Cancer du poumon : les études marquantes sélectionnées par le Pr Marie Wislez

Pr Marie Wislez

Auteurs et déclarations

30 septembre 2021

Le Pr Marie Wislez (hôpital Cochin) passe en revue les études notables dans le cancer du poumon présentées au congrès de l’ESMO 2021 : IMpower010, INESCO, GEMSTONE, COAST, DESTINY-Lung01 et CHRYSALIS.   

TRANSCRIPTION

"Bonjour, je suis Marie Wislez, pneumologue spécialisée en cancérologie, je travaille à l’hôpital Cochin, APHP Centre, à Paris. Durant cet ESMO, il y a eu plusieurs avancées concernant les cancers du poumon. Je propose de vous les présenter selon le stade.

IMpower010 : atézolizumab dans le cancer bronchique non à petites cellules opéré

Pour la prise en charge des stades localisés, nous avons eu, en présentiel, une analyse post-hoc d’ IMpower010 [NCT02486718], qui est une étude comparant l’atézolizumab (un anti-PD-L1) versus contrôle en adjuvant dans le cancer bronchique non à petites cellules opéré. L’inclusion se faisait après la chimiothérapie adjuvante. L’analyse statistique est hiérarchisée et un peu compliquée.

Cette étude était positive. On savait qu’elle était positive depuis l’ASCO chez les patients avec un PD-L1 supérieur ou égal à 1 % et de stade 2 et 3. On avait un forest plot avec le PD-L1 négatif, le PD-L1 supérieur à 1 %, le PD-L1 supérieur à 50 %, mais on ne savait pas très bien ce qui se passait pour les 1 à 49 %, donc on nous a présenté ces données. Et ces données montrent qu’en effet il n’y a pas de bénéfice en termes de survie sans récidive de l’atézolizumab chez les gens PD-L1 négatifs, et que probablement le bénéfice obtenu chez les PD-L1 positifs supérieur ou égal à 1 % est tiré par la population de forts expresseurs, supérieure à 50 %, parce que – c’est une analyse post-hoc – dans le sous-groupe 1 à 49 % on ne retrouve pas ce bénéfice. Donc ce sont des données supplémentaires pour réfléchir au positionnement de cette première immunothérapie en post-opératoire après chimiothérapie pour des patients en résection complète.

IONESCO : durvalumab en néoadjuvant dans les cancers bronchiques non à petites cellules localisés

La deuxième étude est également une analyse post-hoc à partir de l’essai français IONESCO [NCT03030131] qui testait le durvalumab (anti-PD-L1) en néoadjuvant, cette fois-ci pour des cancers bronchiques non à petites cellules localisés. Cette étude a été rapportée à l’ESMO l’an dernier et montrait qu’il y avait une faisabilité de la résection chirurgicale, décrivait un taux de réponse histologique majeure de 18%, donc comparable à ce qui est observé pour des designs similaires avec des immunothérapies en monothérapie. Là, nous montrons que la réponse histologique analysée en variable continue est associée à la survie sans récidive et à la survie globale de façon indépendante, donc sur une analyse multivariée. C’est la première étude qui démontre que la réponse histologique après une immunothérapie néoadjuvante prédit la survie globale. C’était démontré pour la chimiothérapie néoadjuvante à base de platine, ce n’était pas démontré pour une immunothérapie néoadjuvante.

 
IONESCO est la première étude qui démontre que la réponse histologique après une immunothérapie néoadjuvante prédit la survie globale.
 

GEMSTONE et COAST : immunothérapie aux stades localement avancés et non résécables

Pour les stades localement avancés et non résécables, je citerais deux études :

  • GEMSTONE-301 [NCT03728556] présentée par Yi-Long Wu, qui est un essai comparable au design de PACIFIC, qui teste une immunothérapie en consolidation. Ce n’est pas le durvalumab, c’est un autre checkpoint inhibiteur qui est un anti PD-1, mais, surtout, le point important est que la chimiothérapie pouvait être soit concomitante, soit séquentielle – dans PACIFIC, c’était après chimiothérapie concomitante.

C’est la première étude qui nous montre (elle est positive) qu’il y a un bénéfice à une consolidation par immunothérapie après une chimioradiothérapie séquentielle.

 
GEMSTONE est la première étude montrant qu’il y a un bénéfice à une consolidation par immunothérapie après une chimioradiothérapie séquentielle.
 
  • l’autre étude intéressante pour les stades localement avancés non résécables, est COAST [NCT03822351] qui teste en consolidation après chimiothérapie le durvalumab comme bras comparateur, mais qui associe soit un anti-CD73, soit un anti NKG2A. Ce sont des anticorps monoclonaux dirigés vers CD73, dirigés contre NKG2A, deux molécules qui induisent une immunosuppression dans l’environnement tumoral. Et le fait d’adjoindre ces traitements en consolidation améliore la PFS [survie sans progression], la survie sans récidive, obtenue par le durvalumab seul. Donc c’est une phase 2 randomisée, et on va probablement reparler de ces deux molécules.

DESTINY-Lung01 : l’anticorps conjugué trastuzumab-deruxtecan dans les stades métastatiques

Pour les stades métastatiques, il y a plein de données intéressantes, mais la plus importante a fait l’objet d’une communication orale et d’une publication dans le New England Journal of Medicine le même jour : c’est le résultat finalisé de l’essai [DESTINY-Lung01 - NCT03505710] testant chez les patients avec adénocarcinome muté HER-2 – dans le sein c’est amplifié HER-2, dans le poumon ce sont des mutations HER-2 – l’efficacité de l’anticorps conjugué trastuzumab-deruxtecan. Il y a un taux de réponse de 50 %, 91 patients inclus, une PFS de l’ordre de 8 mois, une durée de réponse prolongée, une toxicité gérable. On note quand même 26 % de pneumopathies interstitielles avec un grand nombre de formes non symptomatiques et de découvertes fortuites sur le scanner, mais des pneumopathies éventuellement infiltrantes diffuses. En tout cas, il faut surveiller cet effet secondaire, mais on voit une grande efficacité chez ces patients mutés HER-2, pour lesquels il n’y a pas d’alternative thérapeutique en termes de thérapie ciblée ayant cette efficacité.

CHRYSALIS : amivantamab/lazertinib chez des patients EGFR-mutés et en échec de thérapie ciblée et chimiothérapie

Pour finir, on a eu des présentations [CHRYSALIS ; NCT02609776] concernant l’association amivantamab/lazertinib ― l’amivantamab étant un anticorps bispécifique anti-EGFR anti-MET, le lazertinib un TKI de l’EGFR de troisième génération. Cette association est donnée à progression après osimertinib ou après osimertinib + chimiothérapie – il y a plusieurs cohortes en cours et les données qu’on avait confirment l’efficacité de cette association de thérapies ciblées avec une toxicité qui a l’air gérable, donc chez ces patients qui sont EGFR mutés et en échec de thérapie ciblée et en échec de chimiothérapie.

Voilà, encore, cette année, beaucoup d’avancées intéressantes en ce qui concerne les cancers du poumon."

 

Source Lead image: Dreamstime

 

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