France – L'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) s'est saisie des cas de troubles menstruels faisant suite à la vaccination anti-Covid. L'association n'est pas démontrée mais elle est possible. Explications du Dr Geoffroy Robin (gynécologue médical, CHU de Lille) qui considère que si l’association est possible, elle ne doit pas être un frein à la vaccination des femmes.
De nombreux témoignages sur les réseaux sociaux
Cela fait déjà quelques mois que des femmes témoignent via les réseaux sociaux des règles plus abondantes ou plus douloureuses ou bien décalée dans le cycle. Des dérèglements menstruels qu’elles attribuent à l'injection d'un vaccin anti-Covid à ARNm. Ces derniers peuvent-ils être à l'origine de tels troubles ? Depuis le début de la campagne vaccinale, l’ANSM a comptabilisé plus de 300 cas. Après avoir fait état d’un « signal potentiel » dans son point de situation sur la surveillance des vaccins anti Covid-19 du 30 juillet, l’Agence indiquait une semaine plus tard ne pas pouvoir « à ce jour établir de lien entre la vaccination et les troubles menstruels, les causes de ces troubles pouvant être multiples ».
« Il faut savoir que les troubles du cycle menstruel, notamment son décalage ou des modifications du flux, sont très fréquents chez les femmes sans contraception hormonale. On ne peut pas exclure les phénomènes d'association fortuite » rappelle Geoffroy Robin, qui s'étonne tout de même que des cas similaires n'aient pas été rapportés lors des essais cliniques.
Suivi de pharmacovigilance par l’ANSM
Dans le cadre de la surveillance renforcée des vaccins anti-Covid-19, l'ANSM mène une enquête de pharmacovigilance en temps réel afin de surveiller le profil de sécurité des vaccins à partir des déclarations réalisées par les professionnels de santé, les personnes vaccinées ou leur entourage. Elle publie régulièrement des rapports, ou « point de situation ».
Dans celui du 30 juillet dernier, quelques lignes mentionnaient pour la première fois des cas de troubles menstruels survenus après la vaccination avec Spikevax (le vaccin à ARNm de Moderna). Ceci avait « conduit le comité de suivi à considérer qu’il s’agi[ssait] d’un signal potentiel qui concerne également Comirnaty, dont le profil est similaire. ». L'ANSM annonçait qu'elle allait porter ce signal potentiel au niveau européen.
Dans son point de situation du 6 août, l'ANSM indiquait avoir analysé 261 cas de troubles menstruels après une injection du vaccin à ARNm de Pfizer/BioNtech. 30 cas étaient considérés comme graves, « le plus souvent associés à d’autres effets indésirables comme un syndrome pseudo-grippal ». Concernant le vaccin à ARNm de Moderna, 49 cas, dont 6 graves, ont été répertoriés, depuis le début de la campagne de vaccination.
Pour les deux vaccins, l'Agence précise que « l'évolution est spontanément favorable en quelques jours pour la grande majorité des cas ».
Une réaction inflammatoire qui modifierait le cycle
Pour l'instant, « il est difficile de déterminer précisément un rôle du vaccin dans la survenue de ces saignements menstruels / génitaux » écrivent les experts de l'ANSM. Reste qu'il est possible qu'un vaccin entraîne de tels troubles. Il existe « une plausabilité biologique entre la vaccination et les troubles du cycle menstruel » résume Geoffroy Robin auquel des patientes ont déjà confié des changements dans leurs règles après l'injection du vaccin antigrippal.
« L'inflammation systémique qui peut résulter de la vaccination peut déréguler transitoirement l'axe hypothalamo-hypophysaire, ce qui peut entraîner une modification de la date d'ovulation, et donc des règles » détaille-t-il. D'ailleurs, il souligne que des femmes ayant eu le Covid avec une inflammation importante ont également fait l'expérience de troubles du cycle menstruel.
Quid des métrorragies qui ont concerné également des femmes ménopausées ? Si l'âge médian des femmes ayant connu des troubles menstruels faisant suite à une vaccination antiCovid est de 36,5 ans (Pfizer/BioNtech) et de 38 ans (Moderna), l'ANSM indique en effet que les signaux concernent aussi des femmes plus âgées, jusqu'à 83 ans. « Les métrorragies pourraient s'expliquer par la cascade inflammatoire. La modification des sécrétions des cytokines entraînerait une destruction de l'endomètre par les métalloprotéases. C'est bien décrit lors des poussées de maladies inflammatoires systémiques » explique le Dr Robin.
Même si l'endomètre est affiné lors de la ménopause, il peut encore saigner. Il faut veiller toutefois à écarter le diagnostic de cancer de l'endomètre. Ce déséquilibre endométrial induit par la cascade inflammatoire peut se traduire par des règles plus abondantes chez les femmes non-ménopausées.
Encourager la vaccination des femmes
« C'est important de faire œuvre de pédagogie, d'expliquer les processus et de rassurer les patientes. C'est aussi essentiel de souligner que ces troubles du cycle, dont l'association avec la vaccination anti-Covid n'est pas établie, sont transitoires, non graves et surtout que leur incidence est très faible » indique le Dr Robin.
Praticien avec une activité de procréation médicalement assistée, le gynécologue lillois conseille la vaccination contre le Covid-19 sans attendre, même si la femme a un projet de grossesse, « ce n'est pas grave si son cycle est un peu changé ». « Quand on voit les conséquences dramatiques du Covid chez les femmes enceintes aux deuxièmes et troisièmes semestres de grossesse, je considère qu'il faut vacciner les femmes avant leur grossesse pour aborder celle-ci sereinement. » argumente-t-il. « Chez les femmes enceintes non-vaccinées, je conseille la vaccination au plus vite : on sait que la vaccination est sans risque dès le début de la grossesse ».
Crédit photo : Getty Images
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Citer cet article: Troubles menstruels et vaccin COVID: une association plausible mais non démontrée - Medscape - 11 août 2021.
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