POINT DE VUE

Produits laitiers et maladies cardiovasculaires : que retenir des nouvelles études ?

Pr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

3 novembre 2021

Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste

TRANSCRIPTION

Faut-il limiter à tout prix et au maximum la consommation des produits laitiers gras pour prévenir le diabète et les maladies cardiovasculaires ?

La recommandation usuelle diététique est de limiter la consommation des laitages gras, notamment le lait entier, le fromage et le beurre – le beurre n’est pas classé dans les produits laitiers, mais il provient, bien sûr, de la matière grasse laitière. Ces produits sont donc à limiter, classiquement parce qu’ils font monter le taux de cholestérol dans le sang, c’est quelque chose qui est parfaitement démontré. Les acides gras saturés, qui constituent deux tiers de la matière grasse laitière, augmentent, dans leur ensemble, la concentration plasmatique du cholestérol sanguin.

Les nouvelles données de la littérature

Il y a des données récentes ou, en tout cas un ensemble de données, qui à mon avis permettent de nuancer la recommandation concernant les produits laitiers gras. Ces données nous viennent essentiellement d’études épidémiologiques.

D’abord, il semble que pour le fromage, même s’il augmente naturellement le cholestérol sanguin, à quantité identique de graisse il fait moins monter le cholestérol plasmatique que le beurre.[1,2]

Deuxième ensemble de données pour le fromage : il y a des données qui viennent d’études épidémiologiques et qui vont dans le sens d’une protection conférée par le fromage contre les maladies cardiométaboliques, le diabète et les maladies cardiovasculaires. Ce qui est le plus convaincant dans ces données épidémiologiques, ce sont celles qui ont mis en relation les concentrations plasmatiques de marqueurs de la graisse laitière avec l’incidence du diabète et des maladies cardiovasculaires. Donc, ici on n’évalue pas les apports en produits laitiers déclarés, mais on évalue la concentration plasmatique de certains acides gras saturés qui sont caractéristiques de nos matières grasses laitières, et on met en relation ces concentrations plasmatiques avec les évènements cliniques. D’abord, il y a une étude[3] qui a examiné, sur un suivi de 9 ans, le devenir de 64 000 personnes et qui montre que des concentrations les plus élevées de biomarqueurs de matière grasse laitière étaient associées à un risque diminué de 30 % de développer un diabète par rapport aux personnes qui avaient les concentrations plasmatiques les plus faibles dans ces marqueurs de la matière grasse laitière.

 
On évalue la concentration plasmatique de certains acides gras saturés.
 

En ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, on a encore des données de même type avec notamment une méta-analyse[4] récemment publiée de 18 études interventionnelles et qui montre que des niveaux élevés d’acides gras typiques de la graisse laitière sont associés à une incidence plus faible de maladies cardiovasculaires. Bien sûr, il s’agit de données épidémiologiques, d’associations statistiques, et on n’a pas aujourd’hui de données qui permettent de montrer de manière formelle que consommer des laitages gras diminue le diabète et les maladies cardiovasculaires. Une autre faille de ces études : ces données ne permettent pas de savoir quel type de produits laitiers gras – fromage, yaourt, lait entier – pourrait être protecteur. Et quand on regarde encore l’épidémiologie, il est possible que ce soit plus spécifiquement le fromage et les yaourts, et non le lait, qui confèrent la protection. [5]

Que recommander aux patients ?

En pratique, que peut-on retenir de ces données pour les recommandations que nous faisons à nos patients? Je vous donne ici la manière dont j’utilise ces données et non pas des recommandations officielles de nos sociétés savantes ou des autorités de santé.

  • Premièrement, je dis à mes patients qu’une part de fromage tous les jours, c’est peut-être bénéfique en prévention cardiométabolique.

  • Deuxièmement, je précise que pour le lait entier, rien n’est clair. Voilà pourquoi je recommande plutôt de consommer du lait demi-écrémé.

  • En ce qui concerne le beurre, aujourd’hui il n’y a aucun élément pour penser que le beurre soit protecteur contre le diabète ou les maladies cardiovasculaires et on reste dans une logique de réduire le beurre. Le beurre n’est pas un aliment, une matière grasse qu’il faut consommer pour une raison de santé. La seule raison d’en consommer un peu, bien sûr, c’est le plaisir.

Je précise, pour terminer, que je n’ai aucun lien d’intérêt avec l’industrie des produits laitiers. Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.

 

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