Le numéro d’appel unique pour les urgences ne fait pas l’unanimité

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

3 juin 2021

Paris, France — La proposition de loi Matras a été adoptée en première lecture le 27 mai dernier. Elle institue l’expérimentation d’un numéro d’appel unique pour les urgences médicales, communes aux services d’urgence et aux sapeurs-pompiers, rejetée en bloc par les hospitaliers.

Sur ce même sujet, lire aussi  Les urgentistes ne veulent pas d’un numéro unique : ils expliquent pourquoi. Les Prs Agnès Ricard-Hibon (SFMU) et François Braun (Samu-Urgences de France) y dévelopent leurs arguments.

Le numéro unique ne fait pas l’unanimité

Les hospitaliers sont furieux. En cause : l'adoption d'une proposition de loi sur la "valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers", dite loi Matras, en première lecture à l'Assemblée nationale le 27 mai dernier. Ce n'est pas tant la proposition de loi dans sa globalité qui hérisse le poil des hospitaliers, que son article 31. Ce dernier stipule : « Le 112 est le numéro unique pour les appels d'urgence. » Et détaille : « Un décret fixe les modalités de mutualisation des dispositifs de traitement des appels d’urgence des services d’incendie et de secours avec les centres départementaux d’appels d’urgence recevant le numéro 112, les centres de réception et de régulation des appels des unités participant au service d’aide médicale urgente, ainsi que les dispositions transitoires nécessaires à leur mise en place. »

Expérimentation sur trois ans

Il est question, selon les explications apportées par les députés à cet article, de « l'institution de plateformes communes de régulation entre les SIS et les services d'aide médicale d'urgence ». La mise en place du numéro unique serait expérimentée sur trois ans et engloberait l'accès aux SIS (services d’incendie et de secours), aux services de police et de gendarmerie, ainsi qu'aux services médicaux d'urgence. Et c'est là que le bât blesse. Dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche du 22 mai, Samu Urgences de France et 250 autres signataires « s'opposent à l'instauration du 112 comme numéro unique de réponse aux appels d'urgence ». Pour quelles raisons ? « Nous tenons à alerter sur le fait que consacrer le 112 comme numéro d'appel d'urgence unique pour tous les services reviendrait à faire le choix d'une réponse à la fois moins efficace voire dangereuse et plus coûteuse pour le contribuable. »

Régulation médicale

Car en France, « il n'y a pas parmi les pompiers de médecins qualifiés qui assurent la régulation médicale des appels ». Les signataires de cette tribune craignent qu’, en l'absence de régulation médicale, une ambulance soit systématiquement envoyée après un appel, ce qui « reviendrait à gaspiller des moyens, alors même que les ressources sont limitées ». Aussi, les hospitaliers craignent que cela n'encombre inutilement les services d'urgences.

Qui plus est, la mise en place du numéro unique va à l'encontre de l'instauration du service d'accès aux soins (SAS). Expérimenté depuis janvier 2021 sur 22 sites, le SAS permet une réponse commune de la médecine de ville et des SMUR aux situations d'urgence.

« Nous rappelons avec force qu'un numéro unique 112 est incompatible avec le grand projet de réorganisation des soins en cours de déploiement dans les territoires : le service d'accès aux soins (SAS). Plateforme de régulation médicale d'urgence, regroupant médecins urgentistes et généralistes, le SAS poursuit un seul objectif : apporter à tous les patients qui le sollicitent pour une urgence de santé, vitale ou non, des soins adaptés à leur problème. Seul un médecin est capable de définir avec l'appelant la gravité de la situation médicale », rappellent les signataires de la tribune.

Deux numéros d’appels distincts

Eux plaident pour la création de deux numéros d'appels, l'un destiné à la médecine de ville et aux Smur, l'autre destiné aux pompiers.

« Conscients de nos responsabilités envers la société, nous demandons :

  • La généralisation des plateformes santé SAS sur tout le territoire national pour recevoir les appels 'urgences santé' au plus tard en 2022.

  • L'attribution d'un numéro de téléphone commun 'urgences santé' pour toutes les urgences médicales et les demandes de soins non programmés, distinct du numéro pour les secours 'police-gendarmerie' et 'sapeurs-pompiers'.

  • L'interconnexion de la plateforme 'service d'accès aux soins' et de la plateforme 'secours' dans un souci de synergie, de complémentarité et de sécurité."

Quid de la médecine libérale ?

Abondant dans le sens de cette tribune, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a publié un communiqué de presse, appelant à prioriser l'expérimentation des services d'accès aux soins (SAS) : « Les expérimentations actuelles de services d'accès aux soins, diverses dans leurs propositions et leurs organisations, doivent aller à leur terme avant que les décisions définitives ne soient adoptées. » Seulement, pour la CSMF, cette régulation des urgences et des soins non programmés doit être le fait de la médecine libérale : « La CSMF réaffirme son attachement à une identification claire de l'accès à un médecin de ville pour la population française. Cela passe par une régulation libérale, qui existe déjà pour la permanence des soins ambulatoires la nuit et le week-end, dans des formes diverses et adaptées à chaque département. Cela doit s'étendre en journée dans le cadre du service d'accès aux soins. Cette régulation organisée par les médecins libéraux doit rester sous la responsabilité de la médecine libérale, et doit pouvoir être délocalisée chaque fois que les médecins de terrain le souhaitent. »

Source photo : Getty Images

 

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