Respect du temps de travail des internes/PH : l’Isni rejoint par d’autres syndicats

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

21 juin 2021

Paris, France — Les 18 et 19 juin, les internes étaient en grève. Ils revendiquent le décompte horaire du temps de travail, et le respect de la limite maximale du travail hebdomadaire fixée à 48 heures par l’Europe. La France tarde à transposer cette législation européenne. Le Syndicat des praticiens hospitaliers  anesthésistes‑réanimateurs élargi (SNPHARE), qui bataille depuis 2003 pour la 5e demi-journée pour les gardes de 24 heures, a annoncé d’emblée son soutien. Tandis qu’Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et Jeunes Médecins ont annoncé par communiqué dans la journée du 18 être solidaires du mouvement de grève et demandé que la loi sur le temps de travail des internes et des praticiens hospitaliers soit déclinée immédiatement en droit Français pour être appliquée.

Opérer une révolution copernicienne

Deux jours de grève, les 18 et 19 juin, pour changer la donne en matière de pénibilité de travail des internes. C'est le pari lancé par l'intersyndicale nationale des internes (Isni) qui souhaite opérer une révolution copernicienne sur le respect du temps de travail légal des internes. « Dans le Code de Santé Publique, notre temps de travail est défini en demi-journée sans aucune définition de combien représente une demi-journée en heures. Notre temps de travail n'est donc pas défini en temps horaire comme dans tous les autres secteurs. Une subtilité qui explique nos longues semaines de travail qui restent pourtant illégales », explique l'Isni.

Soutien du SNPHARE

Pourtant, une directive européenne de 2003 et un décret de 2015 imposent un temps hebdomadaire de 48h pour les internes. Or, d'après une étude Isni en 2019 sur le temps de travail des internes, ces derniers travaillent en moyenne 58 heures par semaine. Donc, pour que les pouvoirs publics respectent la durée légale maximale du temps de travail, soit 48 heures, les internes se mettent en grève deux jours d'affilée, soit 48 heures. Parallèlement ils ont mis en demeure l'État de respecter ce temps de travail et le Conseil d'Etat a été saisi. Les internes ont également reçu le soutien du Syndicat des praticiens hospitaliers  anesthésistes‑réanimateurs élargi (SNPHARE) qui dans un communiqué de presse, juge que « ce mépris pour le travail des internes et des praticiens de l'hôpital public est indigne d'un pays qui se doit d'être reconnaissant envers ceux qui essaient de tenir le système public hospitalier debout ».

Bataille pour une 5e demi-journée

Contacté par Medscape, la présidente du SNPHARE, Anne Geoffroy-Wernet explique que « la cour de justice européenne a imposé que chaque salarié puisse avoir droit à un décompte horaire du temps de travail. Cela devrait être transposé dans la réglementation française depuis deux ans, mais nous nous heurtons à un refus de l'administration sur cette question ». Tant que le décompte horaire ne sera pas effectif, le temps de travail des internes et des PH est décompté en demi-journée. Mais le SNPHARE souligne un problème sur le décompte en demi-journée pour les gardes de 24 heures lesquelles ne comptent que pour quatre demi-journées : « Nous bataillons depuis 2003 pour la 5e demi-journée pour les gardes de 24 heures. Actuellement, il y a 4 demi-journées décomptées dans une garde de 24 heures. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi 10 demi-journées représentent 48 heures, et une garde de 24 heures ne compte que pour quatre demi-journées. Logiquement une garde de 24 heures devraient représenter 5 demi-journées. Si l'on passe un week-end en garde, logiquement cela devrait être compté comme 48 heures de travail, mais actuellement cela ne compte que pour 8 demi-journées. »

Dérogation pour les soins critiques

À noter : toutes les spécialités ne sont pas à la même enseigne, en termes de décompte du temps de travail. Les urgentistes sont passés à 39 heures de temps de travail clinique, et les spécialités de soins critiques (réanimation, anesthésie-réanimation, maternité...), par dérogation, peuvent signer des accords sur le temps de travail : « Concernant le décompte du temps de travail, il y a dérogation pour les services de réanimation, anesthésie, maternités... En somme tous les soins critiques. C'est une dérogation qui prévoit un accord entre la direction et le service, pour effectuer un certain nombre d'heures par semaine en temps continu. Mais ces accords sont au bon vouloir du directeur, et ceux qui signent ces accords ne sont pas aux 39 heures mais la plupart du temps au 48 heures. » En attendant que l'ensemble des PH et des internes soient en temps continu, le SNPHARE revendique donc la 5e demi-journée par garde de 24 heures : « Mais tant que nous n'aurons pas le temps continu pour tout le monde, il faut au moins que nous ayons la 5e demi-journée. Pour le ministère de la Santé, la 5e demi-journée est trop onéreuse et couterait 180 millions d'euros. Le problème c'est que dans les faits il y a déjà des arrangements de gré à gré dans les établissements pour récupérer cette 5e demi-journée. Donc l'officialisation de cette mesure coûterait beaucoup moins, puisqu'elle est déjà en partie effective. Qui plus est, quand les PH passent en temps continu, leur 5e demi-journée est compté... »

Seuls 23% des internes aspirent à une carrière hospitalière

Le SNPHARE a plaidé sa cause au ministère de la santé en mai dernier, mais le cabinet leur a répondu qu'ils attendaient la réponse du Conseil d'État à la suite de la mise en demeure de l'Isni sur le décompte horaire du temps de travail. À moins bien sûr que cette grève éclair des internes ne fasse bouger les lignes : « Souvent les jeunes font plus peur que les plus vieux, on pense que les vieux ne bougeront pas et resteront à l'hôpital. Par ailleurs, un récent sondage de l'Isni établit que seulement 23% des internes aspirent à une carrière hospitalière. »

Un défaut d’attractivité qu’Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et Jeunes Médecins ne manquent pas de relever. « A ceux qui affichent la qualité de vie au travail, nous proposons juste la qualité de vie des internes et des praticiens autour d’un principe juste, équitable et égalitaire : celui de la reconnaissance du temps de travail qui doit immédiatement être décompté à l’Hôpital Public pour être enfin valorisé à sa juste valeur, écrivent-ils dans leur communiqué. Cet élément est la base de l’expression de la démocratie sanitaire que nous défendons toutes et tous au sein d’APH et de JM pour une attractivité sanitaire retrouvée ».

 

Crédit photo : Getty Images

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