Tout a été fait pour que les vaccinations ne se fassent pas en cabinet

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

21 juillet 2021

Lyon, France – « La vaccination en ville, c’est très compliqué : nous n’avons pas arrêté de compter les doses, les patients… Nous passons notre temps à faire ça ! », témoigne le Dr Florence Lapica, médecin généraliste dans une maison de santé dans le 8e arrondissement de Lyon.

« Nous en sommes seulement à notre deuxième flacon de vaccin Moderna par médecin depuis qu’il est possible d’utiliser cette marque et nous allons devoir organiser les rappels des personnes vaccinées en juin », souligne-t-elle.

« Nous n’avons pas suffisamment de visibilité sur les flacons que nous allons recevoir chaque semaine. Nous apprenons parfois le dimanche soir que nous n’aurons pas les doses prévues. Je vaccine encore, mais c’est très compliqué », déplore-t-elle.

Fort capital confiance

Pourtant, les médecins généralistes bénéficient d’un fort capital confiance de la part des patients. « Je termine presque chaque consultation en demandant si le patient a été vacciné. Certains patients sont encore réticents, mais en parlant avec eux et en parlementant un peu, certains rappellent pour s’inscrire sur liste d’attente », observe-t-elle.

Elle note également que « toute une frange de la population qui n’était pas vaccinée (population précaire, patients isolés ou psychiatriques notamment) a été vaccinée par les médecins généralistes, alors qu’elle ne supportait pas d’aller dans un centre de vaccination ».

Dans sa maison de santé, les médecins mutualisent leurs agendas pour la vaccination. « J’ai des associés qui peuvent faire les 2e rappels au mois d’août mais il faut s’assurer que les patients soient bien là pour la prochaine dose. Le fait qu’on ait entre 21 jours et 6 semaines permet de trouver une date qui convienne », note-t-elle.

« Le plus compliqué c’est de faire des listes de 10 patients, de rappeler les patients parce que le flacon de vaccin est arrivé ou non. C’est un casse-tête chinois. Si nous avions des flacons en suffisamment grande quantité, nous pourrions ouvrir davantage la vaccination. Mais actuellement, nous n’avons pas l’impression d’être dans une campagne de vaccination de masse », estime-t-elle.

Concernant les adolescents, elle souligne qu’elle n’en a vacciné aucun, car « ils ne peuvent être vaccinés qu’avec le Pfizer et nous n’en avons pas en ville ».

 
Certains patients sont encore réticents, mais en parlant avec eux et en parlementant un peu, certains rappellent pour s’inscrire sur liste d’attente
 

Les grandes vacances arrivant, elle a constaté qu’il y avait « moins de patients à vacciner », mais cela a changé avec les annonces d’Emmanuel Macron d’obligation vaccinale pour les soignants et d’extension du pass sanitaire à de nombreux lieux publics dès le mois d’août.

Le vaccin Astra Zeneca boudé par les patients

Pour le Dr Jean Tafazzoli, médecin généraliste à La Tour-de-Salvagny dans le Rhône et secrétaire général de l’URPS médecins libéraux d’Auvergne-Rhône-Alpes, « tout a été fait pour que les vaccinations ne se fassent pas en cabinet.

Pourtant nous voulons bien, cela fait 6 mois que les médecins généralistes sont prêts. Mais nous avons passé notre temps depuis 6 mois à pleurer pour avoir des doses. Cela fait depuis fin mai que nous avons enfin des doses en cabinet, mais majoritairement c’est de l’AstraZeneca, ce qui ne nous arrange pas, vu la mauvaise publicité qui en a été faite.

Les patients nous disent clairement : si vous avez de l’Astra Zeneca, j’irai au vaccinodrome ! », rapporte-t-il.

 
Nous avons passé notre temps depuis 6 mois à pleurer pour avoir des doses
 

« En cabinet, nous n’avons pas que la vaccination à gérer, nous ne pouvons pas passer notre temps à gérer les a priori des patients sur un vaccin ! », s’insurge-t-il. D’autant plus qu’il y a déjà « les patients récalcitrants à la vaccination à convaincre. Pour nous aider, il faudrait que les vaccins Pfizer arrivent en cabinet de ville », estime le Dr Tafazzoli.

Pour lui, « juste avant les départs en vacances, cela ne sert à rien de nous envoyer de l’AstraZeneca ou du Moderna, qui nécessitent deux doses. Il faudrait mettre le paquet sur les vaccins Janssen qui ne nécessitent qu’une seule dose. Ce serait un choix logique et stratégique », juge-t-il.

Et au retour des vacances, « si le Pfizer et le Moderna ont bonne presse, il faut qu’on les ait, car cela nous évitera de passer notre temps à convaincre pour l’AstraZeneca ! », plaide-t-il.

 
Les patients nous disent clairement : si vous avez de l’Astra Zeneca, j’irai au vaccinodrome !
 

Il regrette que la campagne se soit faite « sans aucune concertation avec les médecins généralistes. De très nombreux médecins ont arrêté de vacciner car ils ont eu l’impression d’être pris pour des imbéciles », pointe-t-il.

 
De très nombreux médecins ont arrêté de vacciner car ils ont eu l’impression d’être pris pour des imbéciles
 

Pour lui, les médecins généralistes ont « un travail de fond à effectuer pour arriver à convaincre les 35 % de Français réticents à la vaccination. Si les patients ont besoin d’être convaincus, c’est par leur médecin, éventuellement leur pharmacien que cela fonctionnera. Ils voient les vaccinodromes comme un organe du gouvernement, alors que les médecins ont un capital confiance important », souligne-t-il.

« Il faut permettre aux médecins de faire leur travail dans leur cabinet », conclut-il.
 

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