Rentrée scolaire : le Conseil scientifique redoute une épidémie pédiatrique

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

1er septembre 2021

France – Dans son dernier avis consacré à la rentrée de septembre, le Conseil scientifique s’intéresse aux enfants, aux adolescents et à la rentrée scolaire [1]. Alors que le variant Delta, très contagieux, représenterait 98% des cas d’infection en France, le groupe de réflexion et de conseil mené par Jean-François Delfraissy dit redouter une épidémie pédiatrique en cette rentrée « dans un contexte de non-vaccination chez les moins de 12 ans, et d’un taux de couverture vaccinale de 50% chez les 12-17 ans ». Il regrette l'abandon du dépistage (dépistage généralisé ou mieux dépistage réactif de la classe lors d’un cas détecté), notamment dans le primaire, s’inquiète de la santé mentale des enfants et des adolescents mais se montre plutôt rassurant sur la dangerosité du variant Delta chez les très jeunes.

Abandon du dépistage

En cette veille de rentrée scolaire, le Conseil scientifique regrette « l'abandon du dépistage (dépistage généralisé ou mieux dépistage réactif de la classe lors d’un cas détecté) qui pourrait être un complément extrêmement utile au maintien de l'ouverture des classes, notamment dans le primaire ». Il considère en effet que, « dans cette population non-vaccinée, le risque de circulation intense du virus à la rentrée est très élevé ». De fait, l’application de la règle consistant à fermer des classes dès le 1er cas « pourrait rendre la réouverture du primaire très complexe, notamment en cas de fermeture itérative d’une même classe » explique le Conseil scientifique. D’autant que, selon lui, la faisabilité et l’efficacité de la méthode sont établies. Des expérimentations menées notamment en Auvergne Rhône-Alpes montrent qu'un taux d'adhésion de 50% sur l’ensemble du 3e trimestre scolaire était possible avec des tests PCR réalisés sur prélèvements salivaires hebdomadaires faits à domicile ou sur site. Par ailleurs, des études de modélisation menées par l'équipe de Vittoria Colizza suggèrent qu'une adhésion de 50% de la population scolaire à un dépistage bihebdomadaire permettrait de garder les classes ouvertes si les enfants trouvés infectés sont renvoyés à leur domicile.

Encourager l’effort de vaccination des 12-17 ans

Chez les adolescents, le dépistage pourrait également apporter un bénéfice important pour le contrôle de l'épidémie, ce d'autant qu'il sera pratiqué dans une population partiellement vaccinée (supérieur à 50%), précise le Conseil scientifique qui souligne, par ailleurs, que la vaccination des 12-17 ans est un succès à encourager. Au 31 août, le site du gouvernement indiquait que 62% des jeunes de cette tranche d’âge avaient reçu au moins 1 dose, et que 44% étaient complètement vaccinés. Pour le Conseil scientifique, il est « très important d'associer les lieux scolaires aux efforts de vaccination, comme cela est envisagé dès la rentrée, afin de préserver l'équité dans l'accès à la vaccination ».

En revanche, il est tout à fait improbable que la vaccination des moins de 12 ans soit mise en œuvre d’ici la fin de l’année car les données sur l'efficacité et l'innocuité de la vaccination dans cette tranche d’âge, indispensables pour une approbation par les Autorités européennes de santé, dépendent d’essais cliniques dont les résultats « ne seront pas rendus publiques avant novembre ou décembre 2021 », précise le Conseil scientifique.

La vaccination au collège et au lycée démarre dès la première semaine de cours

La campagne de vaccination en milieu scolaire va débuter dans les prochains jours. « Certains établissements ont déjà envoyé des questionnaires aux parents », indique le ministère de la santé. Deux modalités de vaccination seront mises en place :

  • le déplacement des jeunes à pied ou en transport vers des centres de vaccination proches (Bretagne, Meurthe-et-Moselle, Val-d’Oise…) ;

  • la présence d’équipe mobiles dans les établissements (Seine-Saint-Denis, Alpes-Haute-Provence…)

Les effectifs mobilisés seront principalement ceux des centres de vaccination.

Un formulaire d’autorisation sera adressé aux élèves et familles à l'occasion de la rentrée. Les adolescents de 12 à 15 ans auront besoin de l'accord de l'un des deux parents pour se faire vacciner contre le Covid-19 (une autorisation parentale devra être remplie et signée par l’un des deux parents). Pour les adolescents de 16 ans et plus, l’autorisation parentale n’est pas nécessaire. AL

Santé mentale en danger

Dans son dernier avis, le Conseil scientifique revient – après avoir déjà alerté en mars 2021 – sur l’impact de la pandémie sur leur santé mentale des enfants et des adolescents. Car si les enfants ont été considérés comme épargnés par le Covid-19, parce que peu concernés par les formes sévères et graves liées, ils sont néanmoins susceptibles de développer des troubles mentaux liés à l’impact scolaire et sociétal de la crise sanitaire. Des conséquences psychiatriques rendues visibles dès l’automne 2020, comme le rappelle aussi le Pr Elise Launay dans une interview, et qui se sont traduites par une augmentation conséquente des demandes de soins ambulatoires et hospitaliers dans les services de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sur l’ensemble du territoire avec une saturation de ces mêmes services. Idem pour les « services de pédiatrie, qui ont dû accueillir tout au long de ces dix derniers mois des enfants et des adolescents relevant de soins psychiatriques », indique le Conseil scientifique. La « rapide et sévère » saturation en termes de lits d’hospitalisation l’a été d’autant plus que, préalablement à la pandémie, le système de soins en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent était déjà « en grande tension » (rapport Sénat 2017).

Parmi les pathologies observées : des troubles anxieux et dépressifs, accompagnés d’idéations suicidaires et de gestes suicidaires, et des troubles du comportement alimentaire, et ce, aussi bien chez ces jeunes déjà suivis pour des difficultés psychologiques que chez des primo consultants. Santé Publique France qui a chiffré les troubles amenant une augmentation des hospitalisations en psychiatrie, a noté des pics à + 80% pour troubles de l’humeur et + 40 % pour gestes suicidaires.

Et le Conseil scientifique ne peut que constater qu’ « étant donné la durée prolongée de la pandémie, avec des périodes de poussées épidémiques, il est probable que l’impact sur la santé mentale des enfants et des adolescents va perdurer ». Face à cette situation, Santé publique France et le Ministère des Solidarités et de la Santé ont lancé cet été une campagne 100% digitale pour inciter les adolescents en souffrance à parler et à recourir aux dispositifs d’aide à distance sous la forme d’une ligne d’écoute et d’un site Internet.

Variant Delta : quelle dangerosité chez les plus jeunes ?

Faut-il s’inquiéter de la dangerosité du variant Delta chez les enfants, s’interroge enfin le Conseil scientifique. Si, se voulant rassurantes, des Sociétés savantes de Pédiatrie ont répondu par la négative la semaine dernière, le Conseil est plus modéré. Outre le syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS), rare complication de l’infection à SARS-Cov-2 chez les plus jeunes (avec un risque inférieur à 1 p. 1000 infections), « il existe des interrogations sur la fréquence, la durée, et l'intensité des manifestations type Covid-long chez les enfants, retrouvées à J28 chez 4% des enfants atteints de Covid âgés de 5 à 17 ans dans une étude (Molteni, Lancet Child Adolesc Health), et à 5 semaines chez 10% des enfants atteints de Covid âgés de 2 à 11 ans, et 13% enfants atteints de Covid âgés de 12 à 16 ans, dans une autre (étude ONS, Royaume-Uni) » signale l’avis.

Les Etats-Unis ont connu, il est vrai, une augmentation importante des admissions hospitalières pédiatrique depuis l'émergence du variant Delta notamment dans les Etats du Sud du pays où la couverture vaccinale est moins élevée. Cette plus grande sévérité du Covid-19 chez les enfants aux Etats-Unis – supérieure à celle observée en Europe – pourrait s’expliquer, selon les membres du Conseil scientifique par la présence « de co-morbidités de type obésité et diabète, plus fréquentes chez les enfants américains ». Le risque d'hospitalisation est de 1% pour les cas pédiatriques identifiés aux Etats-Unis, et déjà 400 décès y ont été recensés depuis le début de l'épidémie (alors que la France n'en compte que 6 pour une population 5 fois inférieure), précise-t-il.

Des cas de formes sévères chez des enfants de moins de 6 ans justifiant un séjour en soins critiques ont également été décrites récemment en Nouvelle-Aquitaine, en Guadeloupe et en Martinique. Cela ne correspond à « aucune augmentation significative au niveau national » rassurent les membres du Conseil mais justifie une « surveillance épidémiologique particulière ».  

Enfin, le Conseil scientifique relaie la préoccupation des pédiatres qui redoutent cet hiver une augmentation du nombre de cas de bronchiolites à VRS compte tenu d’une immunisation faible durant les deux dernières années. Sur le plus long terme, des pédiatres s’inquiétaient aussi cette semaine du fait que la « dette immunitaire » qui s’est créée chez les plus jeunes par un respect de règles d’hygiène sans précédent du fait de la pandémie, soit susceptible d’avoir des conséquences au moment du relâchement des gestes barrières avec des épidémies (de varicelle, par exemple) plus intenses.

 

Crédit photo : Getty Images

 

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