Paris, France – A la suite des restrictions imposées dans l’utilisation des prothèses vaginales, la Haute autorité de santé (HAS) a publié des recommandations de bonnes pratiques concernant la prise en charge du prolapsus génital « pour aider les professionnels de santé à proposer des solutions thérapeutiques » [1]. Le traitement non chirurgical reste l’option de première ligne à proposer « à toutes les patientes » atteintes d’un prolapsus symptomatique.
En plus de valoriser les mesures hygiéno-diététiques et la rééducation pelvienne, les experts donnent une place élargie au pessaire, ce dispositif se présentant sous forme d’anneau ou de cube en silicone à insérer dans le vagin pour maintenir le prolapsus. Jusqu’à présent réservé aux femmes âgées, il est désormais indiqué en première intention « quels que soient l’âge et le stade de sévérité du prolapsus », dans une utilisation qui devient ainsi plus systématique, notamment avant une chirurgie.
Incohérence sur la promontofixation
Interrogé par Medscape édition française, le Pr Xavier Gamé (CHU de Rangueil, Toulouse) estime ces recommandations satisfaisantes. Après les restrictions sur les prothèses vaginales, « elles sont tout à fait adaptées à la situation actuelle », a commenté le secrétaire général de l’Association française d’urologie (AFU). « Elles permettent de bien cadrer la prise en charge et sont basées sur les données de la littérature, ainsi que sur l’avis d’experts reconnus. »
Il souligne toutefois « une incohérence » dans l’avis concernant la promontofixation, une technique chirurgicale pratiquée par voie haute, qui utilise également des bandelettes synthétiques pour « attacher » le vagin à la base du sacrum. La HAS précise que ces implants sont « en cours d’évaluation », ce qui ne l’empêche pas de présenter cette approche comme le traitement chirurgical standard.
« D’un côté, la promontofixation est présentée comme le traitement de référence, mais de l’autre, on n’a pas les outils [validés] pour le faire », a commenté le Pr Gamé. Or, selon lui, tout comme pour les bandelettes vaginales, les données cliniques sont insuffisantes pour valider les implants de promontofixation, même si cette technique est utilisée depuis longtemps.
Les résultats du registre national VigiMesh, qui collecte depuis quelques années les données de patientes opérées en France avec un dispositif médical pour un prolapsus, apparaissent comme « le seul moyen » de valider ces bandelettes, estime l’urologue. Selon la dernière étude prospective basée sur ce registre, la promontofixation est associée à un risque de complications moindre, en comparaison avec la réparation vaginale prothétique (1,4% vs 3,7% de complications graves à un an) [2].
Evaluation plus stricte des implants
Les recommandations de la HAS ont été élaborées à la demande du ministère des Solidarités et de la Santé après l’évaluation non concluante des prothèses vaginales à disposition dans cette indication. « Aujourd’hui, aucun des implants par voie basse évalués pour le traitement chirurgical du prolapsus n’a été validé », précise la HAS. « Leur utilisation est suspendue, hormis dans le cadre d’études cliniques. »
Pour rappel, cette évaluation a été initiée en 2019 après une hausse des signalements d’effets indésirables liés à l’utilisation de ces dispositifs médicaux et une remise en question de leur profil de sécurité. Plusieurs pays ont exigé une évaluation plus stricte, que les fabricants n’ont pas pu satisfaire. En conséquence, des pays comme les Etats-Unis ont stoppé leur commercialisation, avant que la France décide de suspendre leur utilisation, faute de données de sécurité suffisantes.
« Il était temps que les pouvoirs publics se saisissent du dossier. Le fait de ne plus avoir de prothèses vaginales à disposition n’a rien de choquant puisque ce matériel n’avait jamais été évalué correctement », estime le Pr Gamé, qui considère l’ancien système de validation de ces dispositifs médicaux implantables par simple marquage CE comme « une aberration ». Les nouvelles règles obligent désormais de passer par des essais cliniques pour assurer la sécurité des implants.
Le prolapsus en cinq stades
Selon la classification internationale, il existe cinq stades de prolapsus :
• Stade 0 : pas de prolapsus. Les points de référence (col vésical, col utérin, cul-de-sac vaginal postérieur…) sont situés à plus de 3 cm au-dessus de l’hymen ;
• Stade 1 : prolapsus intravaginal, avec points de référence descendus à 1 cm au-dessus de l’hymen ;
• Stade 2 : prolapsus affleurant la vulve. Les points de référence sont entre 1 cm au -dessus de l’hymen et 1 cm en dessous ;
• Stade 3 : prolapsus dépassant l’orifice vulvaire, avec des points de référence à plus de 1 cm sous l’hymen et une longueur d’extériorisation de moins de 2 cm ;
• Stade 4 : tous les points sont au-delà du stade 3. Le prolapsus est entièrement extériorisé.
Plus connu sous le nom de « descente d’organes », le prolapsus génital est une pathologie fréquente caractérisée par le glissement dans le vagin d’un ou plusieurs organes pelviens. Il peut s’agir de la vessie (cystocèle), de l’utérus (hystéroptose) ou du rectum (rectocèle). La pathologie touche entre 30 et 50% des femmes et tend à s’aggraver de manière progressive avec le vieillissement.
Les causes sont multiples (grossesse, ménopause…). « Certains facteurs modifiables pourraient participer à la survenue ou à l’évolution d’un prolapsus génital comme la toux chronique, le syndrome d’obstruction défécatoire, la poussée abdominale lors de la miction, la manière de porter des charges, l’obésité ou la sédentarité », précisent les experts.
Une décision médicale partagée
Selon les recommandations, « seuls les prolapsus génitaux symptomatiques ou compliqués nécessitent une prise en charge thérapeutique ». Le symptôme le plus spécifique est « la boule vaginale perçue ou ressentie » par la patiente. Dans un premier temps, « une prise en charge non chirurgicale est à proposer à toutes les patientes ».
La HAS précise que les femmes doivent, dans tous les cas, être impliquées dans le choix du traitement. Il est recommandé de les informer au préalable des bénéfices attendus, des complications associées à chaque option thérapeutique et du suivi post opératoire à mener. Elles doivent également être sensibilisées sur le risque de récidive du prolapsus, « avec ou sans symptômes associés ».
Concernant les pessaires, dont l’utilisation est désormais recommandée en première intention dans tous les cas de prolapsus, « leur efficacité sur les symptômes semble équivalente au traitement chirurgical », estiment les experts. L’efficacité est néanmoins réduite en cas de rectocèle. Le dispositif peut aussi être à visée diagnostique, lorsque le lien entre les symptômes et le prolapsus n’est pas certain.
Pour le Pr Gamé, cet élargissement des indications du pessaire n’est pas justifié. « Il faut bien sûr parler du pessaire, mais l’imposer à toutes les patientes me semble excessif. L’utilisation de ce dispositif ne préserve pas du risque de complication. Il faudrait plutôt mettre tous les traitements au même niveau et discuter avec la patiente de ce qui est le plus adapté. »
Les experts considèrent que le choix du pessaire « est à adapter au type de prolapsus, à la morphologie de la patiente et à sa capacité à le manipuler seule ». Avant la pose, il est préconisé « d’informer la patiente sur les modalités d’utilisation du pessaire et son suivi, le risque d’expulsion de pessaire et les pertes vaginales associées à son utilisation ».
« Une première consultation de suivi pourra être programmée 2 à 6 semaines après la pose du pessaire. » Le suivi est ensuite à adapter selon le type de pessaire, « la capacité de la patiente à le retirer pour le nettoyer » et l’apparition de pertes vaginales. En cas de complications ou lorsqu’une déficience intellectuelle ou physique vient altérer la gestion du pessaire, il est recommandé de proposer un rendez-vous tous les 4 à 6 mois.
L’hystérectomie sous conditions
Pour les prolapsus de stade < 3, une rééducation est à envisager en complément du pessaire dans l’objectif notamment de renforcer le plancher pelvien. Cette approche doit être « régulièrement réévaluée afin d’être adaptée à l’évolution des symptômes ». Elle doit être également associée à des mesures hygiéno-diététiques (perte de poids, alimentation équilibrée, activité physique…).
« Ces recommandations font la promotion d’une graduation dans la prise en charge du prolapsus. En ouvrant la palette des techniques et des outils pré-chirurgicaux pour trouver la solution la plus pertinente et la moins invasive pour la patiente, elles apportent un plus dans le parcours thérapeutique. C’est un progrès pour les femmes », a commenté auprès de Medscape édition française le Dr Pierre Mares (pôle gynéco-obstétrique, CHU de Nîmes), fervent défenseur de la rééducation pelvienne.
Concernant l’utilisation du laser ou de la radiofréquence, il est précisé qu’il n’existe pas de données permettant de recommander ces techniques. « Ces outils ont leurs avantages dans le traitement du prolapsus et peuvent aider à retarder la chirurgie. Mais, ces techniques sont encore expérimentales », avait souligné le Dr Mares, lors d’une présentation au congrès Infogyn 2019.
Lorsque les options conservatrices s’avèrent non satisfaisantes, la HAS recommande de proposer la chirurgie « en cas de symptômes handicapants ». L’hystérectomie systématique n’est pas recommandée en l’absence d’indication spécifique. Dans le cadre d’une chirurgie vaginale pour prolapsus génital en permanence extériorisé, elle permet de réduire le risque de récidive.
La fermeture du vagin (colpocléisis) est à réserver aux femmes très âgées et peu actives présentant des comorbidités qui ne permettent pas une autre chirurgie et acceptant de ne plus avoir de rapports sexuels. « Cette technique est corrélée à un très bon degré de satisfaction et le plus souvent les patientes ne regrettent pas leur choix », précisent les experts.
Concernant la promontofixation, elle est recommandée en cas de prolapsus apical (hystéroptose, prolapsus du fond vaginal) et de cystocèle. La voie vaginale autologue, qui consiste à réparer le prolapsus génital par voie vaginale en utilisant les tissus de la patiente sans prothèse, « donne des résultats fonctionnels et subjectifs similaires à la promontofixation ». Celle-ci donne toutefois « de meilleurs résultats anatomiques dans les prolapsus antérieurs et apicaux, avec un risque de récidive moindre ».
Consultation post-opératoire recommandée
S’agissant de la voie vaginale avec prothèse synthétique, désormais suspendue compte tenu du risque de complications (douleurs postopératoires, érosion des tissus avoisinants, infection…), elle peut être encore utilisée comme « chirurgie de dernier recours » dans le cadre de recherche clinique, en cas de récidive de prolapsus et chez une patiente informée des risques de complications.
Les experts précisent que les prothèses vaginales synthétiques doivent alors être mises en place par « un chirurgien formé et expérimenté dans cette technique, et après avoir présenté le dossier en concertation pluridisciplinaire ».
Le Pr Gamé s’est dit satisfait de cette mesure et ne doute pas de la capacité de mettre en place les essais cliniques nécessaires pour évaluer ces prothèses. Au cours du congrès de l’AFU 2019, il avait exprimé ses craintes de voir de nombreuses patientes, en particulier celles en récidive de prolapsus, privées d’option thérapeutique en cas d’interdiction totale des bandelettes vaginales.
Le Dr Mares estime, pour sa part, que les prothèses vaginales antérieures pourraient être à l’avenir à nouveau autorisées. « Les complications sont survenues après une extension des indications », qui a favorisé la pose de deux bandelettes, l’une sur la paroi antérieure du vagin, l’autre sur la paroi postérieure. Or, cette dernière s’avère moins bien tolérée. « Une utilisation plus ciblée des prothèses vaginales pourrait être utile pour certaines patientes. » Des essais cliniques devront être menés pour le confirmer.
En post-opératoire, les recommandations de la HAS précisent que les patientes peuvent reprendre leur activités à partir de la troisième semaine après l’opération et en l’absence de symptômes. Les rapports sexuels sont possibles au-delà de quatre semaines. La grossesse et l’accouchement « sont envisageables » après une chirurgie du prolapsus.
Une consultation post-opératoire est recommandée même en l’absence de symptômes ou de complications. Enfin, il n’y a pas de durée de suivi préconisée dans le cas des prothèses synthétiques (voie vaginale ou voie haute), étant donné que les complications peuvent apparaitre tardivement.
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Citer cet article: Prolapsus: la HAS publie ses recommandations après les restrictions sur les prothèses vaginales - Medscape - 28 juin 2021.
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