Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste
TRANSCRIPTION
Je voudrais partager avec vous des réflexions concernant les données récentes sur le surpoids et l’obésité en France. On a des chiffres qui viennent d’être publiés, notamment grâce à la reprise par la Ligue contre l’obésité de l’étude ObEpi.
ObEpi est une étude qui avait lieu tous les 3 ans et qui a été interrompue en 2012. Son intérêt est d’avoir une cartographie de la France en utilisant à chaque fois des méthodes similaires d’évaluation. Cela donne une idée de la prévalence de l’excès de poids à l’instant T, donc ici en 2020, mais aussi une idée de l’évolution de l’excès pondéral au cours du temps.
En 2020, selon ObEpi, près d’un adulte sur deux est en surpoids ou obèse et on dénombre 17% d’obèses en France contre 15% en 2012. Surtout, ce qui est marquant, c’est l’augmentation majeure de l’excès pondéral chez les jeunes – on a une prévalence de l’obésité qui est passée de 5% à 9% en 8 ans dans la tranche d’âge des 18-25 ans. Il y a un autre chiffre qui a beaucoup fait parler dans la presse ces derniers jours, qui est important et qu’on ne peut pas comparer pour lui-même avec le passé, parce qu’on n’avait pas de données disponibles dans les enquêtes précédentes : c’est le chiffre de l’excès de poids dans la population des jeunes enfants. Un tiers des enfants de 2 à 8 ans est en surpoids ou obèse, toujours selon ObEpi.
Au-delà des chiffres, je vais commenter et vous donner, en toute modestie, mon opinion sur les orientations à prendre pour faire face à ces données sur l’excès de poids.
L’obésité infantile : un sujet de débat
Tout d’abord il y a la question de l’obésité infantile. C’est un sujet complexe et même "chaud". Quand on regarde les avis d’experts en France, il y a des points de vue extrêmes et des discussions assez houleuses qu’on peut voir dans les médias grand public comme les médias spécialisés. Les chiffres eux-mêmes d’ObEpi sont discutés et certains considèrent que l’excès de poids de l’enfant est surestimé par cette enquête ObEpi. Ensuite, on entend certains médecins dire qu’il n’y a pas de prévention efficace contre l’obésité infantile, tout simplement parce que c’est une maladie génétique qu’on ne peut pas prévenir. Alors il est vrai qu’on n’a pas trouvé, aujourd’hui, le moyen de réduire l’excès de poids chez les enfants – il y a des expérimentations qui ont été faites et qui sont plutôt optimistes, mais ce n’est pas formellement démontré. Mais à mon avis, cela ne signifie pas que c’est impossible de réussir une telle prévention, donc la discussion reste ouverte.
Également, on peut lire de la part d’un certain nombre d’experts que l’obésité n’est pas associée à la morbi-mortalité à l’âge adulte. Sur ce point, je pense qu’il faut rester modeste dans nos affirmations, parce que lorsqu’on regarde la littérature récente, elle est contradictoire et vous pourrez trouver des données épidémiologiques sérieuses qui observent bien un surrisque de maladie cardiovasculaire et de cancer à l’âge adulte associé à l’obésité infantile. Cela relève de l’épidémiologie observationnelle et, donc, encore une fois, je pense qu’il faut rester modeste, que l’on pense que ce soit un surrisque ou non. À mon avis, c’est plus une opinion qu’une preuve scientifique, dans un sens ou dans l’autre.
Lutter à la fois contre l’obésité-maladie et la grossophobie
Si on met de côté le débat sur l’obésité de l’enfant, je pense qu’il faut, quoi qu’il arrive, s’occuper du problème. Et s’occuper de l’obésité cela ne veut pas dire lutter contre les personnes obèses, parce que souvent beaucoup de gens font la confusion. En clair, il faut s’occuper de l’obésité-maladie tout en luttant en même temps contre la grossophobie.
Concrètement, on peut émettre énormément de recommandations, mais je voudrais synthétiser trois grandes orientations :
poursuivre une politique de sensibilisation et de prévention au niveau populationnel. Je pense qu’il reste beaucoup à faire pour identifier ce qui est et ce qui n’est pas efficace pour la prévention, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant. Et je reviens juste une seconde chez l’enfant – certes, on peut dire qu’il y a une susceptibilité génétique à devenir obèse chez l’enfant, mais il ne faut pas oublier que l’obésité, notamment chez l’enfant, est particulièrement fréquente dans les couches sociales basses, donc ce n’est pas seulement la génétique qui explique ce phénomène et il y a donc probablement des choses à faire pour aider ces populations à prévenir l’obésité. Mais, là encore, c’est une opinion et il faudra le démontrer.
La deuxième orientation sur laquelle j’essaye d’insister souvent, c’est la formation. Former les médecins à identifier chez une personne à fort IMC celle qui présente une authentique maladie, c’est-à-dire un excès de masse grasse avec un retentissement pour la santé – parce que c’est ça la vraie définition de l’obésité selon l’OMS – et de distinguer cette population de celle des gens qui ont un poids élevé, mais sans retentissements et qui justifie une simple surveillance. En clair, l’excès de poids, le nombre de kilos en lui-même, n’est pas un signe de la maladie obésité – c’est un indicateur qui nécessite, ensuite, une évaluation plus rigoureuse.
Et troisièmement, pour les personnes qui sont atteintes de maladie-obésité, il faudrait proposer un projet de soins personnalisé probablement beaucoup plus tôt que ce qu’on fait actuellement. Il y a aujourd’hui des choses efficaces, peut-être pas pour retrouver un poids normal, mais, en tout cas, pour réduire l’évolution de l’obésité et surtout réduire les risques des comorbidités qui sont liées à l’excès de poids.
Voici, en toute modestie, quelques orientations. On peut tout à fait en discuter en commentaire de cette vidéo et je me ferai un plaisir de répondre à vos commentaires, idées ou questions.
Je vous remercie de votre attention, à très bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: L’obésité augmente en France selon ObéPi : comment intervenir ? - Medscape - 27 juil 2021.
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