Etats-Unis – Plusieurs cas de myocardite associée aux vaccins ARNm de Pfizer ou de Moderna ont été décrits dans des articles récents de la littérature scientifique et médicale. Ils semblent se produire quasiment exclusivement chez des hommes et le plus souvent dans les groupes les plus jeunes. Si les symptômes et les signes de myocardite s'améliorent en général en quelques jours, on a toujours aucune idée des effets à long terme. Néanmoins, les spécialistes considèrent unanimement que les bénéfices de la vaccination surpassent les risques.
Le comité d’experts sur la vaccination des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) s’est réuni fin juin pour discuter de ces effets cardiaques. A cette occasion, 323 cas de myocardites ou de péricardites chez des individus de moins de 30 ans ont été confirmés. Mais les participants ont réaffirmé la nécessité de poursuivre la vaccination avec des vaccins à ARNm chez les jeunes.
Les différents cas ont été rapportés dans deux articles du JAMA Cardiology et dans trois de Circulation[1,2,3,4,5] .
Des hommes jeunes et en bonne santé
Dans un premier article du JAMA Cardiology [1], sont décrits 23 cas de myocardites aigues chez des militaires, survenues dans les quatre jours après l'injection d'une dose d'un vaccin à ARNm (7 Pfizer et 16 Moderna). Tous les patients étaient des hommes, 22 sur 23 étaient en service actif, de 25 ans d'âge médian (20-51 ans). 20 des 23 cas se sont produits après l'injection de la seconde dose du vaccin. Pour les 3 autres cas, les patients avaient eu le covid dans les 2 mois précédent l’injection.
Tous les patients ont ressenti une douleur aiguë apparue soudainement. Les niveaux de troponine cardiaque étaient significativement élevés. Parmi les 8 patients qui ont bénéficié d’une IRM cardiaque, le diagnostic clinique de myocardite a été clairement confirmé.
Des explorations supplémentaires n'ont pas identifié d'autres causes possibles de myocardite. Tous les patients ont récupéré après avoir reçu brièvement des soins de support.
Les auteurs rappellent que l'administration militaire a injecté plus de 2,8 millions de doses de vaccin anti-Covid à ARNm. Si le nombre de myocardite est faible, après la seconde dose du vaccin, il est toutefois « substantiellement plus élevé » qu'attendu chez les militaires hommes. De fait, parmi les 544 000 secondes doses administrées à des militaires, 0 à 10 cas de myocardite étaient attendus, 19 ont été finalement observés.
«Tous les patients de ces séries présentaient des similarités concernant les caractéristiques démographiques, la vaccination récente, l'intervalle de survenue et le fait qu'il s'agisse d'une myocardite associée au vaccin. La présentation clinique, la guérison rapide et l'absence d'argument en faveur d'autres causes vont dans le sens d'un diagnostic de myocardite d'hypersensibilité », écrivent-ils.
Ils ajoutent que la survenue de la myocardite après la seconde dose du vaccin, ou après la première dose chez trois patients qui avaient eu le Covid dans les 2 mois précédent la vaccination, suggère qu'une exposition antérieure est liée à la réponse d'hypersensibilité.
« Les différentes présentations cliniques de la maladie et le fait que le diagnostic repose sur le fait que les patients cherchent des soins et que les professionnels de santé reconnaissent cet effet indésirable rare du vaccin, limite la possibilité de déterminer sa réelle incidence », considèrent aussi les auteurs.
Ils soulignent qu'il est essentiel de savoir reconnaître la myocardite associée au vaccin car le diagnostic a un impact sur la prise en charge, les recommandations en termes d'exercice physique et le suivi de la cardiopathie.
Mais d'après eux, il est important de remettre le faible sur-risque de myocardites dans le contexte de la pandémie en cours.
« L'infection au SARS-CoV-2 peut causer des problèmes cardiaques graves chez beaucoup de patients... La prévalence des atteintes cardiaques peut concerner jusqu'à 60 % des patients très malades. 1 % des individus athlétiques en bonne santé qui ont contracté un Covid-19 léger ont des signes de myocardite révélés par l'IRM cardiaque », poursuivent-ils.
« Etant donné que les vaccins contre le Covid-19 sont remarquablement efficaces pour empêcher l'infection, tout risque d'effets indésirables rares liés à la vaccination doit être évalué en gardant en tête les bénéfices substantiels de la vaccination », concluent-ils.
Une prévalence sous-estimée
Dans un deuxième article[2] publié dans le JAMA Cardiology, sont rapportés les cas de quatre patients présentant une myocardite aiguë survenue dans quelques jours suivant l'administration du vaccin Pfizer (2 cas) ou du vaccin Moderna (2 cas). Les patients sont sortis de l'hôpital dans les deux à quatre jours après leur admisssion pour myocardite.
Bien qu'une relation causale avec la vaccination n'ait pu être démontrée, les auteurs n'ont pas trouvé d'explication alternative.
Ils indiquent que ces quatre patients sont bien représentatifs de la majorité de ceux concernés par une myocardite aigue identifiés ces trois derniers mois au Duke University Medical Center (Caroline du Nord, Etats-Unis), où l'on avait jamais enregistré autant d'hospitalisations pour myocardite sur une période de trois mois au cours des cinq dernières années.
« Nous n'avons identifié que les patients avec une douleur constante nécessitant une attention particulière. Ceux avec une douleur faible à modérée ne consultent pas forcément. Des myocardites subcliniques pourraient possiblement être détectées avec une surveillance active, comme cela avait été le cas avec la variole* », écrivent-ils.
*Un vaccin contre la variole a déjà été associé à de rares cas de myocardites et de péricardites.
Encore d'autres cas …
Dans un des articles[3] de Circulation, une équipe de la Mayo Clinic (Rochester, Minnesota, Etats-Unis) décrit les cas de huit patients hospitalisés pour douleur poitrinaire, et dont la myocardite a été diagnostiquée dans les 2 à 4 jours après l'administration d'une dose du vaccin Moderna ou Pfizer.
Deux d'entre eux avaient été infectés par le SARS-CoV-2 précédemment mais n'avaient pas été hospitalisés. Mise à part ces deux infections avant la vaccination, ce sont des hommes en bonne santé âgés entre 21 et 56 ans qui ont tous, sauf un, eu des symptômes après la seconde dose. Celui qui a développé une myocardite après la première injection avait été infecté au SARS-CoV-2 avant.
Pour cinq des huit patients, les symptômes généraux ont commencé dans les vingt-quatre heures après la vaccination, les douleurs dans la poitrine 48 à 96 heures plus tard. Les valeurs de la troponine étaient élevées avec un pic le lendemain de l'admission. Le taux d'éosinophiles était normal.
Les IRM cardiaques ont confirmé la myocardite. Tous les patients ont fini par sortir de l'hôpital.
« Les patients présentés ici ont eu les signes typiques, les symptômes et les caractéristiques diagnostiques de la myocardite aiguë. L'association temporelle entre la vaccination et l'apparition de la myocardite est évidente », disent les auteurs.
Ils ajoutent qu'ils envisagent les corticostéroïdes chez ces patients mais qu'il faut faire attention au fait que ces médicaments diminuent la réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2 induite par le vaccin. « La durée de l'administration de corticostéroïdes doit être limitée à la résolution des symptômes ou des arythmies ventriculaires ou bien à la récupération de la fraction ventriculaire gauche ».
En attendant la publication de données à long terme sur les myocardites associées à la vaccination anti-SARS-CoV-2, ils suggèrent de suivre les recommandations classiques pour les myocardites, à savoir ne pas participer à des compétitions sportives pendant une période de trois à six mois, avec une réévaluation avant la reprise du sport.
Un autre article[4] aussi paru dans Circulation est consacré à une série de cas de sept patients provenant deux centres américains (Virginie et Texas). Hospitalisés pour myocardite aiguë après une vaccination anti-Covid, tous ces patients étaient des hommes de moins de 40 ans blancs ou d'origine hispanique. Seul l'un d'entre eux avait été précédemment infecté par le SARS-CoV-2.
Six ont reçu un vaccin anti-Covid à ARNm (Pfizer ou Moderna), un patient un vaccin à adénovirus (Johnson &Johnson). Tous les patients ont ressenti une douleur aiguë au niveau de la poitrine, avec une preuve biologique de la lésion du myocarde, trois à sept jours post-vaccination.
La durée de l'hospitalisation était de trois jours et les symptômes avaient disparu à la sortie des patients.
Enfin, le troisième article[5] paru dans Circulation détaille le cas d'un patient de 52 ans jusque-là en bonne santé et qui a présenté une myocardite trois jours après l'administration de la seconde dose du vaccin Moderna. Les symptômes ont disparu, et une amélioration graduelle a été visible à l'IRM cardiaque. Toutes les causes habituelles de myocardite (lésion ischémique, infection, maladie autoimmune...) ont été écartées.« Les médecins devraient avoir conscience qu'une myocardite est possible chez les patients présentant des signes cardiaques deux à quatre jours après la vaccination contre le Covid-19 », écrivent les auteurs.
Ils ajoutent que la surveillance des effets indésirables post-vaccination anti-Covid doit continuer pour identifier les sous-groupes à risque et les précautions à prendre pour eux.
« Les bénéfices dépassent les risques »
Dans un éditorial du JAMA Cardiology[6] , trois médecins des CDC citent plusieurs autres rapports faisant état de myocardite après l'administration d'une dose de vaccin à ARNm, dont un article[7] publié dans Pediatrics concernant sept adolescents âgés de 14 à 19 ans.
D'après les éditorialistes, les données les plus intéressantes concernant le risque de myocardite après la vaccination avec un vaccin à ARNm viennent d'Israël. Le ministère de la Santé israélien a publié récemment les descriptions de 121 cas de myocardite qui se sont produits dans les 30 jours après la seconde dose du vaccin parmi 5 049 424 personnes, ce qui correspond à un taux d'incidence d'à peu près 24 cas par million.
A propos de ces récentes descriptions de cas, les spécialistes des CDC écrivent : « Les similarités cliniques frappantes des présentations de ces patients, leur récente vaccination avec un vaccin à ARNm et l'absence de causes alternatives pour expliquer ces myocardites aiguës suggèrent une association avec la vaccination ».
Selon eux, cette survenue soudaine d'une douleur dans la poitrine dans les trois à cinq jours après l'administration du vaccin, le plus souvent après la seconde dose, est caractéristique des cas rapportés et suggère un mécanisme médié par l'immunité.
Mais l'infection par le SARS-CoV-2 est aussi responsable de lésions cardiaques qui peuvent être graves alors que les cas de myocardite après vaccination sont rares.
« Aujourd'hui les bénéfices de l'immunisation pour prévenir la morbidité liée à l'infection sont en faveur de la poursuite de la vaccination anti Covid-19, en particulier si l'on considère l'augmentation des hospitalisations pour Covid des adolescents au cours du printemps 2021 », indiquent les éditorialistes.
Mais, ils ajoutent que de nombreuses interrogations demeurent. Quelles sont les modifications à apporter dans le calendrier vaccinal pour les personnes ayant présenté une myocardite, supposée ou confirmée, après une injection du vaccin anti-SARS-CoV-2 ? Comment prendre en charge les myocardites post-vaccination ? Quelle devraient être les modalités du suivi ? Ces modalités affecteraient-elles les recommandations qui interdisent l'activité physique intense face à un diagnostic de myocardite ? Tous ces cas de myocardite aiguë non compliquée devraient-ils être investigués par IRM cardiaque ?
Dans le deuxième éditorial[8] du JAMA Cardiology, des éditeurs de la revue reconnaissent que la publication de ces différents rapports peut contribuer au climat d'inquiétude autour de la vaccination. Mais, ils ajoutent aussi que les médecins qui abordent le sujet de la vaccination avec leurs patients devraient souligner que ces séries de cas montrent aussi la rareté des myocardites.
« Etant donné les risques du Covid-19, dont celui de développer une myocardite, les éditeurs ne considèrent pas que ces études de cas sont suffisantes pour interrompre l’élan vers une vaccination maximale contre le SARS-CoV-2 aussi rapide que possible », expliquent-ils.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “New Details of Myocarditis Linked to COVID Vaccines”. Traduit/adapté par Marine Cygler.
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Citer cet article: Myocardites post-vaccinales : 5 études passent au crible des dizaines de cas - Medscape - 6 juil 2021.
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