Paris, France – Avec une vaccination partielle de la population française incluant les enfants de plus de 12 ans et en l’absence de mesures adéquates pour contrôler la propagation du virus SARS-CoV2, un pic d’hospitalisations pour Covid-19 pourrait s’observer cet automne à un niveau similaire que celui survenu l’année dernière à la même époque, selon une nouvelle modélisation de l’Institut Pasteur [1].
Dans leur modélisation, les chercheurs décrivent une situation épidémiologique entretenue par les personnes non vaccinées, en particulier par les enfants et les adolescents qui seraient alors à l’origine de la moitié des infections. Pour contrôler la circulation du virus, ils proposent d’adapter les mesures sanitaires, avec notamment des protocoles « plus stricts » en milieu scolaire, et suggèrent de vacciner les enfants et les adolescents.
Ils estiment que des mesures de contrôle supplémentaires ciblant les personnes non-vaccinées, comme l’utilisation d’un pass sanitaire pour leur restreindre l’accès aux espaces publics fermés, pourraient être également envisagées pour « maximiser le contrôle de l’épidémie tout en minimisant l’impact sociétal ». Cette approche soulève toutefois « des questions sociales et éthiques importantes qui doivent être discutées ».
« Cibler les individus non-vaccinés entrainerait inévitablement une discrimination », réelle ou ressentie, même si le choix d’être vacciné ou non est dans une certaine mesure volontaire, notent les auteurs. Etant donné que cette approche pourrait amener à des compromis difficiles, « la vaccination des non-vaccinés reste de loin la stratégie la plus acceptable et la plus coût-efficace ».
2 500 hospitalisations par jour
Dans cette étude, les chercheurs de l’unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses de l’Institut pasteur anticipent le fait qu’une couverture vaccinale élevée ne pourra pas être atteinte en France, en raison des réticences d’une partie de la population, et qu’en conséquence le virus continuera de circuler suffisamment pour impacter le système de santé.
Pour étudier l’évolution de l’épidémie dans un contexte de vaccination partielle, ils ont choisi pour scénario de référence un taux de reproduction du virus R0=4 et une couverture vaccinale à 63% (30% chez les 12-17 ans, 70% chez les 18-59 ans et 90% chez plus de 60 ans), un niveau qui s'inscrit, selon eux, dans une perspective "optimiste".
Actuellement, selon les dernières données, 41% des adultes sont entièrement vaccinés (27% des 18-59 ans et 70% des plus de 60 ans). Le taux de reproduction R0=4 est considéré comme un minimum pour le variant delta, en bonne voie pour devenir majoritaire. Plus contagieux que le variant alpha actuellement dominant, le variant delta pourrait avoir un R0≥7 en l’absence de mesures de prévention, précisent les chercheurs.
En considérant ce scénario de référence, ils estiment que les adultes non-vaccinés, qui représenteraient alors 10% des plus de 60 ans et 30% des 18-59 ans, vont contribuer « de façon importante à la pression sur l’hôpital ». Ainsi, selon la modélisation, « les personnes non-vaccinées de plus de 60 ans représentent 3% de la population, mais 35% des hospitalisations ».
Leur modélisation prévoit pour l’automne une nouvelle vague épidémique avec des pics de près de 2500 hospitalisations par jour, soit un niveau équivalent à ce qui a été observé à l’automne dernier. Avec un R0 passant à 5, on enregistrerait 6 000 hospitalisations par jour avec un même niveau de vaccination.
Risque de transmission 12 fois plus élevé
Dans l’ensemble, avec un taux de vaccination à 63%, les non-vaccinés sont responsables de 75% des infections. « Une personne non-vaccinée a 12 fois plus de risque de transmettre le SARS-CoV-2 qu’une personne vaccinée », précisent les auteurs. Et, selon eux, près de la moitié des cas d’infections surviendraient chez les enfants et les adolescents, beaucoup moins vaccinés. « Nous prévoyons que 46% des infections se produiront dans cette tranche d’âge. »
« La situation des enfants et adolescents doit être considérée avec particulièrement d’attention. S’il y a un rebond épidémique cet automne, des mesures de contrôle dans les écoles, les collèges et les lycées pourraient être nécessaires pour réduire le risque de tensions hospitalières », estiment les chercheurs, qui évoquent « des protocoles sanitaires plus stricts » appliqués en milieu scolaire.
« Il est important de développer des protocoles efficaces de contrôle de la circulation virale dans les écoles permettant de limiter autant que possible les fermetures de classe », ajoutent-ils, tout en précisant que « la vaccination des enfants et adolescents devrait leur permettre un retour à une vie normale ».
Les résultats de la modélisation suggèrent également que la vaccination des adolescents permettrait de réduire la pression sur le système de santé. Le même scénario avec une couverture vaccinale passant de 30 à 50% chez les 12-17 ans permettrait de diminuer les hospitalisations de moitié pendant le pic épidémique avec un R0=4 et d’un tiers avec un R0=5.
Un rebond plus facile à maitriser
D’autres stratégies de réduction des risques ont été évaluées. En considérant le scénario de référence, un dépistage hebdomadaire de la moitié des personnes non-vaccinées âgées de plus de 12 ans permettrait de réduire les hospitalisations pendant le pic épidémique de 27% avec un autotest et de 32% lorsque le dépistage est réalisé par un professionnel.
Par ailleurs, une application rigoureuse des mesures de contrôle habituelles (distanciation physique, gestes barrières, port du masque…) pourrait aider à limiter les hospitalisations. Si le taux de transmission du virus est ainsi réduit de 20% dans ce scénario de vaccination partielle, les hospitalisations seraient abaissées de 67%.
De fait, malgré des estimations préoccupantes, les chercheurs se veulent encourageants : « l’effort nécessaire pour contrôler un rebond épidémique devrait être nettement moindre que pendant la période pré-vaccinale ».
Crédit photo : Getty images
Actualités Medscape © 2021 WebMD, LLC
Citer cet article: COVID-19: l’Institut Pasteur anticipe un rebond épidémique pour l’automne 2021 - Medscape - 6 juil 2021.
Commenter