Paris, France – Depuis avril 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits santé (ANSM) a mis en place un suivi spécifique des effets indésirables après vaccination contre le Covid-19 chez les femmes enceintes.
Le dernier rapport mensuel de pharmacovigilance rapporte entre autres des cas de fausses couches et des événements thromboemboliques, qui ne semblent toutefois pas plus fréquents que dans la population générale [1]. D’autres signaux comme les contractions, l’hypertension sévère, la pancréatite et l’allo-immunisation font l’objet d’une surveillance spécifique.
S’il ne ressort pas de préoccupation majeure de ce rapport de pharmacovigilance, en revanche, le risque de développer une forme grave de Covid-19 est bien majoré chez les femmes enceintes non vaccinées, a rappelé le Pr Olivier Picone (Hôpital Louis Mourier, AP-HP, Colombes), auprès de Medscape édition française. Dans son établissement, plusieurs femmes enceintes ont été admises en réanimation pour des complications après une infection par le SARS-CoV2 et des interruptions de grossesse ont été envisagées.
Lien de causalité non établi
Dans le rapport de l’ANSM, la majorité des effets indésirables observés se rencontrent à des taux équivalents chez les femmes enceintes non vaccinées. « Aucun signal [de sécurité] n’a été identifié chez les femmes enceintes et allaitantes avec l’ensemble des vaccins contre la Covid-19 disponibles en France », a commenté l’agence sanitaire. Certaines complications, dont un cas d’hypertension artérielle sévère, font l’objet d’une surveillance renforcée.
« Il faut continuer à être vigilant, mais pour le moment, il n’y a pas de problème particulier à relever » dans cette enquête de pharmacovigilance, a commenté le Pr Picone. « Le lien de causalité entre les vaccins et les effets indésirables n’est pas établi. »
D’un autre côté, le gynécologue-obstétricien, également président de la Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN), a rappelé que les femmes enceintes infectées par le SARS-CoV2 sont plus à risque de développer des formes graves de la maladie. « C’est désormais clairement prouvé. Il n’y a plus de débat aujourd’hui à ce sujet. »
En raison des similitudes avec d’autres pathologies virales respiratoires, telle que la grippe, qui engendrent davantage de complications chez les femmes enceintes, « il y avait des craintes au début de l’épidémie de Covid-19 ». Des craintes qui se sont confirmées: « toutes les études montrent qu’il y a un sur-risque de formes graves de Covid, d’intubation, de besoin en oxygène et même de mortalité » chez les femmes enceintes infectées par le SARS-CoV2.
Des dizaines de femmes enceintes hospitalisées pour COVID
En France, il n’y a pas pour le moment de chiffres exacts sur le nombre de femmes enceintes hospitalisées pour Covid-19, étant donné que les informations transmises par les équipes n’apportent pas de précision sur la grossesse, a indiqué le praticien. On estime que « plusieurs dizaines de femmes enceintes ont été hospitalisées pour Covid-19 », depuis le début de l’épidémie.
« Dans notre service, on a admis beaucoup de femmes enceintes en réanimation. Pendant les pics de l’épidémie, on avait quasiment en continu au moins une femme enceinte prise en charge en réanimation. Et, on a eu jusqu’à sept femmes enceintes hospitalisées en même temps dans notre unité Covid-19. » Toutes ont été placées sous oxygène.
Conformément à ce qui est décrit dans la littérature, une grossesse avancée, un surpoids (IMC>30) et la présence de comorbidités (antécédents vasculaires comme la prééclampsie, hypertension chronique, diabète…) sont apparus comme des facteurs de risque majeurs de développer une forme grave de Covid-19 dans cette population de patientes admises à Hôpital Louis Mourier.
La présence de comorbidités n’était toutefois pas systématique. « On a eu aussi des cas de femmes sans comorbidités ayant développé une forme grave de la maladie », a souligné le Pr Picone. Si les patientes prises en charge dans cet établissement ont pu être sauvées et mener leur grossesse à terme, « une femme enceinte sans comorbidité est décédée de la Covid-19 en région parisienne, » a-t-il précisé.
« Dans certains cas, des interruptions de grossesse pour raison médicale ont été discutées dans notre service, mais on a eu la chance de ne pas avoir eu besoin d’en pratiquer ». En tant que coordonnateur du CPDPN de l’hôpital Louis Mourier, le gynécologue a toutefois dû approuver une demande d’interruption médicale de grossesse pour un autre établissement.
Dans ce cas, « le personnel soignant a considéré qu’une interruption de grossesse était nécessaire pour mieux soigner la mère », qui était à 22 semaines de grossesse. La patiente, atteinte d’obésité, a développé « une forme pulmonaire extrêmement grave » après avoir été infectée par le SARS-CoV2.
Le vaccin à ARNm recommandé
Depuis avril 2021, en raison du risque accru de complications, les femmes enceintes sont considérées comme prioritaires pour accéder à la vaccination anti-Covid-19 avec un vaccin à ARNm. L’administration du vaccin Comirnaty® (Pfizer/BioNtech) ou Moderna® (Moderna Therapeutics) est recommandée à partir du deuxième trimestre de grossesse.
En plus de l’enquête de pharmacovigilance menée en population générale pour surveiller en temps réel le profil de sécurité des vaccins utilisés en France contre la Covid-19, l’ANSM a mis en place un suivi spécifique des effets indésirables chez les femmes enceintes et allaitantes vaccinées. Les résultats de ce suivi sont publiés chaque mois.
Selon le dernier rapport, pour la période du 15 mai au 15 juin 2021, 74 notifications d’effets indésirables ont été enregistrées chez des femmes enceintes après vaccination. La majorité ont reçu le vaccin de Pfizer/BioNtech (Cominarty®) pendant leur grossesse.
Les notifications sont principalement des fausses couches, « événement très fréquent en population générale », rappelle l’ANSM. « Pour ces fausses couches spontanées, le lien avec la vaccination ne peut pas être établi. » Dans plusieurs cas, il existait des facteurs de risque tels que l’obésité, des antécédents de fausse couche et un âge >35 ans.
Trois décès in utero ont également été rapportés, un avec le vaccin Cominarty® et deux avec Moderna®. « Les morts in utero surviennent chez 1 à 3 grossesses sur 1000 en population générale. A ce jour, le lien entre ces morts in utero et la vaccination ne peut être établi. »
Des événements thromboemboliques sont apparus chez cinq femmes. Trois cas d’embolie pulmonaires ont été rapportés avec le vaccin Comirnaty®, dont un est survenu chez une femme obèse et alitée. Dans les autres cas, il n’y avait pas a priori de facteurs de risque en dehors de la grossesse. Deux cas de thrombose veineuse profonde ont également été signalés chez des femmes présentant une obésité et un diabète ou antécédent de thrombose veineuse profonde post‐partum.
Ces événements « font l’objet d’un suivi particulier en population générale », les rapports de pharmacovigilance ayant rapporté plusieurs centaines de cas après vaccination avec le vaccin d’Astrazeneca, mais aussi avec le vaccin Cominarty®. Les cas recensés chez les femmes enceintes « ne sont pas préoccupants », selon le Pr Picone, d’autant plus que la grossesse est associée en elle-même à un risque accru de thrombose.
Un cas d’allo‐immunisation
Deux cas d’hypertension artérielle, dont un grave, ont été rapportés avec Comirnaty®. « Il s’agit, pour le moment, d’un cas isolé, d’évolution favorable, mais ce type d’effet est à surveiller », note l’ANSM. Un signal de sécurité lié à des poussées hypertensives symptomatiques a déjà été retenu en population générale dans des rapports de pharmacovigilance concernant ce vaccin, précise l’agence.
Un cas de pancréatite aiguë a été rapporté chez une femme présentant une hypertriglycéridémie familiale comme facteur de risque. « Compte tenu d’une étiologie non médicamenteuse probable, le rôle du vaccin semble exclu ». En population générale, 15 cas de pancréatite aiguë ont été signalés avec le vaccin Cominarty®. « Cet effet indésirable a été retenu comme signal potentiel. »
Enfin, le rapport mentionne quatre cas de contractions utérines douloureuses avec Comirnaty®. Même si « le lien avec le vaccin ne peut être établi à ce jour », ce type d’effet indésirable « doit être surveillé », estime l’ANSM.
Un cas d’allo‐immunisation (réaction immunitaire de la mère dirigée contre le foetus) a été rapporté avec le vaccin de Pfizer. Ce cas unique, qui n’a pas été observé dans d’autres bases de données nationales et internationales, « ne permet pas de conclure quant au rôle du vaccin ».
Concernant les effets indésirables observés après vaccination pendant l’allaitement, 15 signalements ont été rapportés lors du suivi mensuel, dont une majorité « non graves et attendus ». Parmi les cas notables, le rapport signale une fièvre, une éruption cutanée et des vomissements survenus chez l’enfant allaité après vaccination de la mère avec le vaccin Comirnaty®.
Des hausses de production de lait maternel ont également été constatées par quelques femmes après vaccination. L’une d’elles a noté une quantité de lait doublée dans le sein situé du côté de l’injection. Une autre femme a, en revanche, rapporté une diminution progressive de la lactation.
Crédit image : Guido Mieth via Getty
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Citer cet article: Grossesse et vaccins anti-COVID: ce que dit le dernier rapport de l’ANSM - Medscape - 1er juil 2021.
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