Infection COVID après vaccination : le rôle des anticorps neutralisants

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

16 août 2021

Ramat Gan, Israël – Après vaccination contre le Covid-19, le risque d’être malgré tout infecté par le virus est corrélé au niveau d’anticorps neutralisants anti-SARS-CoV2 présents dans le sang au moment de l’infection. C'est ce que confirme une étude prospective israélienne, qui montre par ailleurs que les individus infectés après avoir été vaccinés avec le vaccin à ARN de de Pfizer/BioNTech présentent des formes légères ou asymptomatiques de la maladie [1].

« Toute maladie induisant une réponse immunitaire a ses caractéristiques propres. Dans le cas du Covid-19, on reconnait aujourd’hui la prédominance du rôle des anticorps neutralisants par rapport à la réponse cellulaire dans la prévention de l’infection », a commenté auprès de Medscape édition française le Pr Cyrille Cohen (laboratoire d’immunothérapie, université de Bar Ilan, Israël), spécialiste de la réponse immunitaire cellulaire.

Un marqueur de rappel vaccinal ?

Face à l’infection par le SARS-CoV2, le rôle de la réponse cellulaire, via les lymphocytes T notamment, n’est pas encore clairement défini. Jusqu’à présent, les spécialistes ont eu tendance à considérer qu’elle pourrait être suffisante pour maintenir une protection dans le temps et compenser la perte progressive des anticorps neutralisants après immunisation. De récentes études ont toutefois montré que le maintien de ces anticorps reste fondamental.

« Cette nouvelle étude confirme qu’il y a un lien entre le niveau d'anticorps neutralisants mesuré dans le sang et le risque de développer le Covid-19 », souligne l’immunologiste.  Après vaccination, « les cellules T assurent certainement une protection, mais les anticorps ont clairement plus d’impact » pour empêcher l’infection.

 
Cette nouvelle étude confirme qu’il y a un lien entre le niveau d'anticorps neutralisants mesuré dans le sang et le risque de développer le Covid-19. Pr Cyrille Cohen
 

Cette meilleure compréhension de la réponse immunitaire amène à envisager un ajustement de la stratégie préventive contre l’infection par le SARS-CoV2, d’autant plus qu’il est de plus en plus avéré que l’immunité acquise après vaccination perd de son efficacité au-delà de six mois.

De nouvelles recommandations pourraient être en conséquence élaborées en se basant sur ces résultats. « Face à un patient de plus de 60 ans, vacciné depuis plus de six mois et présentant une sérologie négative, je pense qu’il faut recommander de prendre une troisième dose de vaccin, surtout s’il présente en plus des comorbidités », estime le Pr Cohen.

Les résultats de cette étude ont d’ailleurs été mis en avant auprès du gouvernement israélien pour appuyer le lancement d’une nouvelle campagne visant à administrer une troisième dose de vaccin aux plus de 60 ans, a-t-il précisé. Cette campagne a été initiée fin juillet en Israël face à la hausse des hospitalisations pour Covid-19, notamment chez les patients âgés, vaccinés depuis plus de six mois.

En majorité des infirmières

L’objectif de l’étude menée par le Dr Moriah Bergwerk et son équipe (Sheba Medical Center, Ramat Gan, Israël) était de caractériser les infections par SARS-CoV2 survenant chez des personnes vaccinées. Pour cela, ils se sont focalisés sur les équipes travaillant dans leur établissement, soit plus de 12 500 personnes. Parmi elles, 91% ont reçu les deux doses du vaccin à ARN de Pfizer/BioNTech entre décembre 2020 et avril 2021.

L’étude a été initiée peu de temps après le début de la vaccination. Pour identifier les cas de contaminations, des tests de dépistage du SARS-CoV2 (RT-PCR et test rapide antigénique) ont été régulièrement réalisés chez toute personne présentant des symptômes potentiellement liés au Covid-19 ou ayant été en contact avec une autre personne atteinte par la maladie.

Au total, 13,1% des personnes vaccinées (n=1497) ont eu un test PCR pour suspicion d’infection. Dans 39 cas, le test s’est avéré positif, soit un taux de contamination de 0,34% parmi les personnes vaccinées. Il est à noter que, lors de l’étude, le variant Delta qui s’avère plus contagieux n’était pas encore majoritaire. L’épidémie était également en forte régression en Israël.

Les résultats montrent que les personnes infectées après vaccination sont essentiellement des infirmières (46%) et du personnel administratif ou de maintenance (26%). Il s’agit en majorité de femmes et l’âge moyen est de 42 ans. Les chercheurs précisent que près de la moitié des contaminations détectées proviennent d’un membre de la famille non vacciné partageant le même domicile.

Trois fois moins d’anticorps

Les individus ont été infectés en moyenne 39 jours après avoir reçu la deuxième dose de vaccin. Un tiers d’entre eux se sont avérés asymptomatiques pendant tout le développement de la maladie. Les autres ont présenté des symptômes légers et aucun d’entre eux n’a nécessité d’hospitalisation. Les symptômes ont toutefois persisté au-delà de six semaines pour 20% d’entre eux (perte d’odorat, fatigue, toux, myalgie…).

Le taux sérique en anticorps neutralisants anti SARS-CoV2 s’est montré en moyenne trois fois plus faible chez les personnes vaccinées infectées au moment de la contamination, en comparaison avec celui mesuré chez les personnes vaccinées non-infectées (ratio de 0.361, IC à 95%, [0.165 - 0.787]). Par ailleurs, le niveau maximum d’anticorps atteint dans le mois qui suit la deuxième dose de vaccin est six fois moins important chez les individus infectés (ratio de 0.148, IC à 95%, [0.040-0.548])

« Nos résultats suggèrent que le pic en anticorps est également corrélé au niveau de protection contre l’infection », notent les auteurs. Pour autant, il reste encore à savoir si la diminution des d’anticorps est un bon indicateur pour savoir à quel moment administrer une troisième dose de vaccin, estiment-ils. « Le niveau de protection peut davantage dépendre de la réponse immunitaire initiale. »

Un risque de transmission à considérer

Plusieurs limites de l’étude ont été soulignées par les chercheurs. Tout d’abord, les résultats portent sur un faible effectif de personnes infectées. Il est aussi difficile d’extrapoler ces résultats en population générale puisque les cas d’infection concernent des individus jeunes et en bonne santé. Et, puisque tout le personnel n’a pas été testé, des cas asymptomatiques ont pu passer inaperçus.

En conclusion, les auteurs soulignent également le risque de transmission du virus par les personnes vaccinées. Les rares infections survenant après vaccination représentent une nouvelle problématique puisqu'elles apparaissent souvent asymptomatiques, estiment-ils. « Elles peuvent présenter un risque pour les populations vulnérables. »

En prévention de ce risque, « les soignants vaccinés devraient être testés en routine, au moins à l’aide d’un test rapide antigénique », estime le Pr Cohen.

Le Pr Cyrille Cohen n’a pas déclaré de conflits d’intérêt en lien avec le sujet.

 

Crédit photo : Getty Image

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