Vaccination anti COVID des ados : les pédiatres ne recommandent pas une 2ème dose systématique chez tous les garçons

Aude Lecrubier

28 juillet 2021

France — D’abord réservée sur l’intérêt de la vaccination anti-Covid chez les adolescents, la position de la communauté pédiatrique a évolué. Le Conseil National Professionnel de Pédiatrie se prononce désormais en faveur de la vaccination des adolescents contre le Covid-19*[1].

En revanche, il recommande la pratique systématique d’un TROD pour éviter une deuxième dose en cas de test positif. Aussi, il préconise une seule dose de vaccin chez les garçons de 12-17 ans qui ne sont pas à risque ou dont l’entourage n’est pas à risque [de faire une forme grave de maladie Covid], même en cas de TROD négatif, et ce en raison de la très bonne immunogénicité à cet âge et du risque de myocardites/péricardites qu’ils encourent. Les pédiatres attendent un positionnement de la Haute Autorité de santé (HAS) sur ce point.

Dans leur argumentaire, les pédiatres indiquent que « la balance bénéfice/risque de cette vaccination est jugée à ce jour favorable » compte tenu du bénéfice collectif alors que le variant delta est fortement contagieux et que les adolescents et jeunes adultes contribuent fortement à la propagation du virus.

Ils soulignent également l’intérêt individuel « non négligeable » de la vaccination même si celui-ci « concerne avant tout les enfants porteurs de maladies chroniques susceptibles d’affaiblir leur système immunitaire », la vaccination permettant d’éviter les formes graves de la maladie.

Adolescents : quels risques liés au Covid ?

Pour rappel, sur une cohorte d’environ 4 600 000 adolescents âgés de 11 à 17 ans, le rapport de la HAS à partir des données de Santé Publique France estime depuis le début de la pandémie le nombre d’hospitalisations liées au Covid à environ 2000 et celui des séjours en réanimation à environ 300. La majorité des adolescents hospitalisés avaient une pathologie sous-jacente.

La maladie inflammatoire sévère post Covid-19 (PIMS) est, elle, moins fréquente chez l’adolescent que chez l’enfant plus jeune (environ 130 cas rapportés chez les 12 - 18 ans).

« Un autre bénéfice de la vaccination des adolescents est lié à la pénibilité de cette crise sanitaire et à ses effets sur leur santé mentale, très gravement affectée pour certains avec des conséquences socio-éducatives et psychiatriques parfois majeures », précisent les pédiatres.

Concernant les effets secondaires rapportés, le Conseil indique que 7,5 millions de 12-18 ans ont reçu 2 doses de vaccins aux États-Unis, que leur incidence est faible et qu’ils sont « sans conséquence à court et moyen terme ».

Bien que les myocardites et péricardites aiguës (MPA) soient maintenant reconnues comme des effets indésirables possiblement imputables aux vaccins (essentiellement lors de la deuxième dose et majoritairement chez les garçons), « à court et à moyen termes, les données disponibles restent rassurantes et confirment un rapport bénéfice/risque favorable », précisent les pédiatres.

Les premiers résultats de pharmacovigilance viennent d’être publiés par les CDC (voir encadré) et l’EMA. Les données américaines rapportent une incidence des myocardites et péricardites de 1/15.000 et 20.000 chez les garçons et 1/100.000 à 1/150.000 chez les filles.

Les propositions du Conseil National de Pédiatrie

Les pédiatres proposent donc, outre la vaccination dès que possible des adolescents dans les cabinets et services :

- la mise en place de centres de vaccination au sein des collèges et lycées, pour les familles qui le souhaiteront, avec des vaccinateurs extérieurs, sur le même modèle de fonctionnement que celui des centres éphémères déjà existants : les pédiatres qu’ils soient ambulatoires ou hospitaliers sont prêts à prendre une place importante dans ce dispositif.

- la réalisation d’une sérologie Covid rapide (TROD sérologique) au moment de la vaccination, comme préconisé par la HAS le 3 juin 2021. En cas de TROD positif, le schéma vaccinal serait complet après une dose.

En cas de TROD négatif, une deuxième dose serait proposée entre 3 semaines à 1 mois après la première dose chez les filles et chez les garçons à risque, ou au contact de personnes immunodéprimées, ou en cas d’obligations légales.

En revanche, les pédiatres recommandent d’attendre de nouvelles instructions chez les autres garçons et ce en raison de l’excellente immunogénicité dans cette tranche d’âge (taux d’anticorps 1,5 fois supérieurs aux adultes jeunes) et du risque de myocardites/péricardites post vaccinales chez les jeunes garçons.

Pour les enfants de moins de 12 ans, « en l’absence d’étude, la vaccination n’est pas envisageable avant plusieurs mois, mais celle de leur entourage familial et des adultes travaillant dans les établissements scolaires doit être une priorité ».

Si une dose est suffisante, autant n’en faire qu’une HAS

 

Myocardites et Péricardites aiguës (MPA) chez les adolescents

Les MPA sont « naturellement » des maladies rares (incidence annuelle attendue aux alentours de 1/100 000 chez l’enfant), souvent liées à une maladie virale, et survenant majoritairement chez les adolescents (pic entre 15 et 18 ans) et 7 fois sur 10 chez les garçons, indiquent les pédiatres qui ajoutent que « les MPA post-vaccinales sont maintenant reconnues par les agences sanitaires américaines et Européennes comme un effet indésirable très probablement lié aux vaccins à ARNm ».

Plusieurs publications [1,2,3,4] en soulignent les caractéristiques cliniques :

- L’incidence en post-vaccination (comparée à celle des MPA habituellement rencontrées) est significativement augmentée chez les sujets jeunes (12 à 25 ans).

- Elles prédominent très largement chez les garçons (9/10). C’est le cas aussi des MPA post-virales classiques (7/10).

- Elles surviennent 4 fois sur 5 après la seconde dose vaccinale, généralement dans un délai de 2 à 4 jours après cette dernière.

- Elles associent de façon variable douleurs thoraciques, palpitations, syncope, tachypnée, fièvre, frottement péricardique, vomissements, anorexie, léthargie.

- Les examens complémentaires (ECG, échographie, troponine) permettent le diagnostic.

- A court et à moyen terme, elles paraissent bénignes. Cependant pratiquement tous les patients ont été hospitalisés (souvent de principe) et la plupart ont été traités par corticothérapie et/ou anti-inflammatoires et/ou des immunoglobulines.

- L’incidence des myocardites/péricardites pour les 12-17 ans est estimée aux USA pour la deuxième dose de vaccin entre : 1/15.000 et 20.000 chez les garçons et 1/100.000 à 1/150.000 chez les filles.

Ces résultats (en attendant des données plus complètes) doivent amener les autorités à préciser :

- L’importance de la sérologie au moment de la première dose (par un TROD sérologique) pour les sujets jeunes, chez lesquels prédominent de nombreuses formes pauci ou asymptomatiques : si une dose est suffisante, autant n’en faire qu’une.

- La sensibilisation des médecins pour dépister tôt les MPA post-vaccinales car les signes initiaux sont relativement modestes.

- La mise en place d’études et une surveillance adaptée visant à préciser (du fait de l’excellente immunogénicité-efficacité dans cette tranche d’âge et du profil de tolérance) les schémas vaccinaux offrant les meilleurs rapports bénéfices/risques.

Une position qui a évolué

« Comme la HAS en début d’été 2021, les pédiatres, en France comme dans d’autres pays, avaient d’abord exprimé une réserve vis-à-vis d’une vaccination généralisée et précoce des adolescents », précisent les pédiatres. Cette réserve tenait à trois principales raisons.

 - La première était que la vaccination des adolescents ne devrait pas servir à « compenser » l’effet délétère d’une couverture vaccinale insuffisante de l’adulte mais « contribuer » à l’amplifier.

- La deuxième était un manque de recul concernant les effets indésirables liés aux vaccins dans cette tranche d’âge. Certes les études qui ont conduit aux autorisations temporaires de mise sur le marché étaient rassurantes mais elles ne comportaient que quelques milliers d’adolescents. Des cohortes plus larges étaient nécessaires pour mieux appréhender le rapport bénéfice/risque.

- La troisième raison était la difficulté à obtenir des couvertures vaccinales élevées chez les adolescents. Des études montrent des couvertures vaccinales largement insuffisantes pour des vaccins déjà recommandés. Aussi, la vaccination des adolescents nécessitait non seulement leur accord mais aussi celui des deux parents ; une position qui a désormais évolué. Enfin, les pédiatres soulignaient l’insuffisance de moyens de la médecine scolaire « pas en mesure aujourd’hui d’assumer cette tâche ».

En conclusion, les pédiatres rappellent que « la responsabilité des adultes est de protéger les plus jeunes » et que « le bénéfice sur la santé mentale des enfants et des adolescents en cette période difficile passe avant tout par LA VACCINATION DE TOUS LES ADULTES, en particulier ceux les plus susceptibles de faire une forme grave, les soignants, les enseignants, les autres professionnels de l’enfance et les parents ».

 

 

*Conseil National de Pédiatrie : Robert Cohen (Président du CNP de Pédiatrie) Christèle Gras le Guen (Présidente de la Société Française de Pédiatrie) Fabienne Kochert (Présidente de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire) Emmanuel Grimprel (Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique) Olivier Romain (InfoVac) Elise Launay (Présidente du Groupe de Pédiatrie Générale).

 

 

 

 

 

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