FA persistante : la technique d'ablation de la fibrose guidée par IRM échoue de peu dans DECAAF II

Ted Bosworth

3 septembre 2021

Virtuel  Associer l’ablation des zones de fibrose de l’oreillette gauche guidée par IRM à l’isolation des veines pulmonaires (IVP) ne réduit pas significativement le risque de récidive d’arythmie atriale comparée à l’isolation des veines pulmonaires seule chez les patients ayant une fibrillation auriculaire (FA) résistante au traitement, selon les résultats d’une analyse en intention de traiter de l’essai randomisé, DECAAF II présenté au congrès annuel de l’European Society of Cardiology .[1]

Il y a un avantage significatif à l'ablation guidée par imagerie dans le sous-groupe de patients qui ont une fibrose stade I ou II et ceci est une donnée clinique importante

Cependant, il y a un avantage significatif à l’ablation guidée par imagerie dans le sous-groupe de patients qui ont une fibrose stade I ou II et ceci est une donnée clinique importante, a exposé le Pr Nassir F. Marrouche, auteur principal de l’étude, cardiologue à l’Université de Tulane à la Nouvelle Orléans, lors de la présentation des résultats.

« Les patients au stade précoce [de la fibrose] semblent aller bien si vous faites correctement votre travail en couvrant la myopathie [en formant des cicatrices] et ça c’est un message important », explique le Pr Marrouche.

Une interprétation que ne partagent pas le Dr Paul J. Wang de l’Université de Stanford et le Pr Christophe Leclercq, chef du service de cardiologie au CHU de Rennes, intervenants invités par l’ESC. Le cardiologue français insiste notamment sur le taux plus important de complications associé à l’ablation de la fibrose guidée par IRM.

Impact de l’ablation de la fibrose auriculaire guidée par IRM : 1er essai randomisé

L’hypothèse de l’essai DECAAF II était que l’ablation guidée par l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) prouverait sa supériorité par rapport à l’IVP seule dans le traitement de la FA persistante. DECAAF II fait suite à l’étude DECAAF, publiée en 2014, qui a montré que le degré de fibrose évalué par IRM était associé au risque de récidive après ablation.

L’étude DECAAF II a inclus 843 participants randomisés par 44 centres (âge moyen 62,1 ans, 78,8% d’hommes). A l’entrée dans l’étude, tous ont eu une imagerie IRM avec rehaussement tardif après injection de gadolinium, technique permettant de visualiser la présence de tissu fibreux.

Après la randomisation, ceux dans le groupe contrôle ont eu l’IVP selon le protocole habituel. Ceux du groupe interventionnel ont eu l’ablation des zones fibreuses de l’oreillette gauche mises en évidence par l’IRM en plus de l’IVP.

Le critère de jugement principal était la récidive de l’arythmie atriale (FA, flutter, tachycardie atriale) à 12 et 18 mois. Le suivi était réalisé par ECG réguliers, holters et smartphone avec application ECG fourni à tous les patients.

Une réduction du risque de 5% : non significative

Après un suivi moyen de 12 mois, les récidives – le critère primaire  ont été observées chez 43% des patients du groupe interventionnel et 46,1% dans le groupe témoin. Cette diminution relative de 5% n’est pas statistiquement significative. (Hazard Ratio (HR) : 0,95 ; [IC95% : 0,778-1,17 : P= 0,63])

Dans le protocole, il était prévu chez tous les patients de refaire l’IRM après le 3ème mois de traitement. Cela a permis aux chercheurs d’évaluer le degré de formation de la cicatrice sur la zone couverte dans le groupe interventionnel.

Des lecteurs indépendants ont chiffré cette lésion selon des niveaux allant de 1 à 5. Cinq représentant une couverture complète.

Cette analyse a permis d’observer que l’ablation assurait la formation de lésions de niveaux plus élevés en cas de fibrose récente, définie par les stades I et II, mais plus faibles aux stades avancés.

Plus il y a de myopathie, plus il y a de maladie, moins il y aura de formation de lésion.

« Plus il y a de myopathie, plus il y a de maladie, moins il y aura de formation de lésion », souligne le Dr Marrouche.

Les auteurs ont aussi rapporté une corrélation entre le pourcentage de fibrose traitée et les récidives chez les patients qui avaient un stade I ou II de fibrose à l’inclusion (HR : 0,84, [IC95%: 0,73-0,96, p=0,01]).

Enfin, le taux de complications, notamment les AVC, était plus important dans le groupe « ablation de fibrose », en particulier chez les patients avec un degré de fibrose important.

Débat autour des résultats du sous-groupe au stade I ou II de fibrose

« Cela a des implications énormes pour le futur », indique le Dr Marrouche. Dans ce contexte des études antérieures, incluant DECAAF I, qui montraient que la fibrose évoluée était associée à un haut risque d’échec de l’isolation, DECAF II, fournit une esquisse pour savoir « Où et quand ablater ».

Prises ensemble, les données de DECAAF I et II suggèrent qu’il n’y a pas d’intérêt à ablater si la fibrose est très avancée. La formation de la lésion sera insuffisante pour réduire le risque de FA. Il n’y a pas de bénéfice à passer outre le risque légèrement plus important d’accidents vasculaires cérébraux ou d’autres complications observées dans le groupe interventionnel de l’essai DECAAF II, selon le Dr Marrouche.

Si la fibrose est évoluée, réalisez seulement l'IVP

« Si la fibrose est évoluée, réalisez seulement l'IVP », dit-il.

Cependant si la fibrose est encore à un stade précoce, le stade II ou inférieur défini par nos résultats, les données de DECAAF II indiquent qu’il y a un bénéficie, selon le Dr Marrouche.

« DECAAF nous dit qu’il faut cibler la maladie à son début » insiste-t-il. A la question de savoir s’il appliquerait maintenant ce traitement chez les patients ayant une fibrose débutante il répond : « Oui, c’est ce que je conclus ».

Plusieurs aspects concernant la réalisation de DECAAF II, notamment l’IRM au cours du suivi pour quantifier l’ablation à 3 mois, ont été salués par le Dr Paul J. Wang, à la tête du Stanford Cardiac Arrhythmia Service, Stanford University, lors de la session, mais il n’est pas d’accord avec l’interprétation du Dr Marrouche. En particulier sur le fait que l’isolation par une ligne cicatricielle soit plus facile à réaliser chez les patients ayant une fibrose auriculaire moins étendue.

DECAAF II n’est pas une étude positive

Si l’on se réfère aux coefficients de corrélation, exprimés en valeur de r, qui sont de 0,237 et 0,493 respectivement pour un indice de fibrose faible ou important « La différence de la formation de la lésion dans les groupes de fibrose faible ou élevée semble difficile à prouver », insiste le Dr Wang, qui est également rédacteur en chef de l’American Heart Association's Circulation: Arrhythmia and Electrophysiology.

La différence de la formation de la lésion dans les groupes de fibrose faible ou élevée semble difficile à prouver.

De plus, « les auteurs suggèrent que l’impossibilité d’obtenir une bonne ablation expliquerait la récidive de la FA », insiste le Dr Wang. Cependant, étant donné les multiples variables potentielles influençant ce risque, « il est difficile de le montrer ».

Finalement, malgré un bénéfice observé chez les patients ayant un faible niveau de fibrose identifié en per protocole dans un sous-groupe traité « DECAAF II prend place parmi les nombreuses études [évaluant l’ajout d’une procédure à l’IVP seule] dans lesquelles le critère principal n’a pas été atteint », conclut le Dr Wang.

Le Dr Christophe Leclercq confirme ce point de vue. Selon le cardiologue français, de nombreuses études précédentes ont créé le « séduisant » concept consistant à réaliser une grande surface d’ablation pour éviter la récurrence de la FA mais ceci « n’a pas été confirmé par DECAAF II ».

Il n’approuve pas non plus l’ablation guidée par l’IRM des FA résistantes chez les patients ayant une affection récente.

Il y a eu un résultat positif chez les patients ayant un stade faible de fibrose, mais il y a aussi plus de complications chez ceux qui ont eu une ablation guidée par l'IRM.

« Il y a eu un résultat positif chez les patients ayant un stade faible de fibrose, mais il y a aussi plus de complications chez ceux qui ont eu une ablation guidée par l’IRM », conclut-il.

Le Dr Marrouche indique qu’il a des intérêts financiers avec Abbott qui a apporté les fonds pour cette étude. Le Dr Wang n’a pas d’intérêt, le Dr Leclercq indique des relations financières avec Boston Scientific, Medtronic, Sorin Group et St Jude Medical.

L’article DECAAF II: AF, Fibrosis Ablation Technique Falls Short, but Signs of Hope a été initialement publié sur MDedge.com, appartenant au réseau Medscape.  28 août, 2021. Traduit pas le Dr Jean-Pierre Usdin.

 

 

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