TRANSCRIPTION
Aujourd’hui, je vais vous parler de deux études qui ont été publiées récemment sur les cancers urothéliaux au stade localisé et qui évaluaient l’intérêt d’une immunothérapie en traitement postopératoire.
Essai IMvigor010 : l’atézolizumab en adjuvant vs surveillance
La première étude, IMvigor010 , a été publiée dans le Lancet Oncology[1] et évaluait l’intérêt de l’atézolizumab (un anti PD-L1) en traitement postopératoire chez des patients avec un carcinome urothélial qui pouvait être soit un carcinome urothélial vésical, soit un carcinome du haut appareil urinaire, donc au niveau de l’uretère ou au niveau rénal.
C’était une étude de phase III assez classique avec une randomisation entre l’atézolizumab ou une surveillance – il n’y avait pas de placebo – qui intervenait après la chirurgie qui pouvait être soit une cystectomie, soit une néphro-urétérectomie. Le traitement a été donné lorsque les patients ont été randomisés dans le bras atézolizumab pour une durée d’un an. Pour être inclus, les patients devaient avoir une maladie infiltrante. S’ils avaient reçu une chimiothérapie néoadjuvante, il fallait qu’ils aient une tumeur résiduelle classée pT2-pT4 ou N+. Si, par contre, ils n’en avaient pas reçu, ils devaient avoir une maladie T3-T4 ou N+ et ne pas être éligibles à une chimiothérapie à base de cisplatine, étant donné que c’est le standard de traitement. Le critère de jugement principal était la survie sans récidive. Au total, il y a eu un peu plus de 800 patients inclus – il s’agissait majoritairement d’hommes avec des cancers de la vessie et non du haut appareil – c’était 93 % des patients. Et la plupart des patients, les trois quarts, avaient une maladie classée T3-T4, et la moitié avait une maladie avec une atteinte ganglionnaire, donc une maladie avec un très haut risque de récidive. La moitié des malades avait aussi reçu une chimiothérapie néoadjuvante, donc cela veut dire qu’ils avaient là encore une maladie qu’on peut considérer comme étant résistante à la chimiothérapie et donc avec un très haut risque de récidive.
Résultats : Malheureusement, cette étude est négative. Avec un recul d’un peu plus de 21 mois il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre le bras atézolizumab et le bras surveillance – on passait d’une survie sans récidive d’un peu moins de 17 mois à une survie sans récidive de 19 mois. Concernant la tolérance, il n’y a pas eu de mauvaises surprises. Globalement, il y avait à peu près 16 % d’effets secondaires de grade 3-4 dans le bras atézolizumab. On notera, malgré tout, qu’il y a seulement la moitié des patients qui ont reçu un traitement par atézolizumab pendant 9 à 12 mois, sachant que normalement les patients devaient le recevoir un an. Les causes d’arrêt étaient évidemment soit une récidive de la maladie, soit une toxicité – c’était 15 % des patients, donc un peu plus élevé que dans d’autres études.
Essai CheckMate 274 : le nivolumab en adjuvant vs placebo
La deuxième étude s’appelle CheckMate 274 [2] et elle évaluait le nivolumab dans exactement la même population de patients – les critères d’inclusion étaient extrêmement proches. Cette fois-ci, dans le cadre de cette étude de phase III, les patients étaient randomisés entre le nivolumab ou le placebo – le traitement était donné, là encore, pour une durée d’un an, et les critères d’inclusion en termes de maladie infiltrante étaient les mêmes – il fallait que les malades aient une maladie pT2-pT4 ou N+ s’ils avaient reçu de la chimiothérapie néoadjuvante, et s’ils n’en avaient pas reçu, il fallait qu’ils aient une maladie T3-T4 ou N+ et ne pas être éligibles à une chimiothérapie adjuvante à base de cisplatine. L’étude a inclus un peu plus de 700 patients.
Résultats : Cette étude était positive. Le critère de jugement principal de cette étude était, là encore, la survie sans récidive, mais il était double : la survie sans récidive dans la population générale et la survie sans récidive chez les patients avec une tumeur PD-L1 positive, qui était définie comme une tumeur avec plus de 1 % de cellules tumorales positives. Concernant la population incluse dans cette étude, elle était assez proche de celle de l’étude IMvigor010 – majoritairement des cancers de la vessie, des maladies T3. La moitié des patients avaient un envahissement ganglionnaire là encore, et quasiment la moitié des malades avaient aussi reçu une chimiothérapie néoadjuvante. Le suivi médian était assez similaire – 20 mois dans cette étude –, mais cette fois-ci il y avait un net avantage en faveur du nivolumab, avec une survie sans récidive dans la population générale qui passe de 10,8 mois dans le bras placebo à 20,8 mois dans le bras nivolumab – un hazard ratio à 0,70, et ce bénéfice est encore plus marqué dans la population de patients avec une tumeur PD-L1+ étant donné que le hazard ratio est à 0,55, cette fois-ci. Chose importante, il n’y a pas de dégradation de la qualité de vie des malades avec ce traitement. On n’est pas très surpris – avec l’immunothérapie, on sait que ce sont des traitements assez bien tolérés. Il y avait à peu près 18 % d’effets secondaires de grade ≥ 3. On notera quand même qu’il y a eu 2 décès toxiques sous nivolumab en rapport avec une pneumopathie, donc, vigilance.
Conclusion
Ce sont des résultats qui sont très enthousiasmants. On a un peu du mal à s’expliquer pourquoi l’étude IMvigor 010 est négative et pourquoi l’étude Checkmate 274 est positive – c’est vrai qu’on ne peut pas comparer deux études sur le plan statistique, néanmoins, l’une est positive l’autre est négative. On attendra donc avec impatience les résultats de la troisième étude ( AMBASSADOR ) qui posait la même question chez la même population de patients et qui évaluait le pembrolizumab (un anti PD-1), pour voir comment se positionneront ces molécules à l’avenir. En tout cas, ce qui reste en suspens, c’est de savoir si les autorités de santé en France accorderont une autorisation de mise sur le marché sur la seule base d’un bénéfice en survie sans récidive. À cela, je n’ai pas la réponse.
Je vous souhaite à tous un très bel été. À bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Immunothérapie en postopératoire dans le cancer urothélial : nouveaux résultats - Medscape - 20 juil 2021.
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