Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste
Le remboursement de la boucle fermée est imminent en France. Quels sont les défis auxquels devront faire face les diabétologues à l’arrivée de cette nouvelle technologie ?
TRANSCRIPTION
Je vais vous parler aujourd’hui, non pas d’une révolution, mais plutôt d’une évolution significative dans le traitement et le suivi des patients diabétiques. Au cours des 5 dernières années, nous avons assisté, dans le monde entier, au développement accéléré de la boucle fermée ou de ce que certains appelle peut-être un peu abusivement le « pancréas artificiel ». Il est aujourd’hui disponible même s’il faudra attendre encore un peu de temps pour que tous les diabétiques puissent y avoir accès.
Pour rappel, la boucle fermée est un dispositif qui comporte 1) un capteur de glucose qui évalue la glycémie en continu, 2) une pompe à insuline qui délivre en continu de l’insuline et 3) entre les deux un algorithme qui, à partir des données de glycémie et de l’évolution prédite de la glycémie, va ajuster la délivrance d’insuline de façon automatique. Cependant ces dispositifs ne savent pas gérer automatiquement les bolus d’insuline qui doivent être provoqués et calculés par les patients lors des repas et des encas.
Aujourd’hui il y a 4 dispositifs développés qui sont ou vont être bientôt disponibles. Je ne vais pas détailler chacun de ces dispositifs, mais simplement résumer, selon les études cliniques, ce qu’ils apportent et vous donner mon opinion sur la place qu’ils devraient avoir. À mon avis il y a un défi pour nous diabétologues… Et si j’ai choisi d’en parler maintenant, c’est parce qu’on attend en France, de façon imminente ― et c’est peut-être déjà le cas lorsque vous regarderez cette vidéo ― le remboursement de Diabeloop, le dispositif de boucle fermée conçu en France.
Quand on regarde l’ensemble des études cliniques, ont été inclus tout d’abord des diabétiques de type 1 traités par insuline et qui avaient des hémoglobines glyquées de 7,5, voire 8% en moyenne, donc ce n’étaient pas les patients diabétiques les plus déséquilibrés. Qu’observe-t-on ?
Il y a de façon constante une augmentation du pourcentage de temps passé dans la cible glycémique. Initialement, les patients étaient entre 50-60% de temps passé dans la cible et on voyait une augmentation de l’ordre de cing, sept, voire 10% de ce temps passé dans la cible.
Certaines études, les plus longues, montrent un impact sur l’hémoglobine glyquée. Il y a une baisse de l’ordre de 0,3%. Cela peut paraître peu, mais rappelons qu’il s’agit de patients qui ne sont pas trop mal équilibrés et on sait que plus un patient est proche d’un bon équilibre glycémique, plus il est difficile d’être encore « meilleur » sur l’hémoglobine glyquée.
Mais surtout cette amélioration se fait en même temps qu’une baisse des hypoglycémies. On sait qu’habituellement, plus on va vers un bon équilibre glycémique, plus on augmente le risque d’hypoglycémies. Or ce n’est pas le cas dans les études sur la boucle fermée.
On a également des études en vie réelle qui commencent à paraître, et notamment avec Diabeloop sur 6 mois, avec 25 patients DT1. L’étude montre des résultats similaires à ce que je viens de décrire. Il y a une bonne observance, une bonne continuité dans l’utilisation de la boucle puisqu’un seul patient dans cette étude en vie réelle a renoncé au dispositif au bout de quelques semaines.
Quid de l’impact psychologique de l’utilisation, au quotidien, de cette « machine »? Dans les études, l’impact est globalement favorable.
Quelle place pour ces dispositifs ?
Il faut d’abord préciser que le remboursement, qui est imminent en France, sera uniquement pour les patients diabétiques de type 1 avec une l’hémoglobine glyquée au-delà de 8% et qui ont déjà été éduqués avec une pompe à insuline au moins pendant 6 mois. On voit donc que ce n’est pas la population la plus étudiée, probablement pour des raisons économiques, et qu’au aujourd’hui on veut le limiter à ceux qui sont les moins équilibrés et chez lesquels le bénéfice peut être le plus important.
Je pense que cette évolution a des avantages, mais attention, elle risque de créer un clivage entre 2 catégories de patients. On voit bien que pour utiliser la boucle fermée il faut apprendre à gérer la machine, les alertes ― notamment la nuit. Bref, il faut être éduqué et aujourd’hui tout le monde n’a pas accès à cette éducation thérapeutique. On va avoir d’un côté des patients DT1 qui s’informent, qui s’auto-éduquent, qui sont même lassés d’attendre l’arrivée de ces dispositifs, et qui sont même parfois organisés pour la fabriquer de façon artisanale ― des milliers de patients dans le monde utilisent déjà depuis quelque temps la boucle fermée en s’aidant les uns et les autres avec des technologies qui n’ont pas été validées ou vérifiées sur le plan de la sécurité. De l’autre côté, on va avoir des patients qui n’ont pas accès à cette technologie, à cette éducation, à cet auto-apprentissage et qui suivent « simplement » la prescription de leur diabétologue. Je pense donc qu’il y a aujourd’hui un défi parce qu’éthiquement on doit pouvoir proposer à tous les patients qui pourraient le justifier un système de boucle fermée et nous devons, nous diabétologues, nous former. Or je pense que la formation continue n’est absolument pas à la hauteur pour la formation à ces nouvelles technologies. On arrive à avoir des populations de patients DT1 qui savent mieux que leur diabétologue comment fonctionnent ces outils desquels ils pourraient bénéficier. Donc cette formation des médecins n’est pas suffisante selon moi, et si on ne la fait pas, nous aurons des diabétologues qui ne pourront pas orienter leurs patients vers ces projets de soins avec ces nouvelles technologies ou qui ne pourront pas les suivre.
Le message est donc : formons-nous rapidement pour aider au mieux nos patients.
Merci de votre attention, et à bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Remboursement imminent de Diabeloop : les défis à relever - Medscape - 7 juil 2021.
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