Paris, France— « C'est une victoire morale, le conseil d'État a reconnu que les associations se sont battues pour une cause juste », annonce avec joie Muriel Brajon, membre du collectif Pass/Las.
C'est que le Conseil d'État, ce 8 juillet, a donné raison à 15 associations formant le collectif Pass/Las, lesquelles avaient demandé au conseil d'État l'annulation de l’arrêté interministériel du 5 mai fixant, pour l’année universitaire 2021-2022, le nombre de places en 2ème année allouées aux étudiants en 1ère année commune aux études de santé (PACES).
Dans son communiqué de presse, le conseil d'État constate en effet que cet arrêté, pris dans le cadre de la transition entre les anciennes et les nouvelles études de santé, accordait un plus grand nombre de places aux redoublants de la PACES qu'aux étudiants inscrits dans les nouveaux parcours de première année, qu'il s'agisse de la licence à option Accès Santé (Las) ou du parcours d’accès spécifique santé (PASS).
« Alors que les PACES représentent 30 % des étudiants de 1ère année, l’arrêté attaqué leur réserve environ 48 % des places en 2ème année », constate le conseil d'État. Aussi, les 15 universités attaquées par les associations requérantes n'ont pas suffisamment augmenté leur quota d'admission d'étudiants pour faire en sorte que les étudiants inscrits en Las et Pass ne soient pas lésés, juge également le conseil d'État.
Pas d’annulation des admissions des étudiants en Paces
Pour cette raison, le conseil d'État juge que l'arrêté visé est illégal, mais ne demande pas non plus que l'admission des étudiants Paces soit annulée. En revanche, il revient aux 15 universités d'augmenter dès à présent « le nombre de places de 2ème année au bénéfice des étudiants en LAS et en PASS, pour accueillir, en septembre 2021, au moins 20 % d’étudiants de plus qu’à la rentrée universitaire 2020 ». Car dans l'état actuel des choses, « les étudiants en PASS et LAS, qui représentent 70 % des inscrits en 1ère année, ne peuvent prétendre qu’à un peu moins de 52 % des places de 2ème année ».
Année de transition
Pour rappel, depuis le vote de la loi du 24 juillet 2019, l'accès au premier cycle des études médicales a été réformé. « Depuis la rentrée universitaire 2020, l’accès en deuxième année est désormais accessible aux étudiants engagés dans de nouveaux parcours de formation ayant remplacé la PACES, notamment la licence accès santé (LAS) et le parcours accès santé spécifique (PASS), le redoublement en PASS étant exclu ».
Toutefois, de manière transitoire, les redoublants en Paces de l'année 2019-2020 ont encore la possibilité de pouvoir prétendre à l'accès en deuxième année. Pour la rentrée 2020, les redoublants de la dernière promotion Paces et les étudiants de la première promotion Pass/las devaient donc se partager les places déterminées par les facultés.
Pour ne léser aucun étudiant, les facultés devaient augmenter de 20% le nombre de place accordées, par rapport au numerus clausus de l'année 2019-2020. Force est de constater que 15 universités, au moins, ne l'ont pas fait. « le Conseil d’État juge que les universités d’Aix-Marseille, des Antilles, de Bordeaux, de Bourgogne, de Caen Normandie, de Clermont-Auvergne, de Lille-II, de Lorraine, de Montpellier, de Poitiers, de Rouen Normandie, de Saint-Etienne, de Strasbourg, de Toulouse-III et de Tours doivent prendre de nouvelles délibérations permettant d’atteindre, pour 2021-2022, un nombre de places de 2ème année supérieur d’au moins 20 % à celui de 2020-2021.
Les nouvelles places ainsi ouvertes devront être attribuées, par ordre de mérite, aux étudiants issus de PASS et de LAS, qui figurent actuellement sur les listes complémentaires », juge le Conseil d'État.
Augmentation de 17% en moyenne du nombre de places
Dans un communiqué de presse, le gouvernement prend acte de cette décision du conseil d'État. « Le ministère des Solidarités et de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation prennent acte de la décision du Conseil d’État. S’agissant des effets de sa décision, le Conseil d’état a décidé que les décisions d’admission en 2e année déjà notifiées aux étudiants en PACES ne sont pas remises en cause. Il a également précisé que l’exécution de sa décision n’implique pas de prendre un nouvel arrêté », note le ministère de la santé. Et d'ajouter : « Le Conseil d’État constate également que les places offertes en deuxième année aux étudiants en PACES, PASS et LAS ont, en moyenne, été accrues d’un peu plus de 17 % par rapport aux chiffres résultant du numerus clausus en vigueur l’année précédente, sept des trente-et-une universités concernées ayant même accru d’au moins 30 % leurs capacités d’accueil en deuxième année.
Différents sur le numérus de base
« Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec les facultés quant au calcul des 20% d'étudiants supplémentaires à admettre en études de santé. Selon le numerus de base que l'on considère, nous n'arrivons pas au même calcul. Le conseil d'état détermine qu'il s'agit du numerus des étudiants en Paces admis l'an dernier. Mais sur Montpellier nous n'avons pas les mêmes chiffres avec la faculté : nous considérons qu'il y en a eu 616 étudiants admis alors que la faculté en compte 588, selon que l'on considère ou pas les étudiants étrangers. Avec notre mode de calcul nous gagnons une trentaine de place, ce qui n'est pas énorme sur plus de 2500 étudiants, alors que la faculté arrive à peine à une place de plus », dénonce Muriel Brajon.
Autre écueil : le conseil d'État a décrété que le nombre d'étudiants devait être augmenté, pour ces 15 universités, de 20%, sans préciser la clé de répartition entre les différentes filières (odontologie, pharmacie, médecine, sages-femmes). Résultat, « chaque filière essaie de refiler aux autres filières les places supplémentaires ».
Par ailleurs, si 15 universités doivent revoir leur quota, cela ne veut pas dire que les 16 autres universités ont appliqué de bons ratios : elles n'ont tout simplement pas été citées dans la requête introduite devant le conseil d'État par les associations. « Je sais que Reims est oublié car il n'y a que 15 universités qui sont citées par notre avocate. La sénatrice Sonia de La Provôté voudrait étendre cet avis du conseil d'État à l'ensemble des 31 universités », précise Muriel Brajon.
Le décret permettant d'étudier les "situations exceptionnelles individuelles » enfin publié
Par ailleurs, Muriel Brajon regrettait en début de semaine dernière qu'un décret promis le 2 juin dernier par Jean Castex permettant la mise en place de commissions exceptionnelles pour traiter le cas de nombreux étudiants lésés par cette réforme, notamment les étudiants qui souhaitaient basculer d'une filière vers une autre n'ait pas encore été publié. C’est chose faite.
C'est dans la dernière ligne droite que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a publié le décret tant attendu par le collectif Las/Pass. En effet, le "décret n° 2021-934 du 13 juillet 2021 portant adaptation de certaines conditions d'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique pour l'année universitaire 2020/2021" a été publié au journal officiel du 14 juillet dernier.
Comme attendu, ce décret instaure des commissions chargées d'étudier des "situations exceptionnelles individuelles", pour les admissions en deuxième année du premier cycle de formation en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique, pour l'année universitaire 2020/2021.
En fonction de l'examen de la situation de cet étudiant, la commission pourra décider de permettre à un étudiant inscrit en Pass de s'inscrire une nouvelle fois en Pass à la rentrée universitaire 2021.
La commission pourra aussi décider de permettre à un étudiant inscrit en pass ou Las de s'inscrire de nouveau en Las pour présenter sa candidature aux formations de médecine, odontologie, maïeutique ou pharmacie dès l'année universitaire 2021/2022.
Par ailleurs cette commission pourra aussi annuler le décompte de l'utilisation d'une des deux possibilités de candidature aux formations de médecine, odontologie, pharmacie, maïeutique, pour les étudiants ayant validé leur formation en Pass ou Las.
Quoi qu'il en soit, le quota du nombre d'étudiants admis à redoubler par cette commission ne peut dépasser 8% "du nombre total de places offertes pour l'accès dans les formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique".
Ce décret permet également aux présidents des universités de faire basculer le nombre de places non pourvues dans un parcours de formation, vers un autre parcours de formation. Cette année, en effet, il est apparu que des places pour le parcours de formation Las n'avaient pas été pourvues et pourront donc être proposées à des étudiants en parcours Pass.
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Citer cet article: 15 universités vont devoir augmenter leur quota d’étudiants en santé - Medscape - 19 juil 2021.
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