Les points marquants du congrès international de la European Respiratory Society (ERS) 2021 commentés par le Dr Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch.
Au programme :
actualité du COVID-19 : tabac, traitements, vaccination
pollution de l’air : le "combat du pneumologue aujourd’hui"
fibrose pulmonaire : l’étude française EXAFIP
microbiote, immunothérapie et cancer
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous, je suis le Dr Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch et je voulais revenir avec vous sur le congrès des pneumologues européens, l’ERS 2021. C’est un congrès maintenant international où les Américains participent également. Cette année, je vous rapporte quelques éléments d’un congrès qui était passionnant et foisonnant.
L’actualité COVID-19
Tout d'abord, difficile de ne pas faire un point sur le COVID-19 qui est, depuis deux ans, un élément essentiel de notre vie au quotidien. L’ERS est l’occasion de revenir sur un certain nombre d’éléments.
Le tabac : on l'a dit protecteur à une époque, il est l’heure de vraiment revenir sur cet élément. Fumer ne protège pas du COVID, c’est l’inverse, et c’est l’occasion aussi de rappeler qu’il y a eu des rétractations de certains articles parce que les auteurs n’avaient pas déclaré leurs liens d’intérêt avec l’industrie du tabac. Donc restons prudents sur les informations qui nous arrivent, surtout quand elles n’ont pas eu l’occasion d’être vérifiées dans des revues avec comité de lecture.
Les traitements : on peut aujourd’hui dire que les choses ont progressé, même si beaucoup de traitements ont été des échecs. Dans le COVID, il y a d’abord une phase infectieuse qui peut être prévenue par l’utilisation d’anticorps : ce sont les anticorps monoclonaux ou du plasma de convalescents, c’est-à-dire extraits de gens guéris du COVID. Si vous n’êtes pas immunodéprimé, si vous n’êtes pas dans des catégories très à risque, cela n’a pas un bénéfice énorme. Ensuite, une fois le virus entré dans la cellule, on a essayé beaucoup de molécules pour tenter de bloquer sa production intracellulaire, pour qu’il ne puisse pas utiliser la machinerie de la cellule. Et c’est quand même une suite d’échecs, avec le remdésivir, l’azithromycine, l’hydroxychloroquine, l’ivermectine – tous ces médicaments sont aujourd’hui clairement démontrés comme non efficaces. Dans la phase inflammatoire, nous avons eu plus de succès. Car il y a une deuxième phase où le système immunitaire va être tellement activé par le virus que vous allez abîmer vos propres organes, dont les poumons. Danc cette phase inflammatoire, les corticoïdes ont montré qu’il y avait un bénéfice, que cela réduisait cette inflammation, mais ce bénéfice n’est montré que chez les formes graves, qui nécessitent de l’oxygène, ou qui sont intubées, ventilées en réanimation. Et il n’y a pas de bénéfice démontré dans les formes courantes vues en ville – c’est un élément important. Les anti IL-6, surtout en association avec les corticoïdes, ont également montré un bénéfice dans les formes très graves, donc aujourd’hui ce sont plutôt des médicaments actifs sur la phase inflammatoire ou en prévention de l’entrée du virus dans la cellule ; mais dans les antiviraux eux-mêmes, pas grand-chose, encore, à proposer.
La vaccination : des éléments ont été montrés qui prônent l’utilisation de la troisième dose de vaccin pour un effet boost, car on voit très bien – et en particulier en Israël – que le taux d’anticorps chute avec le temps et au fur et à mesure de la chute, une inversion, c’est-à-dire une augmentation du risque infectieux. Et cela a été la base pour proposer une troisième dose, d’abord dans les populations évidemment très à risque comme les sujets âgés et les immunodéprimés. Donc aujourd’hui, la troisième dose dont je parlais il y a quelques mois dans un article de Medscape, va devenir, non pas obligation, mais une référence pour la prise en charge des patients et probablement pour tout le monde, en tout cas pour la plus large partie d’entre nous, dans un deuxième temps. Et je vous propose une image dans la vidéo où vous avez la courbe bleue qui est la progression de l’infection chez les gens non vaccinés et la courbe verte …avec les hospitalisations, et donc la stagnation des hospitalisations dans la population vaccinée. Et je crois que cette courbe est exactement celle que, hélas, on voit en métropole versus nos îles, où le taux de vaccination a été faible. Et je trouve que c’est vraiment une démonstration par l’absurde de l’efficacité de la vaccination sur les formes graves, les hospitalisations et les décès. C'est le dernier élément sur le COVID, mais je pense que c’est important ; à chaque vague il y a une augmentation du nombre de cas et, en regard, on voit une baisse de la mortalité. Donc on progresse – via la vaccination, via la prise en charge hospitalière – dans cette maladie et on va s’en débarrasser. Et on a progressé sur la mortalité et les hospitalisations, alors que l’infectiosité du virus elle-même augmentait en parallèle. Initialement, on voyait qu’une personne infectée en contaminait deux. Avec la première forme diffusée en Europe, une personne contaminée en infectait trois. Avec l’alpha, c’est maintenant quatre à cinq personnes qui sont infectées et cela avait encore augmenté avec le virus dit « britannique », et puis le delta, aujourd’hui, dont la virulence est forte, et malgré tout on contrôle l’infection, donc ce sont vraiment des données qui sont positives.
La pollution : le combat du pneumologue aujourd’hui
Pour rappel, vous buvez 1,5 L d’eau par jour et vous respirez entre 11 000 et 12 000 L d’air (voire 15 000 L d’air si vous avez une activité dans la journée). Et dans cet air, il y a plein de choses, dont des particules fines, des pollens, des virus évidemment, du NOx, de l’ozone etc. Tous ces éléments, évidemment, se mélangent et c’est cette association, probablement un peu comme on l’a dit avec les cocktails endocriniens, qui est toxique. Et aujourd’hui, on le sait, la pollution aérienne est responsable de plus de 6 000 000 morts prématurées. C’est l’élément clé à entendre.
Le deuxième élément est qu’on disait – avec raison – que la pollution était un facteur aggravant des maladies respiratoires – l’asthme, la BPCO, la fibrose pulmonaire –, mais aujourd’hui, c’est plus qu’un élément d’aggravation, c’est un élément de genèse des maladies respiratoires et on estime que 30 % des asthmes qui surviennent chez l’enfant sont générés par la pollution, c’est-à-dire plus de 300 000 nouveaux cas par an d’asthme. Et ceci n'est que pour l’asthme – je ne parle même pas de la BPCO. Donc il y a des grands projets d’études, comme le projet ELAPSE qui comprend plus de 35 millions de personnes, qui étudient la pollution. Maintenant, c’est un fait avéré. D’ailleurs, j’en profite pour vous dire que le prochain congrès de la société de pneumologie d’Île-de-France, dont je suis le président, va parler de la pollution et surtout de comment on peut la contrôler, comment on peut améliorer les choses. Ce sera le congrès de mars 2022.
La fibrose pulmonaire : l’étude EXAFIP
Un mot sur la fibrose pulmonaire, car c’est l’occasion de présenter un travail français qui a été mis en avant lors de ce congrès, un travail collaboratif dirigé entre autres par Jean-Marc Naccache sur la fibrose pulmonaire et les traitements de leur exacerbation.[1] Vous savez que le grand risque de mortalité dans la fibrose pulmonaire et d’accélération de la maladie, c’est l’exacerbation de la fibrose. Et jusque-là nous avions, en tout cas pour un certain nombre d’équipes, l’habitude d’associer la cyclophosphamide, l’Endoxan, et les corticoïdes. Finalement, cette étude [étude EXAFIP] visait à voir s’il y avait un bénéfice à administrer du cyclophosphamide en plus des corticoïdes. Finalement, cette étude est négative, et c’est donc l’occasion pour nous de changer un bon nombre de pratiques dans les exacerbations. Mais c’est aussi l’occasion de rappeler qu’il faut vraiment traiter nos fibroses, car les traitements anti-fibrotiques aujourd’hui préviennent les exacerbations en même temps que le déclin de la fonction respiratoire.
Microbiote, immunothérapie et cancer
Un dernier mot sur le microbiote, l'immunothérapie et le cancer. Il y a eu un topo très intéressant de l’IGR sur le travail fait depuis plusieurs années maintenant, qui démontre que lorsque vous mettez une immunothérapie dans le cancer du poumon, les bactéries qui sont présentes dans votre tube digestif, donc votre microbiote digestif, influence votre réponse à l’immunothérapie. Or, l’immunothérapie, lorsqu’elles fonctionnent dans le cancer du poumon, est un traitement extraordinaire – elle améliore grandement la survie, elle bloque la maladie, on a des réponses extraordinaires. Et en essayant d’étudier ce qui caractérisait les très bons répondeurs et les non-répondeurs, cette équipe a mis en évidence qu’il fallait un microbiote particulier dans le tube digestif pour activer la réponse immunitaire. Et c’est tellement soutenu par des travaux scientifiques d’importance aujourd'hui qu’on est en train de greffer un microbiote aux patients qui ne répondent pas avec un microbiote de patients répondeurs pour voir si cela permet d’activer l’efficacité de l’immunothérapie sur le cancer.
Conclusion
Cette année à l’ERS, il y avait des choses passionnantes. Il y avait évidemment beaucoup d’autres sujets que je suis obligé de passer sous silence pour des raisons évidentes de temps. J’espère que ces éléments vous auront intéressé et que j’aurai l’occasion de vous retrouver pour discuter d’autres sujets.
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Citer cet article: Congrès ERS 2021 : les points marquants sélectionnés par Colas Tcherakian - Medscape - 29 sept 2021.
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