Amsterdam, Pays-Bas—L’Agence européenne des médicaments (EMA) s’est prononcée en faveur de trois nouvelles AMM pour des traitements de maladies rares. Il s’agit d’un traitement de l'obésité liée à des mutations génétiques rares, d’un traitement de la cholestase intrahépatique familiale progressive (PFIC) et de la première thérapie génique pour traiter les enfants atteints d'adrénoleucodystrophie cérébrale (CALD), une maladie neurologique héréditaire rare grave [1,2,3].
Nouveau traitement de l'obésité liée à des mutations génétiques rares
L'EMA a rendu un avis positif pour Imcivree® (setmelanotide) afin d’aider à la perte de poids et à la prise en charge des patients d’au moins 6 ans souffrant d'une obésité en lien avec les maladies génétiques rares suivantes : déficit en pro-opiomélanocortine (POMC) – y compris un déficit en proprotéine convertase subtilisine / kexine de type 1 (PCSK1) – et déficit en récepteurs de leptine (LEPR) chez l'adulte et l'enfant. Ces troubles doivent être confirmés par des tests génétiques avant tout début de traitement.
Les déficits en POMC, PCSK1 ou LEPR affectent la voie des récepteurs de la mélanocortine 4 (MC4R) qui est responsable de la transmission des signaux de faim et de satiété. Les patients souffrant de ces carences ont continuellement faim et deviennent gravement obèses tôt dans la vie – souvent dès la petite enfance. Ces maladies sont extrêmement rares. Moins de 50 patients avec un déficit en POMC, 90 avec un déficit en LEPR et 50 avec un déficit en PCSK1 ont été rapportés dans le monde à ce jour.
Le setmelanotide agit en activant cette voie cérébrale qui contrôle l'appétit et la sensation de satiété.
L’avis de l’EMA repose principalement sur deux études qui ont inclus 21 participants. Au cours des études, 80% des patients atteints de POMC et 45,5% des patients LEPR ont atteint au moins 10% de perte de poids après environ un an de traitement.
Les effets indésirables les plus fréquemment observés dans les essais cliniques étaient des réactions au site d'injection, un assombrissement de la peau, des nausées et des maux de tête.
Premier traitement pour une maladie hépatique rare
L'EMA a aussi donné son feu vert à l’autorisation de mise sur le marché de Bylvay® (odevixibat) pour le traitement de la cholestase intrahépatique progressive familiale (PFIC) chez les patients âgés de 6 mois ou plus.
La PFIC est une maladie hépatique rare et potentiellement mortelle liée à l'accumulation de bile dans les cellules hépatiques. Les symptômes se développent généralement au cours de la petite enfance, généralement au cours des premiers mois de la vie. Environ la moitié seulement des enfants touchés par la maladie survivent au-delà de 10 ans.
Des démangeaisons sévères (prurit) sont fréquentes chez les enfants ayant reçu un diagnostic de PFIC. Elles peuvent entraîner des blessures parfois graves, une perte de sommeil, de l'irritabilité et un déficit d’attention.
Il existe un besoin non satisfait pour ces patients dont les options de traitement se limitent à une intervention chirurgicale et à des thérapies médicales symptomatiques hors AMM. S'ils ne sont pas traités, de nombreux patients PFIC évoluent vers une maladie hépatique en phase terminale et nécessitent une transplantation hépatique.
L'odevixibat est un inhibiteur réversible, puissant et sélectif du transporteur iléal des acides biliaires (IBAT) qui agit localement dans l'iléon distal (dernière partie de l'intestin grêle), réduisant la recapture des acides biliaires et augmentant la clairance d'acides biliaires à travers le côlon.
La principale étude sur laquelle repose la recommandation de l’EMA est une étude de phase 3 en double aveugle, randomisée et contrôlée par placebo, qui a évalué l’efficacité et la sécurité de Bylvay® chez les enfants atteints de PFIC. Les résultats ont montré une réduction significative des acides biliaires sériques accompagnée d'une réduction significative du prurit chez les patients traités par odevixibat. Ces résultats se sont maintenus dans une étude de suivi ouverte à long terme qui est toujours en cours. Les paramètres hépatiques et les scores de fibrose se sont améliorés ou sont restés stables pendant toute la durée de l'étude (max. 72 semaines). Cependant, des données supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si l'odevixibat peut retarder la progression de la maladie et la nécessité d'une transplantation hépatique. L’EMA a donc demandé une étude d'efficacité basée sur un registre à titre de suivi.
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient la diarrhée, les douleurs abdominales, la diarrhée hémorragique, les selles molles et l'hépatomégalie (hypertrophie du foie).
Aucune différence cliniquement significative du profil pharmacocinétique, de sécurité et de tolérance de l'odevixibat n'a été observée en fonction de l'âge, du sexe ou de la race.
La PFIC étant une maladie très rare, l’EMA a convenu qu’il n’était pas possible de fournir des données complètes sur l’efficacité dans des conditions normales d’utilisation. Par conséquent, l’agence a recommandé l'octroi d'une AMM dans des circonstances exceptionnelles et a demandé au laboratoire de mener à bien une étude basée sur un registre afin de caractériser davantage l'efficacité de Bylvay® chez les patients âgés de 6 ans ou plus.
Première thérapie génique pour traiter les enfants atteints d'une maladie neurologique héréditaire rare
L'EMA a recommandé l'octroi d'une AMM pour la thérapie génique Skysona® (elivaldogene autotemcel) pour les enfants atteints d'adrénoleucodystrophie cérébrale (CALD), une maladie neurologique héréditaire rare et grave. Cette maladie, observée presque exclusivement chez les hommes, affecte le cerveau et entraîne une perte irréversible des fonctions neurologiques.
La CALD est la forme la plus courante d'adrénoleucodystrophie (ALD), une maladie rare touchant environ 1 nouveau-né de sexe masculin sur 21 000. Les patients manquent de la protéine adrénoleucodystrophie (ALDP) qui est nécessaire pour décomposer les acides gras à très longue chaîne (VLCFA). Ces derniers s'accumulent progressivement dans les cellules du cerveau ce qui entraîne une inflammation et une destruction de la myéline.
40% des garçons diagnostiqués avec ALD développent une CALD, généralement pendant l'enfance. En l'absence de traitement, près de la moitié des patients atteints de CALD meurent dans les 5 ans suivant l'apparition des symptômes. Actuellement, aucun médicament n'est approuvé pour le traitement de cette maladie. La seule intervention thérapeutique possible pour les patients CALD est la transplantation de cellules souches d'un donneur. Cette procédure présente plusieurs complications et des risques potentiels qui sont réduits pour les patients qui ont un donneur frère ou sœur correspondant. Cependant, ceux-ci représentent moins de 30% des patients atteints de CALD. Par conséquent, il existe un besoin médical non satisfait pour ces patients.
Skysona® est constitué de cellules souches de moelle osseuse prélevées chez le patient. Les cellules sont ensuite modifiées par un lentivirus inactivé qui contient une copie fonctionnelle du gène ABCD1 pour la protéine ALDP, de sorte que ce gène est transporté dans les cellules. Lorsque ces cellules modifiées sont administrées par perfusion, elles se propagent à travers le corps et se transforment en différents types de cellules saines, y compris des cellules cérébrales, qui produisent la protéine ALDP.
Skysona® est un traitement qui ne peut être administré que par des médecins expérimentés dans le traitement des patients atteints de CALD, la transplantation de moelle osseuse et l'utilisation de médicaments de thérapie génique.
La recommandation de l'EMA pour une autorisation de mise sur le marché est basée sur les résultats d'un essai clinique à un seul bras qui a recruté 32 patients masculins atteints de CALD âgés de 17 ans ou moins. Les résultats de cette étude ont été comparés à ceux d'une étude dans laquelle 59 patients ont eu une greffe de cellules souches (soit d'un donneur frère ou sœur apparié). Tous les patients de l'essai clinique principal ont été enrôlés dans une étude de suivi à long terme.
Une analyse menée 24 mois après la perfusion sur 30 sujets inclus dans l'étude a conclu que pour 27 d'entre eux (90%), le traitement préservait la fonction motrice et la capacité de communication et améliorait la survie par rapport aux patients non traités à un stade précoce de la maladie cérébrale.
L'effet indésirable le plus grave rapporté était la pancytopénie.
L'EMA précise que l’ajout d'un nouveau gène dans les cellules souches pourrait théoriquement induire des cancers du sang mais que cela n'a pas été observé au cours de l'essai clinique. Les patients font l’objet d’un suivi pour surveiller tout signe d’hémopathie maligne.
Des données supplémentaires sur l'efficacité et l'innocuité à long terme sont collectées dans le cadre d'une étude en cours et d'un registre à long terme.
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Citer cet article: Obésité, foie, maladie neurologique héréditaire : l’EMA donne son feu vert à trois nouveaux traitements dans des maladies rares - Medscape - 28 mai 2021.
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