Pass sanitaire, obligation vaccinale : la relation médecin-patient mise à mal

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

1er septembre 2021

France – Avec la mise en place du pass sanitaire et l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé, la pression se fait plus forte sur les médecins généralistes. Diffamations et agressions verbales deviennent plus fréquentes. Les médecins craignent également d’être sollicités pour des arrêts de travail de complaisance, une situation pour laquelle le syndicat MG-France appelle à la vigilance.

Agressions dans les centres de vaccination, mais aussi dans les cabinets

Depuis ce lundi 30 août, le pass sanitaire est obligatoire pour les personnels des établissements recevant du public, et à partir du 15 septembre, la vaccination devient obligatoire pour les professionnels de santé. Dans ce contexte, la situation devient de plus en plus tendue pour les généralistes, en particulier avec certains patients.

« Nous avons été émus de voir un certain nombre d’agressions, notamment dans les centres de vaccination, mais aussi dans les cabinets », s’inquiète le Dr Jacques Battistoni, président de MG-France et médecin généraliste dans l’agglomération de Caen (14), auprès de Medscape édition française. « Cela allait de la mauvaise humeur à des agressions verbales, voire à des destructions de vaccins dans les centres de vaccination. Dans celui de ma commune, où j’ai moi-même vacciné, les patients qui venaient sont devenus parfois hostiles, parfois désagréables voire agressifs avec le personnel. Ce n’est pas la même reconnaissance de notre travail qu’avant. Nous avons l’impression qu’ils nous prennent pour des représentants des pouvoirs publics qui les obligent à se faire vacciner ! », déplore-t-il.

 
Nous avons l’impression qu’ils nous prennent pour des représentants des pouvoirs publics qui les obligent à se faire vacciner ! Dr Jacques Battistoni
 

Demande de faux pass sanitaire

Cette défiance envers les médecins s’illustre également dans les propos de certains représentants politiques. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France a affirmé dans un tweet que les médecins avaient « des morts sur la conscience » en confinant les malades « chez eux avec du Doliprane », contrairement au Pr Didier Raoult qui avait « sauvé des vies en soignant précocement les malades ». « Cette façon de mettre en cause les médecins est scandaleuse », réagit le Dr Battistoni. « C’est une manière pour lui de cultiver sa clientèle électorale et c’est tout à fait inadmissible. Les médecins soignent en fonction des connaissances actuelles de la science et proposent à leurs patients ce qui est reconnu et qui a fait l’objet d’études sérieuses et solides », tient-il à recadrer.

Pour le Dr Jean Tafazzoli, médecin généraliste à La Tour-de-Salvagny dans le Rhône (69) et secrétaire général de l’URPS médecins libéraux d’Auvergne-Rhône-Alpes, « il y a une instrumentalisation de la médecine aujourd’hui : les médecins n’ont jamais été aussi exposés ». Il constate que « le climat est de plus en plus tendu » et qu’« il y a une dépréciation de la profession médicale, comme si c’était normal de taper sur des médecins ». « Parmi les patients que je reçois, certains m’ont demandé si je pouvais leur faire un faux pass sanitaire. Nous avons aussi des patients qui nous engueulent d’être pro-vaccins. Il y a encore des gens qui croient que c’est une maladie imaginaire. D’autres deviennent ultra-anti-vaccins en réaction de rejet du gouvernement. En cabinet, cela altère la relation avec le patient », regrette-t-il.

 
Il y a une dépréciation de la profession médicale, comme si c’était normal de taper sur des médecins. Dr Jean Tafazzoli
 

Arrêts de travail de complaisance

Outre ces difficultés, le syndicat MG-France a appelé dans un communiqué ses adhérents à la vigilance, face à la probabilité de hausse des demandes d’arrêts de travail de complaisance pour les personnes ne souhaitant pas se faire vacciner. « Le ministère et l’Assurance Maladie vont traquer les arrêts maladie de complaisance, réalisés quand des salariés des secteurs d'activités recevant du public, refusant la vaccination obligatoire, en subiraient des conséquences professionnelles. Les médecins généralistes seront certainement sollicités pour ces demandes qui pourraient se multiplier », écrit le syndicat. « MG France ne saurait cautionner une action militante anti-vaccination qui se traduirait par l’usage de certificats de complaisance. Mais des situations complexes peuvent survenir chez ces patients. Les médecins généralistes qui les prennent en charge ne doivent être inquiétés en aucune manière pour cela », ajoute-t-il. « Nous avons interpellé le ministère de la Santé afin qu’il regarde les choses avec attention et pas avec des œillères », commente le Dr Battistoni. « Bien sûr, il faut lutter contre les certificats de complaisance, mais il faut aussi distinguer les cas où la situation du patient justifie un arrêt de travail, comme des symptômes de dépression par exemple. Le ministère nous a promis qu’il ferait la différence entre les personnes pouvant présenter de vrais symptômes et celles qui, par idéologie, font le choix de ne pas être vaccinées », conclut-il.

 
MG France ne saurait cautionner une action militante anti-vaccination qui se traduirait par l’usage de certificats de complaisance. Bien sûr, il faut lutter contre les certificats de complaisance, mais il faut aussi distinguer les cas où la situation du patient justifie un arrêt de travail, comme des symptômes de dépression par exemple. Dr Jacques Battistoni
 

 

Crédit photo : Getty Images

 

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