicalistes dénoncent les effets de manche du gouvernement, et sa communication de mise : « Un exemple, alors que l’Espagne traverse la cinquième vague du Covid, la France connaitrait seulement sa quatrième dans un contexte de pandémie mondiale… Un autre constat : en pleine pandémie la France n’est plus soumise à un état d’urgence sanitaire mais à celui de sortie de l’état d’urgence sanitaire depuis le 31 mai 2021… »
Les conséquences de cette « com » sont dramatiques, toujours selon les syndicats de PH : été meurtrier aux Antilles, fermetures de services d'urgences et de SMUR, inefficacité des plans blancs... Aux Antilles, « le manque d’accès au soin, l’insalubrité des infrastructures, le manque de personnels prédisaient une catastrophe sanitaire, chez une population pour laquelle la réticence à la vaccination n’a pas été de surcroît suffisamment prise en compte ».
Ségur de l’Outre-Mer
Contacté par Medscape édition française, le président d’Action praticien hôpital (APH), le Dr Jean-François Cibien, ne mâche pas ses mots : « Nous demandons un Ségur de l'outre-mer, une région qui a été complètement oubliée par les pouvoirs publics. En Guadeloupe, en psychiatre mais aussi aux urgences, il faut voir ce qui se passe là-bas, il faut parler à ceux qui sont rentrés de la mission hippocampe (opération de transferts de patients des Antilles vers la métropole, NDLR), il y a des morts sur les brancards mais personne n'en parle ! »
Ajouté à cela que les soignants qui sont transférés aux Antilles ne sont plus en métropole où le manque de personnels est criant, et l'on se retrouve à devoir fermer des lits.
« On envoie des troupes de l'autre côté du monde, alors que l'on n'en a pas assez, ici. L'APHP n'arrive pas à recruter », se désole Jean-François Cibien. Là aussi, les syndicalistes dénoncent une opération de communication du ministère, qui cache une mauvaise gestion des problèmes de RH dans les hôpitaux. « Comment deux ministres de la République ont-ils pu débarquer aux Antilles dans le seul but d’y jouer une représentation médiatique scénarisée et minutée de la République volant au secours de ses îles lointaines, tout en refusant de rencontrer les représentants des praticiens hospitaliers ? », s'interrogent-ils.
Quid de la rémunération des soignants et médecins ?
La crise des Antilles est révélatrice de problèmes structurels de fond : mauvaise rémunération des soignants, et problèmes de recrutement semblent être les deux principales plaies du système de santé : « L’augmentation des salaires des hospitaliers qui a été partagée avec le privé et les ESPIC alors que la France occupait le 26ème rang des rétributions de l’OCDE n’a pas permis de combler le retard. » Quand la Grande-Bretagne, qui mène pourtant une politique ultra-libérale, consacre 14 milliards de plus à son système de santé publique (NHS), la France ne débloque que 8 milliards pour le public et le privé compris. Résultat, par manque de soignants et de médecins, les établissements de santé doivent fermer des lits : « Cet été nous avons procédé à des fermetures de lits pour que les soignants puissent prendre leurs congés, c'est aberrant, on ne parle pas des arrêts maladie qui explosent, on va fermer encore plus de de lits, alors qu'il y a de plus en plus de gens qui viennent aux urgences », s'insurge le Dr Jean-François Cibien.
Mauvaise réforme des études de santé
Les syndicalistes pointent également du doigt le manque d'efficacité des réformes de la formation initiale en santé. Sur ce sujet également, le Dr Jean-François Cibien ne cache pas sa déception : « Au niveau de la formation, on aurait pu avoir 4000 étudiants en santé de plus, et on ne les aura pas : la réforme des études de santé est une mauvaise réforme, on a perdu des infirmières, des kinésithérapeutes et on a perdu 10 ans pour les médecins. On est plus capable de former, de recruter, et on nous demande de faire toujours plus. »
Levée du secret médical
Les syndicalistes s'inquiètent aussi des attaques contre le secret médical, au sujet du transfert, vers les directions hospitalières, de la situation vaccinale des soignants et médecins : « La loi du 5 août propose à la médecine du travail le contrôle des obligations vaccinales dans les établissements de santé, tout en sachant que « la médecine du travail n’en a pas les moyens », la responsabilité reste celle de la direction. Conséquence, la violation du principe de confidentialité des données de santé vis-à-vis de l’employeur. »
Jean-François Cibien dénonce aussi la mise en place d'un numéro unique pour l'accès aux urgences, dans le cadre de la mise en place du SAS, qui risque là encore de mettre à mal le secret médical : « on va perdre le secret médical avec la loi Matras, et la mise en place du numéro unique. Peut-être que les sans-papiers ne vont pas vouloir appeler ce numéro unique, l’accès aux soins va en pâtir. » Manque de moyens, manque d'effectifs, surdité des pouvoirs publics, crise du Covid qui n'en finit pas : en cette rentrée de septembre, les syndicats de PH tirent la sonnette d'alarme.
Les propositions des PH
Pour résoudre la crise lancinante que traverse les hôpitaux publics, les syndicats de PH demandent :
Une réflexion de fond sur le financement de l’hôpital public et de la santé en général : le PLFSS doit permettre l’attractivité des carrières hospitalières et la fidélisation des professionnels de santé qui y travaillent ;
un Plan Santé pour l’Outre-Mer, axé tant sur l’attractivité des carrières que sur la qualité des infrastructures, l’accès aux soins et les parcours de soins des citoyens ultra-marins ;
La prise en compte d’indicateurs de non-qualité de soin comme les « patients brancards » cause de surmortalité, la fermeture de services ou de lits par manque de personnel, la souffrance au travail… ;
Des mesures immédiates de reconnaissance de la fidélité des professionnels de santé engagés depuis des années dans l’hôpital public ;
Du reclassement équitable des praticiens (quatre ans d’ancienneté pour les PH nommés avant le 1er octobre 2021 correspondant à la bonification obtenue pour les jeunes praticiens entrants) ;
De l’ouverture du chantier du temps de travail : décompte horaire, volume horaire.
*SNPHARE, SPHP, Samu Urgences de France, SPH, Syngof, SNBH, USP, SNGC, Smarnu, les biologistes médicaux, SNPADHUE, Fnap, SMH, SNPEH, action praticien hôpital, Avenir hospitalier, confédération des praticiens des hôpitaux.
Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Rentrée : les syndicats de PH tirent le signal d’alarme - Medscape - 24 sept 2021.
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