Quand la " coronamusic " aide à supporter le stress de la pandémie

Dr Thomas Kron

Auteurs et déclarations

2 septembre 2021

Berlin, Allemagne – Ecouter de la musique a-t-il permis de faire face au stress lié au confinement? C’est ce qu’a étudié une équipe de chercheurs allemands et la réponse est positive. Leurs conclusions ont été publiées récemment dans Nature[1].

La musique pour mieux faire face au stress émotionnel

Il est clair que les restrictions liées à la pandémie et encore plus l'imprévisibilité de ses effets ont été vécues comme un stress par de nombreuses personnes. Nous ne sommes pas tous égaux pour y faire face, la capacité de résilience différant d'une personne à l'autre.

Pendant les périodes d'aggravation de la pandémie et de confinement, nombre d'entre nous ont utilisé la musique pour mieux faire face au stress émotionnel. Ecouter de la musique est l’une des activités dont l'importance a le plus augmenté pendant les phases de confinement, en comparaison avec d'autres activités de loisirs pouvant également favoriser la régulation des émotions, comme, par exemple, le sport, le jardinage, la méditation ou les travaux manuels.

Une étude internationale incluant plus de 5 000 personnes

Les scientifiques regroupés autour d'un projet de recherche international et auquel participait l'Institut Max Planck d'Esthétique Empirique ont vérifié si la musique représentait une méthode réellement efficace pour faire face à l'enfermement socio-émotionnel [2]. Des échantillons représentatifs d’un point de vue démographique ont été collectés dans 6 pays de 3 continents au cours du premier confinement (avril à mai 2020). Plus de 5 000 personnes vivant en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Inde, en Italie et aux États-Unis ont ainsi répondu à un questionnaire en ligne qui portait sur leur consommation musicale pendant la crise. Plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré écouter de la musique pour faire face aux facteurs de stress émotionnels et sociaux.

« Le plus remarquable ici, c'est n’est pas que la musique en elle-même ait servi d'outil d'adaptation, mais bien que le comportement lié à la musique – autrement dit, la manière par laquelle les gens vécu leur approche de la musique pendant la crise – ait évolué », explique l’une des auteurs de l’étude, Mélanie Wald-Fuhrmann de l'Institut Max Planck d'Esthétique Empirique. « Dans ce contexte, écouter de la musique ou en faire soi-même a débouché sur des possibilités d'adaptation différentes. »

Ainsi, les personnes qui vivaient des émotions négatives intenses ont utilisé la musique principalement pour réguler la dépression, l'anxiété et le stress. Celles dont l'humeur était globalement positive ont utilisé la musique principalement comme substitut aux interactions sociales. Pour elles, la musique a transmis un sentiment d'appartenance à une communauté non seulement lorsqu'elles l'écoutaient mais également lorsqu'elles en jouaient : dans ce cas, la musique a servi de moyen d'auto-réflexion (ou d’instropection).

Des millions de clics pour "Corona music"

Selon l'étude, un nouveau genre est apparu, la " coronamusic ou musique du Corona ", qui revêtirait une importance particulière. Sous ce terme, ont été regroupé les réactions musicales à la crise, sous la forme de morceaux nouveaux, de playlists thématiques, ainsi que de chansons préexistantes mais dont les paroles ont été modifiées en fonction de la pandémie (voir encadré).

L'importance de cette "musique du Corona" a été confirmée, entre autres, par les millions de clics que de nombreux titres ou vidéos de cette catégorie ont engendrés dans le monde entier.

Selon les auteurs, l'attrait et le potentiel d'adaptation de la "musique du Corona" résident principalement dans sa qualité de média traitant explicitement de la pandémie ainsi que de ses conséquences sur la vie et le ressenti. On peut ainsi avancer que les chansons ont un effet adaptatif particulièrement important, car elles ont permis de combiner l'actualité et les représentations sociales autour de la pandémie avec la capacité de la musique à influencer les émotions et à apporter du réconfort.

Des informations sur le virus sont également transmises

En outre, une grande partie de la "musique du Corona" proposée visait à transmettre des informations sur le virus et les mesures barrières de manière attrayante et persuasive, en incitant les gens à les comprendre et à s'y conformer. Il a été démontré que l'empathie et les informations fiables augmentent le respect des mesures de protection et des contre-mesures.

La "musique du Corona" ne s’est donc pas contenté de transmettre de l'empathie à son public : elle a également été susceptible de la susciter et, en fin de compte, d’impacter le comportement humain, la résolution des problèmes et la capacité d'adaptation. Elle a offert la possibilité de répondre collectivement aux défis sociétaux actuels, renforçant la résilience des individus et des communautés.

Il s'agit donc d'un élément essentiel à considérer, y compris sur le plan du débat sociétal portant sur la "pertinence systémique" de la musique et de la culture.

Qu’appelle-t-on “coronamusic” ?

L’expression a été utilisée pour la première fois par des chercheurs de pays Nordiques (Danemark, Norvège, finlande, Suède et Pays-bas) qui ont décidé pendant le premier confinement du printemps 2020 de colliger tous les morceaux de musique, vidéos qui ont été les plus écoutées/vues/téléchargées/échangées sur le Net pendant cette période au point de constituer une banque de données de “coronamusic”. Leur travail a été publié dans Front. Psychol. récemment.

L'exemple le plus frappant est sans doute celui de l’Italie, qui a véritablement vécu son confinement en musique. On se souvient de ces vidéos d’Italiens entonnant en choeur et depuis leurs balcons “Bella Ciao”, des vidéos très partagées sur les réseaux sociaux dans toute l’Europe. En France, la vidéo du Boléro de Ravel par l'Orchestre national de France a fait plus de 3 millions de vues sur YouTube et, en parodiant avec humour Brel et Cabrel sur le theme du confinement, les Goguettes ont véritablement cartonné ! Les soignants on d’ailleurs largement participé au mouvement, tels le Dr Catherine Scarabin avec sa reprise engage “Où sont les masques”. Ils ont aussi au coeur de nombreuses chansons dans lesquelles des artistes tels que JJ Goldman, Patrick Bruel, Soprano ou encore Calogero ont rendu hommage à leur travail et à leur dévouement. SL

 

Cet article a été initialement publié sur Univadis.de sous le titre Kennen Sie „Corona-Musik“? Sie hilft, Pandemie-Stress besser zu ertragen und vertreibt Angst und Einsamkeit – sagt Nature. Traduit par le Dr Claude Leroy et complété par Stéphanie Lavaud.

Crédit photo : Getty Images

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