Spécial hypertension à l’AHA 2021 : focus sur le contrôle tensionnel, en 3 études

Dr Benoît Lequeux, Dr Romain Boulestreau

Auteurs et déclarations

23 novembre 2021

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Les Drs Benoît Lequeux (CHU de Poitiers) et Romain Boulestreau (CHU de Bordeux) du Club des Jeunes Hypertensiologues commentent 3 études clés dans l’hypertension artérielle (HTA) présentées au congrès de l’American Heart Association  (AHA) 2021 :

  • Programme de contrôle tensionnel et lipidique par télémédecine, chez 10 000 patients américains – le traitement était dispensé avec succès selon un algorithme, sans intervention d’un médecin. [1  ]Se dirige-t-on vers une médecine automatisée ?

  • Prise en charge classique versus intensive (c.-à-d. avec l’intervention d'auxiliares médicaux spécialement formés sur l’HTA) chez 34 000 patients en milieu rural. [2]Cette étude chinoise montre supériorité de la prise en charge intensive.

  • L’étude BP Track (2017-2020) : durant la pandémie de COVID-19, la proportion de patients hypertendus avec une pression artérielle non contrôlée a augmenté aux États-Unis, selon l’analyse de données de 24 centres du réseau de surveillance PCORnet.[3  ]Plusieurs facteurs sont évalués et les projections laissent entrevoir un effet « bombe vasculaire » si des mesures ne sont pas prises rapidement dans le contexte pandémique actuel.

  • Le CjH vous invite à vous inscrire à la 41e Journée d’Hypertension Artérielle, qui se déroulera en virtuel le 17 décembre 2021. 

TRANSCRIPTION

Benoit Lequeux Bonjour à tous. Je suis le Dr Benoît Lequeux et j’ai le plaisir d'être ce soir avec le Dr Romain Boulestreau. Nous sommes tous les deux membres du Club des Jeunes Hypertensiologues et nous allons profiter de cette petite vidéo pour vous présenter des études d'actualité qui ont été présentées au congrès de l’American Heart Association (AHA) 2021. Romain – je vais te laisser présenter les deux premières études.

Programme de contrôle tensionnel et lipidique par télémédecine

Romain Boulestreau Bonjour Benoît, bonjour à tous. Il y a eu trois grosses études à l’AHA, effectivement. Moi, je vais surtout en parler d'une étude américaine qui a approché l’apport de la télémédecine dans le contrôle tensionnel et dans le contrôle lipidique. [1] Cela me paraît être encore très compliqué et pas applicable en France, mais aux États-Unis, ils ont pris 10000 patients – 30 % pour l'HTA et 60 % pour les lipides – et ont proposé à certains d'avoir des outils connectés qui suivent l'hypertension artérielle avec, en face, des algorithmes qui proposent une titration thérapeutique, etc. Donc il n’y a pas de médecin dans la boucle. Ensuite, les patients allaient chercher leur traitement en fonction de ce que donnait l'algorithme et on regardait ce qui se passe.

Résultats : Cela a effectivement amélioré le contrôle tensionnel et le contrôle lipidique des patients qui étaient dans ce programme. Ce pose la question, peut-être à l'avenir, d'une médecine automatisée basée sur de la télémédecine et sur la place du médecin dans la prise en charge des facteurs de risque, puisqu’on sait qu'on est exposé, nous les médecins, à beaucoup d’inertie thérapeutique et que la prise en charge médicale de ces facteurs de risque n’est pas optimale. Donc je trouve que cette étude ouvre plutôt une question plus qu’elle ne nous propose de réponses, et peut être que dans dix ans cela sera ainsi, mais en France cela me paraît un petit peu tôt.

L'autre problème étant que pour avoir de la télémédecine, il faut avoir accès à internet facilement et cela risque d'augmenter les disparités entre les gens qui ont peu de moyens et peu d’accès à internet et les autres.

Contrôle tensionnel par prise en charge classique vs intensive en milieu rural : « quand on veut on peut »

Romain Boulestreau L'étude qui m'a le plus intéressé est chinoise, menée dans des villages – donc sur le principe ce n’est pas du tout en France, on est dans une zone très rurale en Chine.[2] Ils ont randomisé 163 villages d'un côté, 163 de l'autre, avec une prise en charge classique pour premiers, prise en charge intensive pour les seconds.

- Et la prise en charge intensive, c'est quoi ? Ce sont des auxiliaires de vie – ce qu’ils appellent des « docteurs de village » – formés à l’hypertension artérielle et à sa prise en charge de façon assez poussée. Ils sont formés au dépistage de l’hypertension, à la titration thérapeutique, au renforcement de l'observance ; ils ont des incitations financières pour bien faire les choses et ils ont le support de spécialistes en hypertension qui les aident et qui les accompagnent.

- De l’autre côté, prise en charge classique.

Ces auxiliaires de vie médicaux, en plus de titrer les traitements vont bien éduquer les patients à faire de l'automesure, à être observants au niveau de leur traitement, à améliorer leurs règles de vie sur le sel, sur le sport, etc. Donc finalement, suivre les recommandations, c'est la prise en charge qu'on devrait tous faire, et eux sont spécifiquement formés, ils ne font que cela, ils sont bien payés s'ils le font bien.

Ils ont randomisé 34000 patients à partir du moment où ils ont plus de 140/90 mm Hg de pression sans traitement ou 130/80 sous traitement et à 18 mois ils regardent la pression artérielle et à 36 mois les événements cardiovasculaires.

Résultats : À l'AHA on a seulement les résultats de l'hypertension artérielle. À 18 mois, la prise en charge intensive permet à 60% des patients du groupe intensif d'avoir une pression à moins de 130/80 mm Hg et à 80% des patients d'avoir moins de 140/90. En face, dans le groupe classique, on est à peine à 20% de contrôle tensionnel strict moins de 130/80 et 45% de contrôle tensionnel plus léger – 140/90. Cela veut dire que les recommandations marchent si on se donne les moyens de contrôler les patients en suivant bien ces recommandations, en étant rigoureux, en éduquant bien les patients ; on contrôle largement la population d’hypertendus. Quand on voit qu'en France on n’a que 25% de contrôle tensionnel alors que dans un village chinois on peut, pour le même seuil de 140/90 mm Hg, arriver à 80% de contrôle tensionnel, je crois qu’on a vraiment des indices sur la marche à suivre et c'est un message d'espoir parce que cela dit qu'en fait « quand on veut on peut », et en France on pourra aussi y arriver.

Voilà ce que j'ai retenu. Qu'est-ce qui t'a plu à toi dans ce congrès ?

 
C'est un message d'espoir parce que cela dit qu'en fait « quand on veut on peut.
 

BP Track : impact de la pandémie de Covid-19 sur le contrôle tensionnel

Benoit Lequeux   C'est également une étude sur le contrôle de la pression artérielle qui était vraiment intéressante : BP Track. Le design de l’étude n’était pas du tout fait pour voir l’effet du COVID – mais on se retrouve avec une étude qui permet de voir l’impact de l’épidémie sur le contrôle tensionnel et le suivi des patients. [3] Ils ont recruté plus de 1,8 million de patients – c’était une grosse étude – entre 2017 et 2020, donc ils ont eu de la « chance dans leur malheur », puisque finalement, à la base l’étude était menée pour savoir si les patients étaient bien équilibrés, et par le fait du COVID, ils ont pu regarder un peu l’impact de l’épidémie sur le contrôle de la pression artérielle.

Résultats : Avant 2019, ils s’apercevaient qu’ils avaient 60 % des patients qui avaient un contrôle tensionnel sur des définitions à 140/90 mm Hg, et quand on prenait des chiffres à 130/80, on tombait à 25 %. Le COVID est arrivé et ces niveaux de pression artérielle ont été nettement moins bien contrôlés, donc ils ont une chute importante du nombre de patients contrôlés et ceci également lié au fait qu’il y avait moins de visites, puisque ces patients qui avaient été dépistés pour une hypertension artérielle, on est censé les revoir dans le suivi – on rejoint là un peu l’étude de la télésurveillance, puisque la téléconsultation permettrait à distance de savoir si les patients sont équilibrés. Mais cette étude, ce n’était pas le cas, ils n’ont pas fait de téléconsultation.

Ils se sont aperçus que chez un nombre important de patients qui a eu un diagnostic d’hypertension artérielle, du fait de l’absence de consultations dans le suivi, ce niveau de pression artérielle a été beaucoup moins bien contrôlé. Ce qui est intéressant aussi dans cette étude, c’est qu’ils montrent que c’est très « ethnie-dépendant », puisque les patients d’origine asiatique tirent un peu leur épingle du jeu avec des contrôles de tension artérielle qui sont un peu meilleurs. Par contre, dans la communauté afro-américaine, c’est une catastrophe, de par les niveaux sociaux peut-être – ils ne détaillent. Les patients blancs, par contre, avaient un niveau de pression qui était proche de la moyenne. Donc les auteurs disent très bien que l’impact du COVID est susceptible d’être disproportionné sur les contrôles tensionnels chez des patients qui sont mal desservis ou minorisés.

Et ils font une analogie intéressante, justement. Ils vont un petit peu plus loin – c’est de la projection, puisque c’était uniquement sur les chutes de pression artérielle – et citent un méta-analyse qui montre que chaque réduction de cinq points de pression artérielle est associée à une réduction des événements cardiovasculaires liés à l’âge. Donc ils se projettent en disant que chez ces patients qu’on équilibre moins, on risque d’avoir un impact cardiovasculaire dans les années futures – c’est juste de la projection, de dire que les patients étant moins bien contrôlés on risque d’avoir plus d’événements cardiovasculaires. Et ils disent très bien que la pression artérielle, c’est une chose, mais il y a tout l’environnement qui va avec, à savoir la prise de poids, la diminution de l’activité physique/la sédentarité, l’augmentation de la consommation d’alcool. En gros, l’article est très clair : si on ne corrige pas le tir, si on est toujours dans l’environnement du COVID et qu’on ne met pas des systèmes de stratégies de contrôle de la pression artérielle, on risque d’avoir des bombes vasculaires et d’avoir une augmentation très significative des événements cardiovasculaires dans les années qui viennent. C’était une étude intéressante, parce que cela permettait de dire là aussi « quand on veut on peut », comme tu le disais avec l’étude chinoise. Je pense que dans le cas du COVID, il faut se donner les moyens de pouvoir équilibrer ces patients, et je pense que, justement, la téléconsultation dans ce cadre-là, en tout cas de cardiologie, est une bonne occasion de pouvoir équilibrer les patients.

 
L’impact du COVID est susceptible d’être disproportionné sur les contrôles tensionnels chez des patients qui sont mal desservis ou minorisés.
 

Congrès JTHA, le 17 décembre 2021 

Romain Boulestreau Merci Benoît pour cette étude très claire et très bien présentée. Ce que nous montrent ces articles, et comme souvent les articles sur l’hypertension artérielle, c’est que quand on fait bien les choses, on y arrive. Et, justement, si vous voulez faire parfaitement les choses, apprendre à le faire facilement, en très peu de temps, à contrôler quasiment tous vos hypertendus, il y a un rendez-vous à ne pas manquer : c’est le 17 décembre, les Journées d’hypertension artérielle. Vous avez le lien pour aller voir ce qu’on vous propose pour ce congrès et je vous propose de vous inscrire. Vous y trouverez à la fois toutes les dernières sciences fondamentales, mais aussi et surtout les dernières études cliniques, comment on traite l’hypertension artérielle en pratique, on vous a préparé une série de tips and tricks pour vous apprendre en quelques minutes comment les experts font pour gérer les situations particulières, et puis vous pourrez nous rencontrer sur une chaîne Zoom dédiée. C’est en ligne, vous pouvez rester chez vous, une fois que vous êtes inscrit vous pouvez les revoir à distance. C’est gratuit, évidemment – aucun problème pour s’inscrire, que du bonus, donc n’hésitez pas.

Je vous remercie d’avoir suivi cette actualité Medscape. J’étais très content d’être avec Benoît et puis on vous revoit très bientôt pour d’autres vidéos.

Benoit Lequeux Au revoir.

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