Paris, France— En voulant bien faire, le ministre de la Santé Olivier Véran a ouvert la boite de pandore. Le 17 septembre dernier, il annonçait vouloir revaloriser le salaire des sages-femmes, oubliés par les pouvoirs publics lors de l'accord dit Ségur de la santé, signé en juillet 2019, qui a permis entre autres chose d'augmenter le salaire des infirmières et de modifier la grille de rémunération des praticiens hospitaliers. Sur le réseau social Twitter, le ministre de la santé avait informé avoir discuté avec 8500 sages-femmes (en visioconférence), et décidé « la revalorisation des sages-femmes hospitalières de près de 4400€ net/an, la pleine reconnaissance de leur profession médicale à travers une filière dédiée, la revalorisation des actes de ville, leur meilleur accès à la formation & la recherche ».
Une profession à fleur de peau depuis 2013
Quiconque ignorait le dossier aurait pu penser que cette annonce allait être accueillie avec des cris de joie. Mais c'était oublier que la profession des sages-femmes est à fleur de peau, depuis 2013. La profession avait cette année-là, lancé un mouvement social surprise, qui avait pris de court la ministre de la santé de l'époque Marisol Touraine. Outre des revalorisations salariales, les sages-femmes réclamaient aussi l'octroi du statut de praticiens hospitaliers. Les syndicats de praticiens hospitaliers s'étaient d'ailleurs désolidarisés du mouvement des sages-femmes, au sujet de cette dernière revendication, qui n'a jamais été assouvie par les pouvoirs publics.
« Abasourdis »
Aussi, quand Olivier Véran annonçait le 17 septembre dernier, le déblocage d'une enveloppe de 40 millions d'euros pour revaloriser le salaire des sages-femmes de près de 100 euros par mois, l'organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF) lui rappelait que c'était trop peu, mais aussi qu'elle ne renonçait pas à sa revendication de faire accéder la profession au statut de PH.
L'ONSSF ne mâchait pas ses mots pour faire part de sa déception : « à l'issue de la visioconférence avec messieurs Taquet et Véran nous sommes abasourdis », annonçait d'emblée l'ONSSF dans un communiqué.
Et de poursuivre : « Pour les sages-femmes des hôpitaux, l'augmentation de salaire, certes la plus importante à ce jour, est loin de refléter notre niveau de compétence et de responsabilités. Sur les 200 points d'indice demandés par les organisations syndicales, seuls 22 nous sont octroyés. »
L'ONSSF regrettait aussi de constater que leur statut n'est pas non plus revalorisé : « Nous avons un statut médical dans la fonction publique hospitalière, nous aurons le même statut dans la fonction publique hospitalière... Nous resterons à part. »
Comme un avant-goût d'un nouveau mouvement social, l'ONSSF demandait aussi aux sages-femmes et étudiants sages-femmes de n'accepter « aucune reprise de garde ni dépannage de plannings... Nous invitons les sages-femmes libérales à arrêter toute télétransmission », et de se « tenir prêts à se déclarer grévistes ». Un préavis de grève « illimité sera déposé dans les prochaines heures et rouvrira l'ensemble des structures publiques et privées ».
Dans la foulée, l'ONSSF lançait le hashtag #sagesfemmescodenoir, afin que les SF fassent entendre leur désarroi, revendications, frustrations sur Twitter. Dès la publication de ce hashtag, des sages-femmes se déclaraient en grève, tel Isabelle Maignien, sage-femme libérale : « Le cabinet sera fermé les 24/25/26 septembre en raison de la #greve des #sagesfemmes. N'hésitez pas à contacter le @Sante_Gouv et @olivierveran pour de plus amples renseignements. #sagesfemmescodenoir ».
Au Figaro, l'ONSSF a rappelé ses revendications : «Nous souhaitons seulement bénéficier du même statut que les autres corps médicaux hospitaliers, comme les médecins ou les pharmaciens. » Surtout, les sages-femmes souhaitent bénéficier de la même indépendance que les médecins ou encore les pharmaciens, vis-à-vis des directions hospitalières.
La Fédération nationale des infirmiers en colère
Les sages-femmes ne sont pas les seuls parmi les paramédicaux à donner de la voix, en cette rentrée de septembre. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) est elle aussi furieuse de l'iniquité de traitement que lui réserve le gouvernement. Dans une récente communication, la FNI fait part de son mécontentement quant à la rémunération des infirmier.es, dans le cadre de la prise en charge à domicile des personnes en perte d'autonomie.
« Dans le double défi que notre système de santé doit relever, à savoir le vieillissement de la population et l’explosion des maladies chroniques, les infirmières et infirmiers libéraux jouent un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie que ce soit en termes de quantité mais aussi de qualité », rappelle la FNI, qui représente les infirmiers libéraux. La FNI rappelle qu'elle était en négociation avec l'assurance maladie pour revaloriser la prise en charge des patients lourds à domicile, en déployant « un dispositif de financement des prises en charge répondant à la mixité des financements dans le cadre de la réforme du financement de notre système de santé ».
Négociations en berne
Mais les négociations ont récemment capoté : l'assurance maladie a demandé aux infirmiers libéraux « d’accepter de signer un texte qui vise à réduire le nombre de patients âgés classés dans les prises en charge lourdes. Ces prises en charge lourdes nécessitent des passages pluriquotidiens des infirmières et infirmiers libéraux à domicile et sont facturées en brut 28,70 € quel que soit le nombre de visites journalières. »
Ce rétropédalage de l'assurance maladie a été d'autant moins accepté par la FNI que, parallèlement, la Cnam signait avec les médecins libéraux l'avenant n°9 de la convention médicale, qui prévoit de doubler la « rémunération de la visite à domicile des médecins généralistes pour les patients de plus de 80 ans en affection longue durée (ALD), laquelle pourra être cotée en visite longue à hauteur de 70 €, 4 fois par an. »
Lettre ouverte au président de la République
La FNI a donc écrit une lettre ouverte au président de la République, pour obliger l'assurance maladie à renoncer à limiter le nombre de patients lourds pris en charge à domicile par les infirmiers libéraux. « Monsieur le Président de la République, pensez-vous réellement légitime de pénaliser les infirmières et infirmiers libéraux alors que les besoins de prise en charge à domicile de nos aînés augmentent et continueront à le faire dans les prochaines années ? », demandent les infirmier.es libéraux.
Les Infirmiers anesthésistes diplômés d'État dans la rue
Last but not least, les Infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE) manifestent aussi, en cette rentrée de septembre. Le 16 septembre, les Iade étaient dans la rue, pour réclamer une plus grande autonomie, et la revalorisation de leur statut en infirmier en pratique avancée. « Des discussions ont été engagées il y a plusieurs mois avec le ministère des solidarités et de la santé, deux rapports parlementaires sont sortis et une mission IGAS est en cours... Mais il n'y a toujours rien de concret », se désole les Iade dans un communiqué.
Le Snia a reçu le soutien du Collectif Santé en danger : « Le collectif Santé en danger soutient le mouvement des IADE et leur demande de devenir des auxiliaires médicaux en pratique avancée. Ce n’est qu’une juste régularisation des faits de la vraie vie de terrain. » La rentrée des paramédicaux est chaude bouillante.
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Citer cet article: Sages-femmes, infirmier.es libéraux, et Iade sont en colère - Medscape - 21 sept 2021.
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