San Francisco California -- La consommation régulière de café n’est pas associée à une augmentation du risque d’arythmies cardiaques, selon une vaste étude publiée dans le JAMA Internal Medicine. [1]
En fait, l’analyse du Dr Eun-jeong Kim et coll. (service de cardiologie, Université de Californie San Francisco, Etats-Unis) sur plus de 300 000 sujets, montre que « chaque tasse supplémentaire de café est associée à une incidence du risque d’arythmies 3% fois moindre ».
De surcroît, les chercheurs ont observé que les différences génétiques qui affectent le métabolisme de la caféine ne modifient pas significativement la probabilité de la survenue d’arythmies.
Pour autant, ces résultats ne doivent pas nécessairement encourager les non-consommateurs à boire du café ni à s’abandonner à une surconsommation, précisent-ils.
« Nous ne voulons certainement pas faire passer le message buvez du café et cela réduira votre risque d’arythmies », indique le Dr Gregory M. Marcus (directeur associé de recherche en cardiologie à UCSF Health) qui a participé à l’étude.
« L’important est que l’interdiction de consommer du café ou de la caféine afin de réduire le risque d’arythmies chez les patients souffrant de troubles du rythme est probablement inappropriée. Considérant que selon certaines données récentes, la consommation de café aurait des vertus sur le diabète, sur le bien-être et peut-être sur la mortalité globale, il pourrait être problématique d’imposer aux patients l’arrêt du café ou de la caféine alors que cela n’est pas réellement nécessaire. »
Café pro-arythmogène : un faible niveau de preuves
Les recommandations des Sociétés Savantes suggèrent qu’il faut éviter les produits à base de caféine afin de diminuer le risque d’arythmies mais cet avis « s’appuie sur de prétendus mécanismes et une petite étude observationnelle, réalisée en1980 », écrivent les auteurs. D’autres études [2,3] suggèrent que la réputation du café tenu responsable de l’accroissement du risque d’arythmies serait injustifiée. L’opinion courante selon laquelle la caféine augmente le risque d’arythmies n’a pas été correctement évaluée.
Pour examiner, plus avant, si la consommation de café est en rapport avec un risque d’arythmies et si certaines variantes génétiques ont un impact sur l’association, le Dr Kim et ses collègues ont analysé les données de la UK Biobank. Ils se sont intéressés aux données longitudinales recueillies entre 2006 et 2018 émanant de 386 258 sujets qui n’avaient pas d’antécédent connu d’arythmie.
Les participants étaient âgés en moyenne de 56 ans et environ 52% étaient des femmes. Les participants ont indiqué leur consommation de café, puis les chercheurs ont regroupé les sujets en 8 catégories en fonction de leur consommation quotidienne de café : 0, moins de 1 , 1, 2, 3, 4, 5 et 6 tasses ou plus par jour.
Pendant un suivi moyen de 4,5 ans, 16 979 participants ont déclaré la survenue d’une arythmie. Après ajustement en fonction de critères démographiques, des comorbidités et selon le mode de vie, une diminution du risque identique a été observée pour chaque tasse de café, que ce soit pour la fibrillation auriculaire, le flutter (Rapport de risque : 0,97) et les tachycardies supraventriculaires (HR 0,96).
Aussi, la prise en compte des variations génétiques affectant le métabolisme de la caféine ne modifiait pas les résultats.
La randomisation mendélienne utilisant un score polygénique de modèles de métabolisme héréditaire de la caféine « n’a pas permis de mettre en évidence le fait que la consommation de caféine soit associée à un risque plus important de survenue d’arythmies », concluent les chercheurs.
« Il faut grandement féliciter les chercheurs pour la réalisation d’une enquête observationnelle de haute qualité permettant d’aller plus avant dans la compréhension de la relation entre la consommation de café et les arythmies, à moins qu’il n’en n’existe pas », a commenté le Dr Zachary D. Goldberger (service de médecine cardiovasculaire, Université du Wisconsin–Madison), qui n’a pas participé à l’étude.
Quelles limites ?
Concernant les limites de l’étude, dans un éditorial accompagnant la publication [4] , Zachary D. Goldberger et Rodney A. Hayward (professeur de santé publique et de médecine interne à l’Université du Michigan et chercheur au Ann Arbor Veterans Affairs Center for Clinical Management Research) soulignent que l’importance de l’effet est faible et que seulement 4% environ des participants ont eu une arythmie.
Ils ajoutent que la consommation de café n’a été renseignée par les participants qu’à un seul moment, ce qui introduit un biais. « Des changements subséquents et substantiels de la consommation de café sont possibles, y compris des réductions liées à l’apparition de symptômes », soulignent-ils.
« Ce n’est ni un essai contrôlé, ni randomisé et ce sont les participants qui ont autodéclaré leur consommation de café, mais malgré cela et d’autres limites, les méthodes employées sont rigoureuses. Cependant, nous devons être très prudents sur la façon d’interpréter ces résultats et ne pas les utiliser comme une prescription pour boire plus de café. Il est primordial de reconnaître que cette étude ne nous dit pas qu’il faut boire plus de café ou commencer à boire du café pour nous protéger de la survenue d’arythmies. Pourtant, elle indique que la consommation modérée de café n’est pas forcément nocive et ne conduira pas forcément à la survenue d’arythmies. C’est important étant donné l’idée commune universellement admise que le café est pro arythmogène », précisent-ils.
Donner des conseils personnalisés
« Tout comme les chercheurs le notent, il y a assurément des raisons biologiques plausibles selon lesquelles la caféine pourrait ne pas provoquer d’arythmies et serait éventuellement favorable chez certains, et ce malgré son effet stimulant », précise le Dr Goldberger.
« Cependant, si notre patient rapporte des palpitations ou des symptômes évocateurs d’une arythmie et pense qu’il y a une relation avec la prise de café ou de caféine, nous ne devons pas utiliser cette étude pour lui dire que le café n’est pas coupable. Nous devons écouter nos patients et la décision de réduire la consommation de café pour diminuer la survenue de ces symptômes doit être personnalisée ».
Ni pro-arythmogène, ni antiarythmique
Globalement les résultats « soutiennent que la caféine n’est pas pro arythmogène, cependant ils ne doivent pas être pris pour preuves que le café est un antiarythmique -- cette distinction est d’une importance cruciale », écrivent les éditorialistes.
« Les professionnels de santé peuvent rassurer leurs patients : il n’y pas de preuve que le café augmente le risque de survenue d’arythmies. Ceci est particulièrement important chez les nombreux patients qui ont des palpitations bénignes et qui sont anéantis à l’idée de cesser le café soit parce qu’ils le pensent indispensable soit parce qu’on leur a dit. En l’état des connaissances, ce doit être une décision du patient et non pas un verdict médical ».
Le Dr Marcus, rythmologue rapporte que ses patients sont globalement « convaincus que la caféine doit être supprimée quand ils ont une arythmie », dit-il. « Souvent, c’est leur médecin traitant ou leur cardiologue qui leur ont dit d’éviter la caféine parce qu’ils ont une arythmie ».
« Ce que je suggère à mes patients, c’est de se sentir libres, d’oser et tenter de prendre un café », explique-t-il.
Selon lui, la caféine peut être un déclencheur d’arythmies chez certains individus. Mais à l’évidence, ces cas sont rares et supprimer la caféine ne doit pas s’appliquer à la population générale « étant donné les bénéfices potentiels du café sur la santé et disons-le franchement le plaisir à boire une bonne tasse de café ».
Cette étude a été menée à l'aide de la ressource UK Biobank, qui a été établie par le Wellcome Trust, le Medical Research Council, le ministère britannique de la Santé et le gouvernement écossais. La UK Biobank a également reçu des financements d'autres agences et fondations. Le Dr Marcus a rapporté des financements de Baylis, Medtronic et Eight Sleep. En outre, il a déclaré avoir été consultant pour Johnson & Johnson et InCarda, et détenir des actions chez InCarda. Un co-auteur a reçu une aide salariale des National Institutes of Health au cours de l'étude. Le Dr Goldberger et Hayward n'ont révélé aucun lien d'intérêt.
Article publié initialement sur MDedge.com, membre du réseau Medscape.
Traduit de l’américain par le docteur Jean-Pierre Usdin
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Citer cet article: Innocent, le café ne serait pas pourvoyeur d’arythmies cardiaques - Medscape - 28 juil 2021.
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