La HAS donne son feu vert au vaccin Pfizer/BioNTech à partir de 12 ans

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

3 juin 2021

France — Dans les pas de l’Agence européenne du médicament (EMA), la Haute Autorité de Santé (HAS) s’est prononcée en faveur d’une vaccination des enfants de 12 à 15 ans avec le vaccin Pfizer/BioNTech. Plus de 3 millions 200 000 d’adolescents seraient concernés à partir du 15 juin.

« Le rapport bénéfice-risque du vaccin dans cette tranche d’âge est important. Il y a à la fois un bénéfice individuel et collectif à vacciner les adolescents. Aujourd’hui, les risques induits par les variants à plus fort degré de contagiosité ne donnent pas de raison d’attendre », a commenté le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS lors de la conférence de presse de présentation de l’avis [1].

En pratique, la HAS recommande « de vacciner très rapidement les adolescents qui présentent une comorbidité et ceux dans l'entourage de personnes immunodéprimées, puis de vacciner les adolescents en bonne santé dès lors que la vaccination de la population adulte sera suffisamment avancée ».

Comme pour les adultes, la HAS préconise désormais la réalisation d’un test sérologique rapide (TROD) au moment de la première injection de vaccin afin de détecter toute infection à SARS-CoV-2 qui serait passée inaperçue. En cas de test positif, la deuxième injection ne sera pas réalisée.

Pourquoi vacciner les adolescents ?

Pourquoi vacciner les adolescents alors qu’ils sont souvent asymptomatiques et à faible risque de formes graves de Covid-19 ?

Selon la HAS, les bénéfices que peuvent apporter la vaccination des adolescents sont à la fois individuels et collectifs.

Au niveau individuel, la HAS indique que si elles sont rares, des formes sévères de Covid-19 peuvent survenir chez les adolescents, et particulièrement chez ceux qui ont des comorbidités.

Les données épidémiologies disponibles montrent qu’en France, 4 295 hospitalisations et 737 admissions en soins critiques ont été répertoriées depuis mars 2020 chez les moins de 18 ans (1,1% du total des hospitalisations et 0,9% du total des admissions en soins critiques). La majorité de ces formes sévères sont survenues en présence d'une comorbidité comme l’obésité, le diabète ou l’immunodépression (entre 45 à 75% des cas selon les études).

Aussi, à ce jour en France, 558 syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques (SIMP) ont été signalés chez des enfants dont quelques adolescents.

Un autre bénéfice individuel sur lequel la HAS insiste concerne les aspects psychologiques et sociaux. « Eviter les fermetures de classes et d'établissements permettrait de préserver la santé mentale des adolescents et d’éviter les ruptures d'apprentissage ».

Par ailleurs, la vaccination des adolescents peut aussi présenter un bénéfice indirect quand elle permet de protéger leurs proches immunodéprimés ou vulnérables.

Enfin, le bénéfice attendu est collectif car « si le rôle des adolescents dans la transmission paraît plus faible que celui des adultes, il n'est toutefois pas nul et dépend lui-même de la circulation virale » et notamment de la transmissibilité des variants.

Interrogée sur la raison pour laquelle cette recommandation avait été prise rapidement, le Pr Le Guludec a indiqué que « s’il n’y avait aucun variant préoccupant, nous aurions eu plus de temps » et que face à la menace de variants plus transmissibles, il était important d’obtenir un niveau de couverture vaccinale élevée et dans le même temps de s'assurer que ce niveau est homogène entre les différents groupes de population (âge et territoire), « qu’il n’y ait pas de poches d’activité virale importante ».

Quel rapport bénéfice-risque ?

Afin d'apprécier l'efficacité du vaccin chez les adolescents âgés de 12 à 15 ans, la HAS a pris en considération les éléments suivants :

  • La réponse humorale robuste induite par 2 doses de vaccin Comirnaty® chez des sujets âgés de 12 à 15 ans, avec ou sans antécédent d'infection par le SARS-CoV-2.

  • L'efficacité vaccinale de 100% sur les cas de Covid-19 symptomatiques et confirmés par PCR à partir du 7ème jour après la fin de la vaccination.

  • Les données satisfaisantes de tolérance obtenues chez 2 260 adolescents âgés de 12 à 15 ans, suivis sur une période médiane de 2 mois : la plupart des évènements indésirables rapportés consistaient en des manifestations locales (douleur au point d'injection) ou des symptômes généraux (fatigue, céphalée, frissons, douleurs musculaires, fièvre) et étaient généralement d'intensité légère à modérée.

  • Les données de pharmacovigilance françaises.

  • Les analyses en cours menées par l'Agence Européenne du Médicament concernant les cas signalés de myocardite.

Interrogée par Medscape édition française sur le signal de myocardites en lien avec le vaccin Comirnaty, provenant notamment d’Israël (voir encadré), le Pr Le Guludec a rappelé que l’EMA n’avait pas encore rendu d’avis sur une éventuelle imputabilité du vaccin et que les données émanant des Etats-Unis et du Canada étaient suivies de près.

Elle a par ailleurs précisé qu’il s’agissait d’un phénomène très rare. D’après les données disponibles, l’incidence de myocardite après vaccination Comirnaty serait de 0,8 à un peu plus de 2 par million de personnes vaccinées en fonction de l’âge alors que selon les estimations, la vaccination permettrait d’éviter 20 à 30 hospitalisations pour 100 000 adolescents vaccinés. Enfin, elle a souligné que les adolescents pouvaient, comme les adultes, souffrir de Covid long.

 
La vaccination permettrait d’éviter 20 à 30 hospitalisations pour 100000 adolescents vaccinés.
 

275 cas de myocardites signalés en Israël

Selon l’agence Reuters, en Israël, 275 cas de myocardite ont été signalés entre décembre 2020 et mai 2021 parmi plus de 5 millions de personnes vaccinées. Ces données proviennent d’une étude demandée par le ministère de la santé israélien.
La plupart des patients qui ont souffert de myocardite n'ont pas passé plus de quatre jours à l'hôpital et 95% des cas ont été classés comme bénins, selon l'étude, qui, selon le ministère, a été menée par trois équipes d'experts. L'étude a révélé « qu'il existe un lien probable entre la réception de la deuxième dose (de Pfizer) du vaccin et l'apparition d'une myocardite chez les hommes âgés de 16 à 30 ans » ; un lien observé davantage chez les hommes de 16 à 19 ans que dans les autres tranches d'âge.

Notons que la semaine dernière, Gregory Genov, directeur de la pharmacovigilance à l’EMA indiquait « à ce stade, nous ne voyons pas une augmentation des cas rapportés dans le cadre de la vaccination par rapport à ce qui est attendu dans la population générale ».

Des questions en suspens

Parmi les points qui restent à éclaircir, la HAS a indiqué que l'efficacité du vaccin chez les adolescents restait à confirmer contre les formes sévères, en particulier les formes avec hospitalisation et décès, qui étaient absentes des essais, du fait de la rareté de ces évènements chez les adolescents, ainsi que plus spécifiquement sur le syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique ou sur le Covid long. Aussi, l'efficacité sur la transmission virale n'a pas été évaluée dans les essais.

La HAS encourage donc la mise en place d'études post-autorisation, notamment concernant les enfants et adolescents atteints de comorbidités ou dans l'entourage d'une personne immunodéprimée, et d'une étude de suivi de l'évolution de nouvelles souches, notamment chez les patients infectés après vaccination. La HAS suivra en outre les données de pharmacovigilance avec attention.

Comme tous les avis de la HAS, cet avis sera revu en fonction de l'évolution des données disponibles. Aussi, concernant une éventuelle extension d’indication aux enfants plus jeunes, le Pr Le Guludec a indiqué que les études cliniques étaient en cours que la HAS ne prendrait une décision qu’après que l’EMA et l’ANSM aient rendu leurs avis.

Vacciner en milieu scolaire ?

Il y a quelques jours, le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, plaidait pour que la vaccination des adolescents ait lieu dans les collèges. De même, la HAS indique « qu'en complément de la mobilisation des acteurs habituels (médecins, pharmaciens, infirmiers...), une vaccination en milieu scolaire pourra aider au succès de la campagne vaccinale chez les adolescents ». « Tous les acteurs doivent intervenir. Pour atteindre certains adolescents, il sera utile d’avoir des équipes mobiles dans les collèges et les lycées qui soient en appui des médecins scolaires », a commenté la présidente de la HAS qui précisé que pour tout mineur, un consentement parental serait évidemment nécessaire.

Retrouvez les dernières informations sur les vaccins anti-COVID-19 dans le Centre de ressource Medscape dédié Vaccin anti Covid-19

 

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