HTA résistante: la dénervation rénale par ultrasons focalisés abaisse la PAS dans RADIANCE-HTN TRIO

Aude Lecrubier, Mitchel L. Zoler

Auteurs et déclarations

7 juin 2021

Virtuel —Chez des patients souffrant d'hypertension pharmacorésistante, la dénervation rénale par ultrasons focalisés a abaissé significativement de 4,5 mm Hg de la pression artérielle systolique diurne par rapport à une procédure factice (sham), selon l’étude internationale RADIANCE-HTN TRIO. Ces résultats ont été présentés au congrès de l’ACC 2021 et ont fait l’objet d’une publication, le 16 mai 2021, dans The Lancet [1,2,3]. Ces résultats vont-ils relancer l’intérêt pour cette procédure ? Les avis sont partagés.

Dans cette étude, menée par le Pr Michel Azizi (chef de service du centre d’excellence en hypertension artérielle de l’hôpital européen Georges-Pompidou et coordonnateur du CIC1418 APHP-Inserm-Université de Paris) en collaboration avec une start-up américaine (ReCor Medical), la dénervation rénale par voie endovasculaire a consisté à interrompre l’activité électrique des nerfs du système nerveux sympathique à destinée rénale en délivrant des ultrasons focalisés par l’intermédiaire d’un cathéter.

La procédure

En tout 136 patients ont été inclus dont 80% d’hommes avec un âge moyen de 52 ans. Les participants avaient une pression artérielle d'au moins 140/90 mm Hg alors qu’ils recevaient au moins trois antihypertenseurs, y compris un diurétique. Plus précisément, ils avaient une pression moyenne mesurée en cabinet d'environ 162/104 mm Hg malgré le fait qu’ils recevaient en moyenne quatre médicaments. Notons, que seulement un tiers environ des participants étaient sous traitement avec un antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM) comme la spironolactone.

Au moment de l’inclusion dans l’étude et 4 semaines avant leur procédure de dénervation, tous les patients sont passés à un schéma thérapeutique uniforme composé d'un seul comprimé oral quotidien contenant de l’amlodipine, du valsartan ou de l’olmésartan et le diurétique hydrochlorothiazide sans autre traitement médicamenteux autorisé, sauf dans des circonstances cliniques inhabituelles et pré-spécifiées. Tous les patients sont restés sous ce régime médicamenteux pendant la période de suivi initiale de 2 mois à moins que leur tension artérielle ne dépasse 180/110 mm Hg.

Après la période d’un mois de « run in », les patients ont été randomisés pour la dénervation rénale par ultrasons ou pour une intervention « factice » dite sham consistant en une artériographie diagnostique. L’étude a été réalisée en double aveugle.

Pourquoi les ultrasons plutôt que la radiofréquence ? Pour le Dr Ajay J. Kirtane, cardiologue interventionnel au NewYork-Presbyterian / Columbia University Irving Medical Center, la procédure par ultrasons exerce un effet plus uniforme, permettant une administration efficace du traitement sans avoir besoin de repositionner le cathéter dans les branches plus distales des artères rénales. Mais chaque méthode a ses avantages, a-t-il ajouté.

Une différence moyenne de PAS de 4,5 mmHg

Après deux mois de suivi, les résultats de l’étude montrent que :

  • la pression systolique ambulatoire diurne a été réduite de 8 mmHg dans le groupe dénervation alors qu’elle n’a été réduite que de 3 mmHg dans le groupe « sham », soit une différence cliniquement pertinente de 4,5 mmHg en faveur de la dénervation rénale.

  • 67% des patients traités par dénervation rénale ont eu une réduction ≥ 5 mmHg contre 42% dans le groupe « sham ».

  • 38% des patients non contrôlés par le traitement antihypertenseur à la randomisation ont eu leur pression artérielle normalisée deux mois après la dénervation rénale tout en conservant le même traitement médicamenteux.

  • Il n’y a eu qu’une seule complication réversible (pseudoanévrisme) au niveau de la ponction sur l’artère fémorale.

« Les patients ayant une HTA résistante, c’est-à-dire en échec thérapeutique malgré la prise correcte des médicaments antihypertenseurs, sont ceux les plus à risque d’avoir une complication de l’HTA. Le maintien à long terme de la réduction tensionnelle après une procédure de dénervation rénale aurait des conséquences bénéfiques en termes de réduction des évènements cardiovasculaires et cérébrovasculaires chez ces patients. Le suivi à 6, 12 et 36 mois est en cours et donnera des indications sur le maintien à distance de la baisse tensionnelle. Ces nouveaux résultats positifs avec ceux obtenus dans l'HTA légère à modérée, démontrent que la dénervation rénale abaisse la pression artérielle dans tout le spectre de l'HTA. Néanmoins, il existe une variabilité interindividuelle de la réponse sur laquelle nous travaillons », a indiqué le Pr Michel Azizi dans un communiqué de presse de l’AP-HP [3].

 
Le suivi à 6, 12 et 36 mois est en cours et donnera des indications sur le maintien à distance de la baisse tensionnelle.
 

Quelle signification clinique ?

« La dénervation rénale était un concept brûlant il y a quelques années, mais n'avait été testée que dans des études sans sham », et les tests initiaux utilisant des procédures sham n'ont pas montré de bénéfice significatif de l'intervention, a indiqué le Dr Deepak L. Bhatt (cardiologue interventionnel et professeur de médecine à la Harvard Medical School de Boston) qui n'a pas participé à l'étude. Dans cette étude, les réductions significatives de la pression artérielle systolique rapportées avec la dénervation rénale, par rapport aux patients témoins, « sont crédibles » en raison de l'inclusion d'une véritable cohorte témoin (sham), a-t-il ajouté. « Ces résultats vraiment enthousiasmants remettent clairement la dénervation rénale dans la course », a commenté le Dr Bhatt lors d'un point de presse.

 
Ces résultats vraiment enthousiasmants remettent clairement la dénervation rénale dans la course. Dr Deepak L. Bhatt
 

Le Dr Bhatt a ajouté que, si la réduction de 4,5 mm g de la PAS par rapport aux patients témoins – le critère principal de l'étude – peut sembler modeste, « dans le monde de l'hypertension, il s'agit d'une réduction significative » qui , si elle est maintenue sur le long terme, devrait induire une baisse des événements cardiovasculaires tels que l'insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux et l'infarctus du myocarde.

« La question est de savoir si les effets sont durables », a souligné le Dr Bhatt, qui a participé au premier essai contrôlé avec procédure sham sur la dénervation rénale, SYMPLICITY HTN-3.  Cet essai, qui a utilisé les radiofréquences pour la dénervation, n'a pas réussi à montrer une réduction significative de la pression artérielle par rapport à une procédure factice. En revanche, l'essai SPYRAL HTN-OFF MED Pivotal plus récent, qui a utilisé un cathéter radiofréquence différent et une procédure sham a montré un effet significatif sur la réduction de la pression artérielle systolique.

L’analyse critique du Dr Mandrola

Dans un éditorial publié sur Medscape.com, le Dr John Mandrola, cardiologue à Louisville, Etats-Unis, se montre plus sceptique et insiste sur le fait « qu’une réduction de la tension artérielle systolique (PAS) de 4,5 mm Hg n'est pas suffisante pour justifier une procédure invasive ».

 
Qu’une réduction de la tension artérielle systolique (PAS) de 4,5 mm Hg n'est pas suffisante pour justifier une procédure invasive. Dr John Mandrola
 

La question est de savoir si une baisse supplémentaire de 4,5 mm Hg par rapport à la tension artérielle systolique initiale de 150 à 155 mm Hg entraînera une réduction des événements CV.

La méta-analyse la plus récente colligeant les données de plus de 344 000 patients provenant de 48 essais randomisés évaluant des médicaments hypotenseurs a révélé qu'une réduction de 5 mm Hg de la PAS réduisait le risque d'événements cardiaques d'environ 10% en termes relatifs.

« Cela semble important, mais la réduction du risque absolu variait de 3,7 à 6,0 événements en moins pour 1000 patients-années. C'est une petite différence », insiste-il.

Un autre point préoccupant, selon l’éditorialiste, concerne le mécanisme d'abaissement de la PAS. La dénervation rénale fonctionne probablement par la réduction de l'activité sympathique. Les β-bloquants réduisent également la pression artérielle et les effets sympathiques, mais comparés à d'autres agents antihypertenseurs, ils « ont une protection nettement moins importante contre les accidents vasculaires cérébraux et la mortalité globale ».

Enfin, et peut-être le plus important, l'ajout d'un diurétique générique, tel que la spironolactone ou l'amiloride, pourrait entraîner des réductions similaires de la PAS chez les patients souffrant d'hypertension résistante.

« Avant de soumettre ces patients à une procédure invasive, pourquoi ne pas prescrire un comprimé bon marché ? », interroge-t-il.

 
Avant de soumettre ces patients à une procédure invasive, pourquoi ne pas prescrire un comprimé bon marché ? Dr John Mandrola
 

Il insiste enfin sur le fait que le suivi de deux mois était très court et que l'hypertension vraiment résistante est très rare en soulignant qu’il a fallu 4 ans pour recruter 136 patients dans 53 centres.

RADIANCE-HTN TRIO a été sponsorisé par ReCor Medical, la société développant le cathéter à ultrasons testé. Le Dr Kirtane a reçu des frais de voyage et de repas de ReCor Medical et de plusieurs autres sociétés. Le Dr Bhatt n'a aucune relation avec ReCor Medical. Il a été consultant et a reçu des honoraires de K2P, Level Ex et MJH Life Sciences; il a été conseiller de Cardax, Cereno Scientific, Myokardia, Novo Nordisk, Phase Bio et PLx Pharma; et il a reçu des fonds de recherche de nombreuses entreprises.

Le Pr Azizi a des liens d’intérêt avec Novartis, CVRx, Servier.

 

 

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