Un IEC prévient la dégradation de la FEVG après traitement du cancer du sein HER+

Neil Osterweil

Auteurs et déclarations

17 juin 2021

Virtuel — Chez les femmes avec un cancer du sein précoce HER-positif traité par un régime à base d’anthracycline suivi par du trastuzumab (Herceptin), un traitement concomitant par l’inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II (IEC), le lisinopril, peut concourir à prévenir le déclin de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) en dessous de 50%, selon une nouvelle étude présentée à l’ASCO 2021 (Abstract 509).

Parmi les patientes du bras anthracycline, le traitement par lisinopril, mais ni celui par carvedilol, ni le placebo, a été associé à une protection significative contre le déclin de la FEVG, a rapporté le Dr Pamela N Munster (Helen Diller Family Comprehensive Center) de l’Université de Californie (San Francisco) et principale investigatrice de l’étude.

Rationnel de l’étude

Bien que l’inhibition HER2 soit une stratégie thérapeutique très efficace pour les patientes avec des tumeurs HER2+, les atteintes cardiaques de type insuffisance cardiaque clinique et chute de la FEVG peuvent conduire à l’interruption du traitement ou à une prise en discontinue, notent les auteurs.

L’équipe de chercheurs américains a donc mené un essai prospectif randomisé pour savoir si la cardiotoxicité associée au trastuzumab pouvait être atténuée par l’usage concomitant soit d’un IEC, soit d’un bêta-bloquant.

Ils ont inclus des femmes avec un cancer du sein précoce HER2+ issus de 172 centres oncologiques en dehors des hôpitaux (community-based).

Les patientes ont été randomisées pour recevoir un régime à base d’anthracyclines ou non, suivi par une année de trastuzumab, puis randomisés à nouveau pour recevoir soit du lisinopril, carvédilol ou un placebo concomitamment au trastuzumab.

La toxicité des patientes a été évaluée toutes les 12 semaines par ventriculographie radio-isotopique (MUGA) et une échocardiographie. La cardiotoxicité était définie par une décroissance absolue de la FEVG >50 % de 10% ou plus, ou d’au moins 5% sous les 50% à l’inclusion.

Pas d’impact important du trastuzumab

Les investigateurs ont noté que toutes les patientes de l’étude ont observé une petite baisse bien que cliniquement non pertinente de la FEVG pendant le traitement par trastuzumab, et que ce déclin n’était pas significativement amélioré par aucune des interventions.

Forte cardiotoxicité des anthracyclines

En revanche, parmi 424 femmes avec un cancer du sein précoce HER-positif recevant toutes du trastuzumab, le taux de déclin de la FEVG sous 50% était de 21,4% parmi les patientes qui avaient reçu un traitement à base d’anthracyclines, par comparaison aux 4,1% des patients ayant reçus un autre type de chimiothérapie.

« Les résultats de cette étude suggère que la baisse de la FEVG sous 50% ou sous la normale était bien plus importante que ce qui a été précédemment rapporté dans les groupes avec de l’anthracycline », a expliqué le Dr Munster dans une vidéo de présentation d’une session de poster à l’ASCO 2021 (Abstract 509).

T + anthracyclines : effet protecteur du lisinopril sur le déclin de la FEVG sous 50%

Parmi les patientes qui ont reçu une anthracycline, seulement 10,8% de celles randomisées pour recevoir le lisinopril ont connu un déclin de leur FEVG, par comparaison au 30,5% qui ont reçu le placebo (P = 0,045).

« Par contraste, alors que le carvédilol a montré un effet préventif sur l’abaissement de la FEVG sous 50% de 22,8%, cela n’était pas significatif » indique le Dr Munster.

« Le lisinopril a été bien toléré dans ce groupe, y compris chez les patients qui n’avaient pas d’hypertension » a-t-elle commenté.

« Chez les femmes traitées dans un environnement « communautaire » qui peuvent bénéficier d’anthracyclines ou à qui les anthracyclines étaient indiquées, il devrait être anticipé que le déclin de la FEVG sous la normale puisse être plus important que ce qui a été rapporté dans d’autres groupes. Néanmoins, cela peut être prévenu par le lisinopril » a-t-elle conclu.

Pas d’impact sur la baisse ≥10 % de FEVG restant dans les valeurs normales

Des déclins de la FEVG de 10% ou plus – en restant dans une tranche de valeurs normales pour la FEVG – ont été similaires dans les deux bras de chimiothérapies et n’ont pas été affectés par le lisinopril ou le carvédilol.

Commentaires

L’intervenante invitée, le Dr Fatima Cardoso (Champalimaud Clinical Center) de Lisbonne a souligné que le nombre total d’événements de cardiotoxicité et le taux de baisse sévère de la FEVG étaient relativement bas.

Elle a aussi mentionné que les résultats étaient cohérents avec une autre analyse récente de la même cohorte par les mêmes auteurs, bien que dans une précédente analyse les investigateurs avaient trouvé que les résultats sur la survie sans cardiotoxicité étaient bons avec les deux agents, comparé au placebo, mais légèrement meilleurs avec le carvédilol (hazard ratio : à 0,49, P = 0.009) qu’avec le lisinopril (HR : 0,53, P = 0,015).

« Le lisinopril a l’effet le plus important sur la prévention du déclin de la FEVG sous 50%. Quand on regarde les courbes de la baisse de la FEVG au-delà de 10%, le carvédilol semble avoir un effet légèrement supérieur » dit-elle.

L’essai a été co-financé par :

  • SunCoast Community Clinical Oncology Programs Research Base (University of South Florida, Tampa)

  • National Cancer Institute.

Le Dr Munster a déclaré avoir des liens financiers et un rôle de consultante dans divers laboratoires.
Le Dr Cardoso a déclaré un rôle de consultante et avoir bénéficier d’un soutien financier pour ses voyages par divers laboratoires.

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre ACE Inhibitor Prevents LVEF Decline After Breast Cancer Drugs. Traduit et complété par Stéphanie Lavaud.

 

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