Paris, France — Un nouveau protocole sanitaire a été annoncé par le ministère de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer pour la rentrée de septembre 2021, lequel prévoit notamment des cours en présentiel, port du masque obligatoire en intérieur dès l'école élémentaire, brassage des classes limité, sports de contact interdits en intérieur... L’occasion de faire le point sur l’impact de la pandémie chez les enfants et les adolescents, en termes d’infection, de vaccination et de santé mentale avec le Pr Elise Launay, pédiatre et infectiologue au CHU de Nantes, présidente du Groupe de Pédiatrie Générale sociale et environnementale de la Société française de pédiatrie (SFP).
Medscape édition française : Quel est, actuellement, le bilan du nombre de personnes vaccinées dans la tranche d’âge 10 - 19 ans ?
Pr Élise Launay : Les données au 27 août de la vaccination des 12-17 ans sont les suivantes : 60,6% des 12-17 ans ont reçu au moins une dose et 40,5% ont reçu 2 doses.
Une communication de la société française de pédiatrie (SFP) montre que les formes graves chez les 10-19 ans est réellement faible, aux alentours des 0,02%. La vaccination pour cette tranche d'âge est-elle réellement nécessaire ?
Pr Launay : Les formes graves pour cette tranche d'âge ne sont pas nulles. Qui plus est, vacciner les adolescents augmente le bénéfice collectif de la population, mais aussi le bénéfice individuel pour les formes grave de l'adolescent. Les données de sécurité du vaccin nous font aussi penser que la balance bénéfice-risques est favorable.
En revanche, il faut commencer par vacciner les adolescents susceptibles des faire des formes graves comme nous l'avions énoncé au Conseil national professionnel de la pédiatrie (CNPP). Et nous sommes aussi d'accord pour dire que ce sont les adultes, quels que soient leur âge, qui sont prioritaires.
Quelles sont les pathologies qui pourraient amener des formes graves chez les adolescents ?
Pr Launay : Essentiellement les déficits immunitaires des maladies respiratoires chroniques, mais il y a aussi des formes sévères chez des adolescents sans pathologie sous forme de PIMS (Pediatric inflammatory multisytem syndrome).
A-t-on suffisamment de recul sur le nombre de PIMS en France ?
Pr Launay : La situation n’empire pas, mais les PIMS accompagnent les vagues de contamination avec un décalage de quatre à six semaines. À l'heure actuelle les données de santé publique France font état de 600 cas, très bien documentés.
Que pensez-vous du protocole de rentrée scolaire (en présentiel, fermeture de la classe pendant 7 jours est prévue dès le 1er cas de Covid , cours en distanciel pour les cas contact qui ne sont pas vaccinés ou immunisés…) ?
Pr Launay : Il faut tout faire pour maintenir les enfants à l'école pour qu'il y ait le moins de stress possible, c'est cela l'enjeu. Mais je trouve que nous insistons beaucoup sur la vaccination des enfants mais pas assez sur celle des enseignants et des personnels de l'enseignement. Si tous les adultes en cours sont bien vaccinés, la pression sur les enfants diminuera. C'est très important.
Les purificateurs d'air dans les écoles vous semblent-ils indispensables ?
Pr Launay : Je ne suis pas sûre d'avoir l'expertise pour vous répondre, mais ce qui est sûr c'est que ces purificateurs ne doivent pas dispenser les gens de se faire vacciner. La solution, c'est que tous les enseignants dans les écoles soient vaccinés.
Sur les moins de 12 ans, la position du CNPP est très prudente, en déclarant attendre plusieurs mois avant de se prononcer. Ne faudrait-il pas faire vacciner ces enfants qui peuvent développer des formes graves ?
Pr Launay : C'est déjà le cas. Des recommandations ont été émises pour vacciner des enfants à très haut risque*, présentant notamment des déficits immunitaires. La décision se prend en réunion multidisciplinaire et nous proposons ensuite la vaccination à ces enfants après discussion avec les parents. De même que l’on propose aussi de vacciner l'entourage de ces enfants.
*l'indication vaccinale pour les moins de 12 ans en attendant les données des études pour les moins de 12 ans : Patients atteints de mutations de AIRE (poly-endocrinopathie auto-immune, APECED) avec autoanticorps-interféron de type I ou déficits immunitaires spécifiques de la voie de l’interféron de type I (insuffisance de la réponse anti-virale médiée par l’interféron de type I), prédisposition génétique aux encéphalopathies virales.
Quels sont les enfants ciblés ?
Pr Launay : Ce sont des enfants atteints de pathologies avec un déficit immunitaire très sévère. Pour la généralisation de la vaccination des enfants (y compris les moins de 12 ans), nous attendons la conclusion des études cliniques en cours. Au vu de la rareté des formes graves chez les enfants, il va falloir que nous soyons sûr que les vaccins n'aient pas d'effets secondaires graves chez eux.
Peut-on considérer que ces enfants sont des réservoirs à coronavirus à partir desquels pourraient se développer de nouveaux variants, rendant indispensable leur vaccination ?
Pr Launay : Selon quelles données ? Le résultat des études faites en milieu scolaire ne permet pas de l'établir. Il est vrai que certains estiment que ces données ne sont pas fiables. Et quand bien même ces enfants seraient des réservoirs [à coronavirus], le vecteur reste l'adulte. Si le vecteur se conduit bien en se vaccinant, alors le virus ne se diffuse pas.
Vous avez beaucoup insisté sur la santé mentale des enfants et des adolescents. Outre-mer, la rentrée est décalée au 15 septembre. Cette décision peut-elle avoir un impact sur la santé mentale des adolescents ?
Pr Launay : Oui, certainement. Nous sommes inquiets de ce qui va se passer à la rentrée et c'est pour cela que nous insistons pour que les classes restent ouvertes et que les adultes se vaccinent. Nous nous sommes rendu compte que la santé sociale, dans une optique de santé publique, était très importante pour les enfants et les adolescents. Il va falloir que l'on suive attentivement la santé de ces tranches d'âge.
Avez-vous fait un état des lieux de la santé mentale des enfants et adolescents depuis le début de la pandémie ?
Pr Launay : Selon Santé publique France, les statistiques d’admission aux urgences pour cette tranche d'âge, montrent une augmentation des entrées d'enfants et d'adolescents pour idées noires, tentatives de suicide, troubles anxieux, troubles somatoformes, troubles du sommeil chez les plus petits ou encore troubles de l'alimentation, etc.
L'augmentation de ces troubles correspond-elle aux courbes de contamination, ou survient avec un décalage dans le temps ?
Pr Launay : Elle se produit avec un décalage par rapport aux contaminations. Nous avons commencé à observer ces troubles en septembre 2020, même si nous avions repéré des cas de maltraitance dès le premier confinement. C’est véritablement en septembre et octobre 2020 que nous avons constaté une augmentation de l'hospitalisation des enfants et des adolescents, avec un pic au printemps 2021, puis une diminution cet été. Mais nous constatons une reprise, donc nous allons devoir rester très vigilants, et nous assurer d’avoir les moyens de prendre en charge tous ces enfants et adolescents. Avant la pandémie de Covid, nous avions déjà observé au niveau national et international une augmentation des consultations aux urgences pour des motifs pédopsychiatriques. La pandémie a attisé ce phénomène, du fait d'un contexte anxiogène, de la perturbation de la vie sociale, de l'apparition de stress économique dans certaines familles... Il faut aussi se poser la question de la santé des populations : si la Covid a actuellement un tel impact dans les Dom-Tom, c'est aussi par ce que les populations ultramarines sont en moins bonne santé qu'en métropole.
Craignez-vous que la stigmatisation des enfants non vaccinés crée de la détresse psychologique ?
Pr Launay : Oui, tout à fait. Il va falloir en discuter pour trouver des solutions, car les enfants ne sont pas responsables du choix de leur parent. Un enfant peut demander à être vacciné sans l'accord de ses parents mais ce n'est pas aussi évident que cela : on les met en porte-à-faux vis-à-vis de leurs parents et cela crée des conflits de loyauté. Par ailleurs, il ne faut pas priver les enfants non vaccinés d’exercice physique, du fait de la décision de leur parent. Car ce qui va jouer sur la santé des enfants et des adolescents à moyen terme n'est pas tant la covid que la sédentarité, la mauvaise santé cardiovasculaire... Il faut faire attention de ne pas creuser les inégalités de santé.
Crédit photo : Getty Image
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Citer cet article: Rentrée scolaire : « Il faut tout faire pour maintenir les enfants à l'école » - Medscape - 31 août 2021.
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