Umeå, Suède – L’infection Covid-19 est un facteur de risque indépendant d’infarctus du myocarde (IDM) et d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques (AVC) selon les résultats d’une grande étude suédoise. Il s’agit de la plus importante menée à ce jour, apportant une preuve solide à cette association. Leur étude a été publiée dans le Lancet du 29 juillet [1].
Le risque de survenue d’un IDM et d’un AVC est multiplié par, environ, 8 et 6 respectivement, au cours de la première semaine suivant le début de l’infection Covid-19 en comptant pour J0 le jour d’exposition. Même en excluant ce J0 de l’analyse (pour réduire le risque de biais statistique), le risque d’IdM et d’AVC est encore majoré par 3 fois.
« Le fait que le risque reste élevé même quand on ne prend pas en compte le jour 0 indique que le Covid-19 est un facteur indépendant de risque de survenue d’un IDM et d’un AVC ischémique » commente pour theheart.org/Medscape Cardiology l’auteure principale le Dr Anne-Marie Fors Connolly (Umeå University, Umeå, Suède).
« Nos résultats montrent que les complications cardiovasculaires aiguës pourraient être une manifestation clinique essentielle du Covid-19 et que les conséquences à long terme pourraient devenir un enjeu dans le futur » affirment le Dr Conolly et ses collègues.
Détail de la méthodologie statistique
Des études antérieures ont suggéré que le Covid-19 était un « probable » facteur de risque de survenue de complications cardiovasculaires aiguës rencontrées chez un nombre relativement faible de patients hospitalisés.
Dans ce qui pourrait être la plus grande étude actuelle évaluant cette association, les chercheurs suédois ont regardé les données des registres nationaux des patients hospitalisés ou non établissements de soin avec les registres des décès, réunissant un total de 86 742 patients (âge moyen 48 ans, 43% de sexe masculin) atteint du Covid-19 entre le 1er février et le 14 septembre 2020 et 348 481 patients-témoins appariés.
Ils ont utilisé deux méthodes statistiques pour évaluer le lien entre Covid-19 et risque d’IDM et d’AVC.
La première méthode a consisté en une série de cas auto-contrôlés (SCC) dont le but est de comparer l’incidence du rapport de risque de survenue (IRRs) d’un premier IDM et AVC avant et après avoir porté le diagnostic d’infection Covid-19.
L’autre méthode est celle des cas-témoins et permet d’identifier la probabilité de survenue d’un IDM ou d’un AVC dans les 14 jours après le début du Covid-19 en comparaison aux patients-témoins chez qui on n’a pas diagnostiqué l’infection virale.
Comme la date d’infection n’était pas connue, les chercheurs ont trouvé la date qui s’en rapprochait le plus et l’ont considéré comme étant le Jour 0 (date de l’exposition au coronavirus).
Un important pic à la fois d’IDM et d’AVC a été enregistré le J0, selon les auteurs.
Dans l’étude SCC, quand le J0 a été inclus dans la période de risque, l’IRRs pour l’IDM aigu était de 8,44 (IC 95% : 5,45-13,08) au cours de la première semaine, 2,56 (IC 95% : 1,31-5,01) pour la deuxième semaine et 1,62 (IC 95% : 0,85-3,09) pour les semaines 3 et 4 après infection Covid-19.
Quand J0 a été exclus de la période de risque, l’IRRs de la survenue d’un IDM restait significativement élevé pendant la première semaine (IRR : 2,89 ; IC 95% : 1,51-5,55) et pour la seconde semaine (IRR : 2,53 ; IC 95% : 1,29-4,94) suivant l’infection à Covid-19. Dans les semaines 3 et 4, l’IRRs était de 1,60 (IC 95% : 0,84-3,04)
Les IRRs correspondants pour l’AVC ischémique incluant J0 dans la période de risque étaient de 6,18 (IC 95% : 4,06-9,42) pour la première semaine, 2,85 pour la deuxième (IC 95% : 1,64-4,97) et 2,14 (IC 95% : 1,36-3,38) pour les 3 et 4èmes semaines.
Excluant le J0 de la période du risque, pour l’AVC, les IRRs sont les suivants : 2,97 (IC 95% :1,71-5,15) la première semaine, 2,80 (IC 95% : 1,60-4,88) pour la seconde et 2,10 (IC 95% :1,33-3,32) au cours des 3 et 4èmes semaines.
Dans l’analyse des cas-témoins, les résultats sont superposables, exprimés en probabilité de risque (Odds Ratios : ORs)
Prenant en compte J0, l’ORs pour la survenue d’un IDM est de 6,61 (IC 95% : 3,56-12,20) et il est de 6,74 (IC 95% :3,71-12,20) pour un AVC au cours des deux semaines suivant le Covid-19.
Excluant le J0, les ORs respectifs sont 3,41 (IC 95% 1,58-7,36) et 3,63 (IC 95% :1,69-7,80) pour IDM et AVC dans les deux semaines après l’infection Covid -19.
Le pourquoi de l’argumentation autour du J0
« Le J0 a été une source de débats entre les cliniciens et les statisticiens au cours de cette étude » précise le Dr Connolly pour Theheart.org/Medscape Cardiology.
« Les cliniciens (dont je fais partie) voulaient que tous les événements soient inclus puisqu’ils estiment qu’ils font partie de la présentation clinique de la maladie » explique-t-elle.
Mais Paddy Farrington, professeur émérite et statisticien à l’Open University Milton Keynes, (Milton Keynes, Royaume-Uni) – « un partenaire et un important collaborateur pour notre étude » – a fait l’argument de la nécessité d’exclure le J0 car il introduit un biais – faire une demande de prise en charge induit la réalisation des tests pour l’infection SARS-CoV -2, avec pour conséquence une majoration du risque observé, explique le Pr Connelly.
La constatation que le risque de survenue d’IDM et d’AVC reste élevé même en supprimant le J0 montre que le Covid-19 est un facteur indépendant de survenue d’un IdM et d’un AVC ischémique, souligne-t-elle.
D’où l’importance de la vaccination même si le risque absolu est faible
Dans la cohorte cas-témoins, pour chaque point indexé de comorbidité pondéré de Charlson, les probabilités de survenue d’un IDM ou d’un AVC ont augmenté d’environ 40%.
En cela ces résultats renforcent l’importance de la vaccination contre le Covid-19, particulièrement chez les patients âgés ayant des comorbidités, « et éviter la survenue potentielle d’accidents cardiovasculaires » insiste le Dr Connelly pour Theheart.org/Medscape Cardiology.
Un IDM aigu et un AVC « peuvent-être des manifestations extra-pulmonaires de l’infection Covid-19, et il est bon que les cliniciens aient cela en tête quand ils voient ces patients » ajoute-t-elle.
Les auteurs d’un commentaire accompagnant l’article notent que l’augmentation transitoire du risque d’IDM et d’AVC observés dans la grippe, la pneumonie, la bronchite aiguë voire d’autres infections respiratoires, sont connus depuis des décennies [2].
« Il semble raisonnable d’en déduire que le risque persistant, pendant plusieurs semaines après l’infection par le SARS-Cov-2, est compatible avec l’augmentation du risque de maladies thrombo-occlusives observée lors du Covid-19, comme on le voit lors d’autres infections respiratoires, remarquent Marion Mafham et Colin Baigent de l’université d’Oxford (Oxford, Royaume-Uni).
Ils notent cependant que le risque absolu est « faible ». Ils écrivent aussi que d’autres études seront nécessaires pour estimer le devenir de ce risque accru de maladies cardiovasculaires chez les patients ayant un Covid 19 et d’en décrypter les possibles mécanismes.
Cependant, il est important de garder à l’esprit que les risques excessifs pour un patient atteint du Covid-19 de souffrir d’un IdM ou d’un AVC sont substantiellement moins importants que ceux observé au cours d’une défaillance respiratoire » déclarent les deux commentateurs britanniques.
Le financement pour l'étude a été fourni par Central ALF-financement et unité base ALF-financement, Région Västerbotten, Suède; financement stratégique en 2020 du Département de microbiologie clinique de l'Université d'Umeå, Suède ; Recherche sur les accidents vasculaires cérébraux dans le nord de la Suède ; et le Laboratoire de médecine des infections moléculaires Suède. Les auteurs et éditorialistes n'ont révélé aucune relation financière pertinente.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre COVID-19 an Independent Driver for Heart Attack and Stroke . Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin
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Citer cet article: COVID-19 : un facteur de risque indépendant d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux - Medscape - 9 août 2021.
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