Vandalisme : comment faire reculer la violence des antivax ?

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

23 août 2021

Paris, France — Depuis l’annonce de la vaccination obligatoire pour les professionnels de santé, et la généralisation du pass sanitaire, le 12 juillet dernier, des actes d’incivilité contre les professionnels de santé investis dans la campagne de vaccination se sont multipliés. Les Ordres professionnels se sont alarmés et les pouvoirs publics tentent de mettre en place des parades.

Tags anti pass sanitaire et antivax

C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Dans la nuit du 16 au 17 aout, le centre de vaccination de Saint-Orens en Haute-Garonne (31) a été victime d'un acte de vandalisme qui a scandalisé. Après être entrés par effraction dans le bâtiment, des malfaiteurs ont détruit 3500 doses de vaccins contre le Covid-19, tout en saccageant du mobilier, dont des chaises et du matériel informatique. Le département de la Haute-Garonne avait déjà été le théâtre d'actes de vandalisme quelques jours plus tôt. Le 6 août dernier, les locaux de l'Ordre des infirmiers de Toulouse ont été vandalisés : des jets de pierre et des tags anti pass sanitaire ont été constatés le vendredi matin.

Des tags anti pass sanitaire et antivax avaient aussi été constatés sur le centre de vaccination de Saint-Orens. Des actes de vandalisme qui sont loin d'être isolés. En effet, selon le ministère de l'intérieur, qui a communiqué à ce sujet le 11 aout dernier, 22 faits de dégradations dans les centres de dépistage, de vaccination et les pharmacies ont été recensés depuis le 12 juillet, date des annonces par Emmanuel Macron d'obligation vaccinale pour les professionnels de santé et de généralisation du pass sanitaire. « Près de 60 faits de menaces envers des élus ont également été enregistrés », rapporte France Info. Le ministre de l’Intérieur, dans une missive adressée aux préfets, les a d'ailleurs enjoints à renforcer la sécurité près des centres de vaccination contre le Covid-19.

Incendies, inondation, tag

Le département de la Haute-Garonne (31) n'est donc pas le seul touché par la violence des anti pass. En Isère (38), dans la nuit du 16 au 17 juillet, la salle communale de Lans-en-Vercors, qui devait être aménagée en centre de vaccination contre le Covid-19, a été inondée et saccagée. Dans les Pyrénées-Atlantiques (64), le lendemain, le chapiteau du centre de vaccination d'Urrugne a été incendié, tandis que le centre de vaccination d'Audincourt, dans le Doubs (25), a été saboté le 18 aout. Des croix gammées ont par ailleurs été taguées sur le centre de vaccination de Saint-Paul-Lès-Dax (40).

Sur l’Île de la Réunion (974), le 8 aout dernier, deux barnums faisant office de centres de vaccination ont été incendiés. Sans compter les manifestations de violences contre des professionnels de santé. Le 31 juillet dernier, lors d'une manifestation contre le pass sanitaire à Montpellier (34), un pharmacien qui effectuait des dépistages a été insulté, traité de "collabo" et de "vendu" tandis que sa tente de vaccination était déchirée par des manifestants, comme on le voit sur ces images rapportées par le Midi Libre .

Le 19 juillet, à Chambéry (38) cette fois-ci, un homme est entré dans le centre de vaccination en criant « ici on tue des gens ! », rapporte La Croix .

Des relents d’antisémitisme

Des relents d’antisémitisme ont fait leur ré-apparition à l’occasion de manifestations anti-pass du monde de la santé. Après que des opposants à la politique sanitaire ont arborés l’étoile jaune, comparant la situation des non-vaccinés à celle des juifs pendant la seconde guerre mondiale, on a vu une enseignante, Cassandre Fristot , ex élue du Front national, brandir une pancarte le 7 aout dernier, en Moselle (57) qualifiant des personnalités du monde de la santé nommément citées (dont Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, et Jérôme Salomon, directeur général de la santé) de traitres. La pancarte sur laquelle était inscrite le nom de ces personnalités comportait aussi l'inscription "Mais qui ?", nouveau cri de ralliement antisémite, comme l’explique le journal Le Monde .

Sévérité des parquets

Que faire face à cette violence contre des acteurs de la vaccination ? Si le ministère de l'Intérieur a appelé à renforcer la sécurité des vaccinodromes, le ministère de la Justice enjoint les parquets à plus de sévérité contre les auteurs de ces actes de vandalisme. Selon Le Monde , le directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice a émis le 22 juillet dernier une circulaire relative au « suivi des infractions commises en lien avec le mouvement de protestation à l’encontre des mesures sanitaires » à l’intention des procureurs de la République et procureurs généraux. « Il y est demandé de faire preuve de « réactivité » et de « fermeté » dans la réponse pénale », rapporte le quotidien du soir. Parallèlement, l'arsenal juridique s'est également renforcé à l'occasion du vote de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. L'article 10 de cette loi prévoit en effet une peine d'emprisonnement de cinq ans et 75 000 euros d'amende pour toute destruction de lieu destiné à la vaccination, ainsi que des travaux d'intérêt généraux et 15 000 euros d'amende pour toute inscription, tag sur lesdits lieux. Preuve que l'affaire est prise au sérieux : l'enseignante Cassandre Fristot (voir ci-dessus) a été placée en garde à vue et devrait passer en jugement le 8 septembre prochain. Elle a par ailleurs été mise à pied par l'Éducation nationale.

Dénonciation des violences par les Ordres

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a adressé le 11 août dernier un courrier de soutien aux Ordres professionnels stipulant : « Je n'accepte aucune violence, aucune intimidation, aucune atteinte à leur intégrité physique ou à leur outil professionnel. S'attaquer à nos professionnels de santé, c'est s'attaquer à la nation... Je souhaite que chaque acte de violence ou de menace fasse l'objet d'un dépôt de plainte pour poursuivre et condamner ceux qui veulent s'en prendre à nos professionnels ».

Sachant que l'Ordre des médecins avait, pour sa part, dénoncé dès le 16 juillet les violences faites aux professionnels de santé dans le cadre de la campagne de vaccination. « Ces dernières semaines ont vu se multiplier les actes de violence et d’intimidation visant des médecins, des pharmaciens, d’autres professionnels de santé, et des personnels d’établissements ou de centres de vaccination », déplorait-il. Et d'ajouter : « L’Ordre des médecins espère que les  auteurs  de  tels  faits  seront  sévèrement  sanctionnés  par  les autorités. »

Après le saccage de son local à Toulouse, l'Ordre National des Infirmiers avait condamné « fermement ces actes de vandalisme et d'intimidation contre une organisation qui mène une mission de service public, notamment dans le cadre de la crise sanitaire ».

De leur côté, les représentants des pharmaciens, dans un communiqué commun, ont également réagi suite à la prise à parti d'un pharmacien à Montpellier. « La France fait actuellement face à une escalade des violences à l’encontre des pharmacies d’officine et des professionnels y exerçant [...] Ce déchainement soudain de violence s’est exprimé à l’encontre de pharmaciens pris à partie, injuriés, dont les barnums ont été vandalisés ou encore une officine incendiée. Si les craintes à l’égard du vaccin et des privations de libertés peuvent s’exprimer, les professions de santé, pleinement engagées depuis le début de l’épidémie pour protéger au mieux les Français, ne doivent en aucun cas subir les frais de tels actes, choquants et intolérables. Rien ne pouvant justifier de tels agissements. »

Une question demeure : ces condamnations unanimes feront-elles reculer la violence des antivax et des antipass ?

 

Crédit photo : Photo by Kiran Ridley/Getty Images

 

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