Leptospirose : une zoonose qui mérite qu’on s’y intéresse

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

23 septembre 2021

France – Il se place en « lanceur d'alerte ». Invité à s'exprimer à l'occasion d'une séance de l' Académie nationale de Pharmacie , le Pr Philippe Loiseau (Faculté de Pharmacie de l'université Paris-Saclay) et membre de l’Académie nationale de Pharmacie a pressé l'assistance de s'intéresser à la leptospirose, une maladie « émergente, négligée avec un nombre de cas sous-estimé » qui pourrait prendre de l'ampleur dans un futur proche. Il suffit de parcourir la presse régionale pour s'apercevoir que la leptospirose est déjà une préoccupation :  exemple récent en date du 10 septembre, France 3 annonçait sept cas identifiés, et 6 suspects, en Ariège après une baignade.

Une zoonose qui progresse avec le changement climatique

La leptospirose est une zoonose provoquée par les bactéries Leptospira émises par les urines des animaux réservoirs, en particulier les rongeurs - « les rats en milieu urbain, les ragondins en milieu rural », dans le milieu aquatique. Les bactéries peuvent infecter les animaux sauvages ou domestiques qui boivent dans la retenue d'eau. Et aussi l'être humain, et en particulier les personnes fréquemment en contact avec des eaux potentiellement contaminées : certaines professions (pisciculteurs, éleveurs, égoutiers, éboueurs) sont plus exposées mais aussi, et elles sont de plus en plus nombreuses, les personnes pratiquant des loisirs nautiques (baignade, canoé, kayak, canyoning...). L'infection se fait via une petite plaie cutanée ou par les muqueuses.

Or, « avec le dérèglement climatique, les hivers sont moins rigoureux et on assiste à une pullulation des rongeurs et la persistance des leptospires dans l'eau pendant des mois » a indiqué le Pr Loiseau. Avant de poursuivre : « Là où cela devient inquiétant, c'est qu'il y a eu depuis 2015 un doublement des cas avec aujourd'hui 600 cas diagnostiqués annuellement en France métropolitaine ».

Pour la grande majorité des patients contaminés, la maladie est souvent bénigne, mais elle peut aussi évoluer en quelques jours vers une forme plus grave (défaillance rénale, défaillance hépatique, atteinte pulmonaire ou méningée). Dans la forme ictéro-hémorragique (maladie de Weil), l'hospitalisation en réanimation est nécessaire. Le traitement de la leptospirose repose sur l'administration d'une antibiothérapie (amoxicilline, céphalosporine et cyclines) le plus rapidement possible après le diagnostic.

Selon l'Institut Pasteur qui consacre une fiche à la leptospirose, il y aurait chaque année un million de cas sévères dans le monde avec une mortalité de 10%. L’incidence est de 50 ou 100 fois plus élevée dans les régions tropicales, comme de nombreux pays d’Amérique Latine et d’Asie du Sud-Est et les collectivités d’Outre-mer françaises où les taux d’incidence sont 10 à 80 fois plus élevés qu’en métropole.

Sous-estimation des cas

Ces 600 cas français, et un million à travers le monde, annuels seraient en fait « largement sous-estimés », d'après l'orateur à cause des formes frustres et également parce que « les premiers symptômes ressemblent à ceux de la grippe : fièvre à 40°C environ deux semaines après le contact infectant ». De plus, cette maladie étant assez rare et peu connue, les données épidémiologiques, françaises et mondiales, manquent. « En France, il y a une remontée des cas individuels mais pas d'étude sérologique de population » déplore Philippe Loiseau. Or selon lui, ce type d'études seraient particulièrement instructives pour documenter la prévalence de la zoonose si elles étaient réalisées dans des zones géographiques parsemées d'étangs comme la Haute-Vienne, la Lorraine ou encore la Brenne.

Pour établir le diagnostic, le test de microagglutination (MAT) est l'examen de référence « mais il est très onéreux, 105 euros non remboursés » détaille le Pr Loiseau. Il est aussi possible de rechercher le matériel génétique de la bactérie dans le plasma la première semaine de la maladie, ou encore de réaliser un test ELISA. Encore faut-il que le médecin pense à la leptospirose face à un patient fiévreux.

Plaidoyer pour un remboursement du vaccin

Le Pr Philippe Loiseau voudrait que son intervention puisse aider au remboursement du vaccin. Car  le vaccin inactivé Spirolept®  est disponible en France mais il n'est pas remboursé. La leptospirose est néanmoins reconnue comme une maladie professionnelle par les deux régimes, général (tableau n° 19 A) et agricole (tableau n° 5), pour les professionnels en contact avec l'eau douce ou avec des animaux. L'efficacité modérée – le vaccin n'est protecteur que dans 30 % des cas – est aujourd'hui un obstacle évident au remboursement.

Il est possible de se faire vacciner sans prescription médicale mais le coût – 200 euros l'injection (3 injections puis rappel tous les deux ans) – est élevé du fait de la petite taille du marché.
 

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