Lyon, France — Très impliqué dans la promotion de l’activité physique pendant la prise en charge des patients atteints de cancer, le centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, à Lyon, a lancé plusieurs études pour mesurer son impact sur la qualité de vie des patients, mais aussi sur l’efficacité des traitements. Parmi les populations cibles: les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique et les enfants isolés en chambre stérile, en raison d’un cancer hématologique.
La pratique d’une activité physique pourrait bien devenir une composante essentielle du parcours de soins des patients atteints de cancer. Alors que les recommandations sur la pratique de l’exercice physique après un cancer sont désormais désormais bien intégrées, notamment pour réduire le risque de récidive, son effet avant et pendant un traitement a fait l’objet de travaux plus récents, qui tendent également à confirmer son bénéfice.
« Les études sur l’impact du sport pendant la prise en charge d’un cancer sont menées depuis une dizaine d’années et concernent essentiellement le cancer du sein et le cancer colorectal. Intégré dans le parcours de soin dès le diagnostic, l’activité physique améliore la qualité de vie des patients, réduit la fatigue et permet une meilleure tolérance aux traitements », a souligné auprès de Medscape édition française, Lidia Delrieu, chercheuse au département « prévention cancer et environnement » du centre Léon Bérard, à Lyon.
Proposé dès le diagnostic
Ce centre fut l’un des premiers en France à mettre en place des programmes d’activité physique adaptée (APA) pour ses patients, par le biais de son département « prévention cancer et environnement ». Depuis sa création en 2009, celui-ci se consacre à la prévention des cancers, ainsi qu’à l’étude de l’impact de la pratique de l’activité physique, mais aussi de la nutrition et de certains facteurs environnementaux (voir notre article La pollution atmosphérique associée à un sur-risque de cancer du sein).
« Un programme d’activité physique est proposé à tous nos patients atteints de cancer, que ce soit un cancer de bas grade ou un cancer métastatique, et ce dès le diagnostic. L’idée est de commencer le plus tôt possible pour intégrer le programme pendant tout le parcours de soins », a précisé Lidia Delrieu. Près de 1 000 patients du centre adhèrent ainsi chaque année à un programme d’APA [1].
Les exercices se font au sein de l’établissement dans un vaste espace spécialement dédié, en hôpital de jour ou en chambre stérile, ou bien à domicile, avec un accompagnement à distance. L’activité est adaptée au patient, en fonction de sa capacité physique et de ses préférences, « pour que chacun trouve l’activité physique qui lui convient afin de pouvoir la pratiquer sur le long terme ».
« Les programmes combinent des exercices en aérobie, du renforcement musculaire, des exercices de souplesse et, pour les plus de 65 ans, un travail sur l’équilibre. » Plusieurs activités sont proposées, comme la marche nordique, qui a aussi l’avantage de travailler le haut du corps pour « limiter le risque de lymphœdème », ou des activités diverses de gym et de travail d’endurance en cardio-training.
Baisse significative de la fatigue
Les principaux bénéfices de l’activité physique pendant la prise en charge d’un cancer rapportés dans les études avec un niveau de preuve élevé sont une baisse de la fatigue et une amélioration de la condition physique. « On a pu avoir dans de grandes études une amélioration de 20 à 40% de l’état de fatigue des patients grâce à l’activité physique. »
Cet effet sur la fatigue a notamment été observé dans l’étude pilote ABLE menée au centre Léon Berard par Lidia Delrieu, dans le cadre de sa thèse. L’étude, qui a inclus 49 femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique, avait pour objectif de tester la faisabilité d’un programme d’activité physique adapté s’appuyant sur des montres connectées.
Le programme prévoyait au moins trois séances de marche hebdomadaire de 10 minutes minimum, soit le seuil à partir duquel la montre est capable de détecter une activité physique et de la mesurer. Après six mois de suivi, « l’étude montre que les patientes avaient de meilleures performances physiques mais aussi qu’un maintien de leur qualité de vie et de leur niveau de fatigue était possible malgré l’avancée de la maladie ».
« Nous avons également mis en évidence un potentiel effet protecteur de la masse musculaire sur les toxicités des traitements ». Un effet qui s’explique, selon la chercheuse, par des différences dans le processus de métabolisation selon la part de muscle et de graisse. En renforçant la masse musculaire, « on peut potentiellement augmenter l’efficacité des traitements et surtout réduire leur toxicité ».
Utilisation de marqueurs biologiques
Au centre Léon Bérard, des travaux explorent également cette voie dans l’objectif notamment déterminer quelle est la part de masse musculaire nécessaire pour optimiser l’efficacité des traitements, a précisé la jeune chercheuse. Pour cela, les équipes ont recours à des marqueurs biologiques, liés à la biologie des muscles, qui pourraient à l’avenir être utilisés en pratique courante.
Après les résultats positifs de ABLE, une plus large étude a été lancée. Plus d’une dizaine de centres français participent actuellement à ABLE2 qui prévoit d’inclure 244 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique traitées par une première ligne de chimiothérapie. Elles seront randomisées, soit pour adhérer à un programme d’APA avec montre connectée, soit pour un suivi classique.
« Il existe peu de données au niveau mondial sur l’activité physique en lien avec le cancer du sein métastatique », souligne Lidia Delrieu. « Nous espérons démontrer un réel bénéfice de l’activité physique sur la qualité de vie et la fatigue des femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Et pourquoi pas améliorer la survie grâce à l’activité physique. »
« Nous espérons également que les médecins pourront, dès le diagnostic d’un cancer du sein métastatique, inciter les patientes à pratiquer une activité physique adaptée à leur capacité afin d’avoir un mode de vie le plus actif possible. »
Un essai en chambre stérile
D’autres études menées au centre pour évaluer l’impact de l’activité physique sont en cours de recrutement. L’une d’entre elle vise à explorer l’intérêt d’un programme d’activité physique intense chez des patients atteints d’un cancer du poumon métastatique avant chaque cure de traitement par chimiothérapie (étude ERICA).
Un autre essai original a également été lancé pour évaluer l’utilisation de vélos connectés pendant la phase d’isolement en chambre stérile d’une vingtaine d’enfants et adolescents (10 à 21 ans) traités pour un cancer hématologique et en attente d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (étude EVAADE).
« Les adolescents et jeunes adultes atteints de cancer ont des profils très différents et il existe peu de données sur les effets de l’exercice physique dans cette population de patients ». Là encore, « l’objectif est d’éviter le déclin de la masse musculaire », en utilisant des dispositifs de jeux interactifs.
Au centre Léon Bérard, on prend déjà en compte les particularités des enfants, adolescents et jeunes adultes atteints de cancer, en leur proposant un programme spécifique d’activité physique personnalisée. Avec l’idée de les maintenir au maximum actif pendant leur traitement pour une meilleure récupération.
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Citer cet article: Cancer: l’activité physique bientôt incontournable avant et pendant un traitement? - Medscape - 20 mai 2021.
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