Paris, France — Le processus de recertification avance : fin juillet, une ordonnance a été publiée, qui définit les grandes lignes de cette réforme. Reste que des représentants de médecins sont furieux de la place accordée aux Ordres professionnels, tandis que d’autres attendent avec impatience la publication des décrets d’application.
Pas de surprise pour le Collège national de médecine générale
Au creux de l'été, durant la deuxième quinzaine du mois de juillet, le ministère de la Santé a fait publier une ordonnance structurante pour les professionnels de santé : « Ordonnance n° 2021-961 du 19 juillet 2021 relative à la certification périodique de certains professionnels de santé. » Personne ou presque, parmi les principaux concernés, n'a relevé sa sortie. Personne, sinon le Mouvement d'insoumission aux Ordres professionnels (Miop) qui dans un communiqué s'est offusqué de la publication en catimini de cette ordonnance : « Le gouvernement français a donc choisi la période estivale pour adopter son ordonnance du 19 juillet 2021 après une concertation quasi nulle, dans la suite du rapport partial de Serge Uzan, vice-président de l’ordre national des médecins. » Non sans raison, le Miop considère que la recertification « périodique » des professionnels de santé est un « changement considérable qui aurait mérité un débat de fond ».
Contacté par Medscape, le Dr Paul Frappé, président du Collège national de médecine générale, n'a pour sa part pas été surpris par la publication de cette ordonnance : « Nous n'avons pas été surpris car les CNP (conseils nationaux professionnels) ont été informés en amont de la publication de cette ordonnance, il y a eu des réunions préparatoires, notamment avec Jean-Philippe Vinquant (inspecteur général des affaires sociales, auteur d'un rapport sur la préparation des ordonnances de recertification, NDLR) ainsi qu'avec l'ordre des médecins », explique le Dr Frappé.
Les Ordres trop présents ?
Mais, plus que l'absence de concertation avec l'ensemble de la profession, c'est la présence des ordres professionnels dans l'élaboration de cette réforme, qui semble chagriner le Miop : « Cette ordonnance scélérate attribue d’emblée un pouvoir considérable aux Ordres professionnels de santé discrédités (pour preuve les rapports de la Cour des Comptes, dont celui de 2019 pour les médecins), en leur attribuant différentes fonctions dont le contrôle et la sanction éventuelle du non-respect des nouvelles normes établies. » Là encore, le Dr Frappé ne partage pas l'avis du Miop : « Je pense que l'Ordre est incontournable sur ce sujet-là. Ils ne font pas de formation continue mais ils sont confrontés quotidiennement aux problèmes que pose la perte de compétence de certains médecins. » Le Miop regrette que les doyens des facultés de médecine n'aient pas protesté plus vigoureusement contre la présence des Ordres, « vu l’incompétence très probable de certains conseillers ordinaux, qui sont souvent eux-mêmes hors-jeu professionnellement parlant ».
« Une ébauche »
Première étape légale de la mise en place de la recertification des professionnels de santé, la publication de cette ordonnance n'est qu'une "ébauche", selon les dires du Dr Paul Frappé, de ce que sera la recertification. Sont attendus avec anxiété les décrets d'application qui seront autrement plus structurants que cette ordonnance. Néanmoins, cette ordonnance pose les jalons de la réforme. Elle définit l'objet de la recertification, soit « le maintien des compétences ; la qualité des pratiques professionnelles ; l'actualisation et le niveau des connaissances ». Les professionnels de santé concernés (les professions de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien, d'infirmier, de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue) doivent avoir, au cours d'une période de six ans, réalisé « l'actualisation de leur connaissance et de leurs compétences, renforcer la qualité de leurs pratiques professionnelles, améliorer la relation avec leurs patients, mieux prendre en compte leur santé professionnelle ».
Obligation de recertification sous peine de sanction
Pour mettre en branle cette réforme, un conseil national de la certification périodique est mis en place. Aussi, les actions de recertification sont définies par des référentiels de certification périodique, proposées par des conseils nationaux professionnels, tandis que la méthode d'élaboration des référentiels est proposée par la Haute autorité de santé. Quant aux ordres professionnels, ils « contrôlent le respect par les professionnels de santé de leur obligation de certification périodique ». L'ordonnance est on ne peut plus claire sur l'obligation de recertification : « Le fait pour un professionnel de santé mentionné à l'article L. 4022-3 de ne pas satisfaire à cette obligation constitue une faute susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire prévue à la quatrième partie du présent code. »
Polémiques
Outre l'opposition aux Ordres professionnels, de nombreuses polémiques ont éclaté lors de l'élaboration de cette ordonnance : « La place des agences semblait poser problème, certains arguant du fait que l'État ne laissait plus de places aux médecins. Il s'agit de médecins opposés strictement aux agences, des médecins extrêmement libéraux, qui souhaitent la plus grande liberté aux médecins » considère Paul Frappé. Le Collège de médecine générale a lui-même bataillé pour que la Haute autorité de santé (HAS) ne soit pas la conceptrice des référentiels professionnels : « Pour notre part, nous étions critiques quant à la place de la HAS à propos de l'élaboration des référentiels de recertification. Jean-Philippe Vinquant pensait que les professionnels de santé ne pouvaient gouverner le dispositif, car il fallait prévoir un régime de sanction pour les médecins qui n'auraient pas été recertifiés : les professionnels de santé auraient été juges et partie. Pour Jean-Philippe Vinquant, la gouvernance devait se partager à parts égales entre les professionnels de santé, l'État et les agences, et les patients. Nous n'étions pas contre la présence de la HAS mais nous ne pensions pas que nous avions besoin de son blanc-seing pour valider le référentiel de recertification que le CNP aurait conçu ; cela aurait voulu dire que les CNP n'auraient eu aucun pouvoir de création des référentiels, et cet aspect-là a été modifié lors de la publication de l'ordonnance. Certes, la HAS joue encore le rôle de conseil, et cela nous convient car nous pensons en effet que la HAS peut nous apporter cette expertise » a expliqué son président à Medscape.
Deux décrets, au moins, sont attendus
Pour compléter cette ordonnance, au moins deux décrets, dont les dates de publication n'ont pas été annoncées, sont attendus : l'un devrait définir « les conditions dans lesquelles certaines catégories de professionnels peuvent être exonérées, totalement ou partiellement » à savoir « Les conditions et modalités de détermination, de réalisation et de prise en compte au titre de l'obligation de certification périodique des actions mentionnées au I de l'article L. 4022-2 », l'autre devrait fixer « les conditions et modalité de création, d'utilisation, d'accès et de consultation des comptes individuels, les modalités de financement du dispositif, les adaptations aux spécificités des professionnels de santé ».
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Citer cet article: Polémique autour de la recertification périodique - Medscape - 13 sept 2021.
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