Pass sanitaire : le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité de la loi

Jean-Bernard Gervais

6 août 2021

Paris, France — Le conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité de la loi de gestion de la crise sanitaire, y compris le point le plus litigieux, à savoir la nécessité de présenter un pass sanitaire pour les patients en soins programmés ainsi que pour les accompagnants qui voudraient avoir accès aux établissements de santé.

Conformité

Le verdict du Conseil constitutionnel ce 5 août sur la conformité de la loi de gestion de la crise sanitaire avec la Constitution était l’une des décisions les plus attendues de cet été. Tant cette loi, qui comprend entre autres mesures l'élargissement du « pass sanitaire », a cristallisé les mécontentements d'une part non négligeable des Français, au-delà de la seule sphère des « vaccino-sceptiques ». Depuis trois semaines, en effet, des manifestations importantes sont organisées un peu partout en France. Samedi 31 juillet, plus de 200 000 manifestants ont défilé en France, rassemblant à la fois des opposants à la vaccination, mais aussi des partisans de la vaccination opposés au pass sanitaire, et notamment des soignants.

Les opposants espéraient qu'en dernier lieu, le Conseil constitutionnel, qui devait examiner cette proposition de loi, la censure en tout ou partie. C’est peine perdue puisque le Conseil constitutionnel a balayé d'un revers de la main tous les arguments techniques mis en avant par les députés qui contestaient la procédure d'adoption du projet de loi en en soulignant les entorses constitutionnelles.

Pas de limitation de l'accès aux soins selon le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a examiné tous les griefs des parlementaires quant à l'extension du pass sanitaire en commençant par le premier article du projet de loi et il n'a rien trouvé à censurer dans différentes dispositions attaquées de ce premier article, que ce soit l'extension du régime d'urgence sanitaire dans les territoires d'Outre-mer, sa prolongation jusqu'au 21 novembre prochain, ou encore la présentation d'un pass sanitaire pour pouvoir accéder à certains lieux ou établissements. En ce qui concerne l'accès restreint aux établissements de santé et médico-sociaux, le conseil constitutionnel a estimé que « le législateur a réservé l'exigence de présentation d'un « pass sanitaire » aux seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi qu'à celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. Ainsi, cette mesure, qui s'applique sous réserve des cas d'urgence, n'a pas pour effet de limiter l'accès aux soins ». Pourtant, l'Ordre des médecins avait exprimé ses plus grandes réserves sur cette disposition dans un récent communiqué en faisant savoir qu’il s’inquiétait « vivement des conditions de mise en œuvre d’une telle disposition, qui ne doit pas priver des patients de soins, alors même que les conséquences délétères de la crise sanitaire en termes d’accès aux soins et de suivi des malades, et notamment des malades atteints de pathologies chroniques, sont largement documentées. »

Obligation de présenter son pass sanitaire pour certains salariés

Les dispositions de l'article 14, contestées par les parlementaires, qui prévoit, entre autres choses, que les salariés soumis au pass sanitaire ne pourront plus travailler si ils ne sont pas en mesure de présenter leur pass, n'ont pas été non plus censurées par le conseil constitutionnel.

Pas de rupture de contrat pour les CDD

De la même manière il n'apparait pas au Conseil constitutionnel que les peines imposées pour non-présentation du pass sanitaire soient disproportionnées. Aussi, pour lui, les obligations de pass sanitaire imposées aux salariés des lieux où il est obligatoire ne sont pas anticonstitutionnelles. En revanche, il a censuré une mesure de l'article 1, qui prévoit une rupture de contrat pour les salariés en CDD non pourvus du pass sanitaire. Jugée inégalitaire par rapport aux salariés en CDI, cette mesure a été retoquée.

Ni de placement d'office en isolement

L'allongement de la conservation des données de santé de trois à six mois, contenue dans l'article 8, n’a pas été considérée comme anticonstitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Mais le placement d'office en isolement pour toute personne positive au test Covid, stipulé dans l’article 9, sous peine d'une sanction pénale en cas de non-respect de cette sanction, a été jugée anticonstitutionnelle, car « les dispositions contestées ne garantissent pas que la mesure privative de liberté qu'elles instituent soit nécessaire, adaptée et proportionnée ».

Un verdict qui rencontre des oppositions

Avant même la décision du Conseil constitutionnel, certains avaient fait savoir leur opposition au pass sanitaire et aux restrictions qui l’accompagnent. C’est le cas de Médecins du Monde le jugeant « discriminatoire tant que la vaccination ne sera pas effective pour tous » et s’inquiétant plus particulièrement des populations les plus exclues et les plus précarisées qui « subissent des obstacles majeurs à leur accès aux droits et aux soins  ». Au lendemain de la validation de la loi de gestion de la crise sanitaire, peu de représentants de professionnels de santé se sont exprimés. Le collectif Santé en danger, qui regroupe quelque 197 000 professionnels de santé sur Facebook, a lancé un post sur ce réseau social pour affirmer qu'ils prendraient en « charge tout le monde même sans pass sanitaire ». Pour rappel, l'accès aux établissements de santé pour les patients en soins programmés ainsi que pour les accompagnants des passants est désormais soumis à la présentation d'un pass sanitaire.

https://twitter.com/MdM_France/status/1422964287690219521

Suite à cette décision du Conseil Constitutionnel, 80 000 requérants déposeront dès aujourd'hui un référé liberté devant le Conseil d'Etat, a annoncé aujourd’hui dans un communiqué l’avocat spécialisé en question de santé Fabrice Di Vizio. Ce sera, selon lui, « la première fois dans l'histoire où un recours soutenu par un si grand nombre de requérants aura été déposé ».

Parmi les requérants, figureront « des commerçants et restaurateurs qui déjà accusent une perte certaine de chiffre d'affaires, des malades chroniques dont l'accès aux soins est menacé, des familles désemparées par le sort réservé à leurs adolescents soumis à un chantage vaccinal inadmissible. Mais aussi des soignants qui refusent d'être les nouveaux boucs émissaires juste parce qu'ils invoquent un légitime principe de précaution » mentionne-t-il.

Enfin « si le Conseil d'Etat refusait de faire droit à la requête, la Cour Européenne des Droits de l'Homme serait immédiatement saisie » prévient Me Di Vizio.

De son côté, la CGT a regretté l'absence de censure du Conseil constitutionnel quant aux suspensions des contrats de travail en cas de non-présentation du pass sanitaire : « En ne censurant que la partie relative à la rupture anticipée de certains contrats de travail, les Sages portent un nouveau coup aux droits des salariés. Les salariés qui ne pourront présenter de pass sanitaire se retrouveront sine die sans revenus ».

Mise en œuvre des mesures dès ce lundi 9 août

Le premier ministre Jean Castex a, quant à lui, pris acte de la décision du conseil constitutionnel : « Cette décision qui faisait suite à une saisine du Premier ministre, ainsi que d’un certain nombre de députés et sénateurs, valide l’essentiel des dispositions adoptées par le Parlement, et notamment les deux principales mesures proposées par le Gouvernement : l’instauration d’une obligation vaccinale pour certaines catégories de professionnels en contact avec des personnes malades ou fragiles et l’extension du « pass sanitaire » à de nouvelles catégories d’équipement recevant du public. La validation de ces deux dispositifs permettra le plein déploiement de la stratégie de lutte contre la Covid-19 présentée par le Président de la République le 12 juillet dernier » peut-on lire dans un communiqué.

Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a annoncé la mise en œuvre du pass sanitaire dès ce lundi 9 août.

Entretemps, les opposants au pass sanitaire, notamment les partis politiques La France insoumise, les patriotes, le rassemblement national, appellent à une nouvelle journée de mobilisation samedi 7 août.

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