POINT DE VUE

Intérêt d’une 3ème dose de vaccin COVID ? Le point de vue du Dr Benjamin Davido

Stéphanie Lavaud

7 juillet 2021

France – Alors que l’on évoque de plus en plus l’éventualité d’une quatrième vague épidémique à l’automne, faut-il dès à présent envisager l’injection d’une troisième dose de vaccin contre le Covid-19 à l’ensemble de la population ? La question se poserait de façon d’autant plus aiguë si le variant delta prenait l’ascendant sur les autres variants, si l’immunité collective n’était pas atteinte en septembre et si les vaccins à vecteurs viraux (AstraZeneca, Janssen) se révélaient moins immunogènes que ceux à ARNm (Pfizer et Moderna). Nous avons demandé son point de vue au Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital de Garches, pour qui la question de la troisième dose prendrait tout son sens avec l’arrivée à l’automne d’une nouvelle génération de vaccins, plus performants, qu’il réserverait néanmoins aux seules populations les plus à risque de formes graves, au même titre que la vaccination grippale.

Medscape édition française : Quelle serait, selon vous, l’intérêt d’une troisième dose de vaccin contre le Covid ?

Dr Benjamin Davido : Il va falloir réfléchir à cette stratégie, car on ne sait pas à l’heure actuelle la durée de l’immunité conférée par les vaccins contre le Covid, même si on a des éléments pour penser, qu’à l’image de l’immunité naturelle, elle est d’au moins un an. C’est d’ailleurs ce que semble indiquer une récente étude parue dans Nature . Pour moi, la question de la troisième dose dépend avant tout de la mise au point de nouveaux vaccins dont on peut espérer l’arrivée à l’automne. Si on ne les avait pas, on pourrait s’interroger sur la juste nécessité ou non de cette troisième dose. Si on les a, ce sera plus facile – en tout cas pour les pays riches – d’emboîter le pas sur un nouveau rappel vaccinal chez les individus fragiles, c’est-à-dire les plus de 75 ans et/ou avec des comorbidités – soit 15 à 20 millions de Français. Pour le reste de la population, on pourrait envisager de les recommander mais de laisser à chacun son libre-arbitre.

Une troisième dose serait-elle incontournable pour cette population à risque?

Dr Davido : La nécessité du vaccin va évidemment dépendre de l’évolution de la crise, tant sanitaire qu’économique. Avec l’arrivée du variant Delta, l’idée qui a pu exister, à un moment, que le virus disparaitrait d’un coup et que l’épidémie s’arrêterait, n’aura pas fait long feu. Néanmoins, même en voulant anticiper et être pro-actif, il faut être réaliste, il va être difficile de faire accepter aux 70% de la population qui se seront fait vaccinés au 15 septembre, de recommencer en novembre.

A quels nouveaux vaccins faites-vous référence ?

Dr Davido : On peut s’attendre à l’automne à une mise à jour des vaccins actuels, notamment ceux de Moderna et de Pfizer sous forme de « boosters » de l’immunité avec une forme spécifiquement mis au point pour neutraliser des variants spécifiques. De son côté, AstraZeneca a lancé un essai de phase II/III avec son candidat vaccin (AZD2816), conçu sur la base de Vaxzevria® mais modifié pour être efficace contre le variant sud-africain. Il est aussi possible que l’on ait des vaccins combinés avec la grippe, tel que celui à protéines recombinantes de Novavax qui a communiqué récemment ses premiers résultats. Ce qui est logique car les facteurs de risque entre coronavirus et H1N1 sont très semblables et la population-cible est la même. Si c’était le cas, et que nous disposions de tels vaccins à l’automne, cela changerait complètement la donne et mettrait tout le monde d’accord sur la nécessité de vacciner les plus âgés et les personnes vulnérables.

Faut-il croire les PDG de Moderna et Pfizer quand ils affirment qu’une troisième dose sera nécessaire dans les 12 mois pour être complétement vacciné ?

Dr Benjamin Davido : La bonne nouvelle, c’est qu’on a montré que les laboratoires ont eu raison, qu’il fallait deux doses, et qu’il les fallait les faire dans un intervalle court (dans le mois). C’est important de le dire car dans cette situation de défiance vis-à-vis des compagnies pharmaceutiques, on a été en réalité en présence de rigueur et d’efficacité. Par rapport au virus dans sa version originelle (non mutée), on était paré pour faire face à une pandémie. On peut aussi imaginer qu’il s’agit d’un gage à moyen terme. Donc quand les laboratoires disent qu’une troisième dose pourrait être nécessaire, c’est qu’ils ont des raisons de le penser.

Quelle serait le bénéfice de cette troisième dose ?

Dr Davido : Si on dispose d’une nouvelle génération de vaccin à ARN, plus immunogène, permettant d’avoir une réponse plus durable, on pourrait imaginer qu’elle soit efficace contre les futurs variants, notamment sur la dynamique de transmission. Si l’on se réfère à la modélisation de l’Institut Pasteur sur l’abaissement du risque de contamination quand on est vacciné (divisé par 12), on peut penser que l’on aura encore moins de chance de se faire contaminer par quelqu’un de vacciné avec ces nouveaux vaccins. J’aime à penser que les vaccins de 2ième génération vont réduire la possibilité d’être contaminant malgré la vaccination – une critique faite parfois concernant les vaccins actuellement disponibles.

L’intérêt d’une troisième dose diffèrerait-il selon le type de vaccin et le schéma vaccinal ?

Dr Davido : On dispose étonnamment à ce jour de peu de données sur la vaccination hétérologue (AstraZeneca/Pfizer ou Moderna), néanmoins, cela ne change rien à mon avis. Si l’on dispose d’un vaccin plus immunogène – qu’il s’agisse du vaccin AstraZeneca ou des vaccins à ARN –, ce sera un gain, quel que soit le schéma vaccinal suivi.

Y-a-t-il une demande de la part des patients pour cette troisième dose ?

Dr Davido :  Oui, cela arrive que des patients qui se sont fait vacciner en janvier s’inquiètent de savoir « s’ils vont tenir jusqu’à la quatrième vague ». Je leur réponds que l’on a aujourd’hui des éléments forts pour penser que ces vaccins sont robustes et durables, au moins pendant un an, et il n’y aura donc pas de souci jusqu’à l’automne. Mais si on fait partie d’une population immunodéprimée, et que l’on a été vacciné avec un vaccin moins immunogène, on peut imaginer qu’il sera nécessaire de faire un rappel, et ce d’autant que ce sera avec un vaccin plus robuste.

Ce rappel serait-il à instaurer chaque année ?

Dr Davido : On pourrait imaginer à moyen terme instaurer une vaccination automnale, comme on le fait déjà pour la grippe, en y ajoutant un vaccin dirigé contre le coronavirus, et voire même un futur « troisième vaccin » en complément, pour arriver, chez une population bien ciblée, à une vaccination universelle contre les maladies respiratoires hivernales.

 

 

 

 

 

 

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