Virtuel – Chez les patients insuffisants cardiaques (NYHA II à IV) avec antécédents de décompensation ou de peptides natriurétiques élevés, la surveillance à distance de la pression artérielle pulmonaire (PAP) par le capteur de pression implantable CardioMEMS® (Abbott) permettrait d’éviter des hospitalisations sans diminuer la mortalité, selon l’essai randomisé GUIDE-HF. Les résultats restent peu concluants.
Les résultats ont été présentés lors du congrès virtuel de l’European Society of Cardiology (ESC2021) et ont fait l’objet d’une publication simultanée dans le Lancet [1,2]. L’analyse, qui a dû tenir compte des répercussions de l’épidémie de Covid-19 sur le suivi des patients, a montré des résultats significatifs dans la période pré-Covid-19, mais pas pendant tout le suivi, ce qui amène à rester prudent dans l’interprétation.
Dispositif « potentiellement efficace »
En intégrant l’impact de l’épidémie sur la bonne conduite de l’essai, « on peut considérer que l’intervention [permettant la télésurveillance de la PAP] est potentiellement efficace dans cette population de patients, mais pas concluante », a souligné le Pr Rory Collins (Université d’Oxford, Royaume-Uni), invité à commenter les résultats en fin de la présentation, lors d’un échange en ligne.
Les résultats pré-Covid montrent une baisse des hospitalisations de 27% pour ces patients atteints d’insuffisance cardiaque NYHA II à IV, soit une réduction similaire à ce qui a été observé dans l’essai randomisé CHAMPION, qui a évalué le dispositif CardioMEMS® chez des patients avec insuffisance cardiaque de classe NYHA III. C’est en se basant sur les résultats de CHAMPION que le dispositif a reçu le marquage CE en 2010.
Le dispositif CardioMEMS® se compose d’un détecteur de pression sans fil qui se place dans l’artère pulmonaire distale par cathéter, en passant par la voie fémorale. De la taille d’un trombone (4,5 cm x1 cm), le capteur est non résorbable et conçu pour une implantation permanente.
Le dispositif est associé à deux systèmes électroniques, l’un situé à l’hôpital, l’autre au domicile du patient. Le capteur ne permet pas une mesure continue de la pression pulmonaire. Il est activé par le patient par le biais du transmetteur, qui transfère ensuite les informations reçues vers un site de télécardiologie mis en place par le fabricant. Les données sont analysées par les médecins, qui peuvent alors ajuster le traitement médicamenteux pour maintenir une stabilité hémodynamique en prévention d’une décompensation cardiaque.
Dans GUIDE-HF, « les résultats suggèrent que le bénéfice déjà démontré avec le monitoring des paramètres hémodynamiques chez les patients de classe NYHA III après hospitalisation pour insuffisance cardiaque peut être élargi aux patients de classe NYHA II et à ceux présentant un niveau de peptides natriurétiques élevé », a commenté le Pr JoAnn Lindenfeld (Vanderbilt University Medical Center, Nashville, Etats-Unis), principale auteure de l’étude, lors de sa présentation en ligne.
A réserver pour certains patients ?
Interrogé par Medscape édition française, le Pr Damien Logeart (hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris) estime qu’il reste difficile de conclure, compte tenu de la méthode d’analyse. « Les preuves de l’intérêt de cet outil chez ces patients moins sévères sont moins convaincantes que celles apportées dans l’essai CHAMPION. C’est, en quelque sorte, rassurant: on se verrait mal faire du monitorage de pression artérielle pulmonaire chez tous nos patients insuffisants cardiaques. »
L’approche adoptée avec cet outil de télésurveillance implantable reste toutefois pertinente, estime le cardiologue. « La grande majorité des décompensation cardiaques sont précédées d’une augmentation de la pression artérielle pulmonaire. » Les études montrent que cette hausse s’observe 20 à 30 jours avant les premiers signes d’aggravation. Selon lui, cette surveillance est plus précise que celle s’appuyant sur une balance connectée pour détecter une prise de poids, autre signe avant-coureur de décompensation, toutefois moins systématique.
« Cet outil implantable a certainement sa place chez certains patients, ceux assez jeunes avec une cardiopathie sévère, pour lesquels une télésurveillance est nécessaire, en attendant par exemple une greffe. »
Un dispositif non remboursé en France
Le dispositif CardioMEMS® est disponible en France depuis 2018. Il est indiqué chez les patients insuffisants cardiaques de classe NHYA III, hospitalisés pour insuffisance cardiaque l'année précédente. Le service attendu a toutefois été jugé insuffisant par la Haute autorité de santé (HAS) et l’inscription du dispositif sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) a été refusée, selon un avis rendu en avril dernier.
Le dispositif n’étant pas remboursé en France, il est utilisé uniquement dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRP), a indiqué le Pr Logeart. Le manque d’essai comparatif avec un suivi à distance basé sur une surveillance quotidienne du poids est l’un des arguments avancés par la HAS pour justifier son avis. C'est d’ailleurs ce qui manque à nouveau dans l’essai GUIDE-HF, a souligné le cardiologue.
Autre argument avancé par la HAS: « l’absence de données de tolérance à long terme appréciant le risque de thrombose ou d’endocardite infectieuse ».
Mené dans 140 centres d’Amérique du Nord, l’essai GUIDE-HF est une étude randomisée prospective. Au total, il a inclus 1 000 patients insuffisants cardiaques de classe NYHA II à IV hospitalisés pour IC dans les 12 derniers mois précédents ou avec des antécédents de peptides natriurétiques/NT-pro-B-type élevés. Ils étaient âgés en moyenne de 69 ans et près de la moitié d’entre eux avaient une FEVG > 40%.
Tous ont reçu l’implant CardioMEMS®. Les patients ont ensuite été randomisés entre un suivi intégrant les données hémodynamiques provenant du dispositif et un suivi sans ces données (groupe contrôle). A l’inverse des praticiens chargés du suivi, les patients ne savaient pas si les données étaient transmises ou non (essai en simple aveugle).
Baisse des hospitalisations de 28%
Le critère principal est un critère composite associant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les consultations en urgence pour insuffisance cardiaque et les décès toutes causes. Après un suivi médian de près d’un an, 253 évènements de ce critère primaire ont été observés en utilisant la télésurveillance de la PAP, contre 289 évènements dans le groupe contrôle, soit une différence non significative de 12% (HR=0.88; IC à 95%, [0.74–1.05]; p=0.16).
En se focalisant uniquement sur les données obtenues avant le 13 mars 2020, date de la déclaration de l’état d’urgence aux Etats-Unis en raison de l’épidémie de Covid-19, la différence devient significative entre les deux groupes. On observe alors une baisse de 19% des événements du critère primaire (HR= 0.81; IC à 95%, [0.66 – 1.00]; p=0.0489).
En ce qui concerne les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, la baisse après un an de suivi dans le groupe télésurveillance est de 17%, une réduction qui manque de peu la significativité après analyse de l’ensemble des données ((p=0.064). En revanche, en considérant uniquement la période pré-Covid, la différence entre les groupes devient significative (p=0072) avec une baisse des hospitalisations pour IC de 27% avec la télésurveillance.
S’agissant des consultations en urgence pour insuffisance cardiaque ou de la mortalité toutes causes, les résultats ne montrent pas de différences significatives avec le dispositif, autant sur l’ensemble du suivi, que sur la période pré-Covid.
D’autres outils connectés en développement
Dans un éditorial accompagnant la publication de l’étude, les Drs Pierpaolo Pellicori et John Cleland (Institute of Health and Wellbeing, Université de Glasgow, Royaume-Uni) décrivent également des résultats « encourageants, mais peu concluants » [3].
Selon eux, l’essai n’a pas sélectionné le bon profil de patients pouvant bénéficier de cette technologie et le suivi était trop court pour apprécier son efficacité. Ils suggèrent de mener d’autres études visant à « évaluer une prise en charge, plutôt qu’une seule technologie ».
Pour améliorer le suivi par télésurveillance, « de nombreux outils connectés sont actuellement en développement », a précisé le Pr Logeart, qui évoque notamment des recherches sur des t-shirts connectés capables de surveiller en continu l’activité cardiaque. « On devrait y voir plus clair d’ici 4 ou 5 ans. Je doute qu’un dispositif invasif comme CardioMEMS® sera l’outil le plus pertinent. »
GUIDE-HF a été financé par le laboratoire Abbott qui commercialise le dispositif CardioMEMS.
Le Pr Lindenfeld a déclaré des liens d’intérêt avec AstraZeneca, Sensible Medical, Volumetrix, Abbott, Alleviant Medical, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Boston Scientific, CVRx, Edwards, Impulse Dynamics et VWave.
Les liens d’intérêt des autres auteurs sont listés dans le papier du Lancet.
Le Dr Cleland a déclaré des liens d’intérêt avec Abbott à propos concernant le dispositif MitraClip, sans lien avec CardioMEMS.
Le Dr Pellicori et le Pr Logeart n’ont pas déclarés de liens d’intérêt.
Crédit photo Abbott Cardiovacular
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Citer cet article: Télésurveillance de l’IC: le capteur implantable CardioMEMS® peine à convaincre - Medscape - 1er sept 2021.
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