Virtuel — Après un infarctus aigu du myocarde, un traitement par sacubitril/ valsartan (Entresto®, Novartis) n’est pas plus bénéfique dans la réduction du risque de décès cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque (IC) que le ramipril, un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) habituellement utilisé dans cette indication. C’est ce que révèle l’essai randomisé PARADISE-MI, dont les résultats ont été présentés lors d’une session en ligne du congrès de l’American College of Cardiology (ACC 2021) [1].
Les résultats de ce large essai devraient malgré tout faire évoluer les pratiques selon les auteurs puisque le traitement a monté une tendance à l’amélioration sur certains critères secondaires (décès toutes causes, hospitalisations pour insuffisance cardiaque, infarctus ou AVC…).
Un avis que ne partage pas le Dr John Mandrola, cardiologue et éditorialiste bien connu des lecteurs de Medscape Medical News qui porte un œil critique sur les résultats de l’étude et la recherche clinique autour de cette association thérapeutique en général (Lire : Le regard critique du Dr Mandrola sur les bénéfices de l’association Sacubitril/Valsartan).
Vers une extension d’indication?
« Il s’agit d’une affirmation importante que de dire que la combinaison sacubitril/valsartan est aussi sûre et bien tolérée chez les patients atteints d’un infarctus du myocarde aigu que le ramipril, l’un des inhibiteurs d’enzyme de conversion de l’angiotensine les mieux étudiés », a souligné le Dr Marc Pfeffer (Brigham and Women’s Hospital, Boston, Etats-Unis), principal auteur de l’étude, lors de sa présentation. Ce profil de sécurité favorable « devrait lever les obstacles » à l’extension de son indication.
« Les résultats sont encourageants. Ils suggèrent qu’il y a un bénéfice [avec la combinaison sacubitril/valsartan] en prévention du développement d’une insuffisance cardiaque. Même s’ils n’en apportent pas clairement la preuve, nous devrions en tenir compte pour favoriser l’utilisation de ce traitement chez les patients en post-infarctus », a commenté le cardiologue, lors d’une conférence de presse en ligne.
Le sacubitril est le premier représentant de la classe des inhibiteurs de la néprilysine, une enzyme impliquée dans la dégradation divers peptides, dont les peptides natriurétiques, tandis que le valsartan est un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA-II) ou sartan. L’association des deux molécules est indiquée dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique symptomatique (classes NYHA II à IV) à fraction d’éjection réduite (HFrEF).
Son bénéfice a également été révélé dans l’essai PIONEER-HF chez les patients hospitalisés pour une décompensation cardiaque aigue, en comparaison avec l’énalapril, un autre IEC. En revanche, son intérêt semble plus limité dans le traitement l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpFE), selon les résultats de l’étude PARALLAX, présentés l’année dernière au congrès de l’ESC 2020.
Patients à haut risque d’IC
Dans le cas de patients pris en charge après un infarctus aigu du myocarde, un traitement initié précocement « pourrait être une future stratégie préventive contre l’insuffisance cardiaque », selon le Dr Lynne Stevenson (Vanderbilt University Medical Center, Nashville, Etats-Unis), invitée à commenter l’étude en fin de présentation. « Les analyses de sous-groupes suggèrent que le bénéfice est plus important chez les patients les plus malades », a précisé la cardiologue.
Les données de sécurité rapportées par le Pr Pfeffer « sont extrêmement rassurantes », a commenté pour sa part le Dr Mary Walsh (Ascension St. Vincent Heart Center, Carmel, Etats-Unis). « Il n’y a pas de signal préoccupant et concernant certains critères d’évaluation, il y a les preuves d’un bénéfice. Nous ne pouvons qu’encourager à poursuivre les travaux sur ce traitement. »
L’essai prospectif international en double aveugle PARADISE-MI (Prospective ARNI vs. ACE Inhibitor Trial to Determine Superiority in Reducing Heart Failure Events After MI) a été conduit entre 2016 et 2020 dans 495 centres de 41 pays. Au total, 5 669 patients sans antécédent d’IC ont été inclus quatre jours en moyenne après un infarctus aigu du myocarde à haut risque d’IC (FEVG≤ 40% et/ou congestion pulmonaire et au moins un facteur de risque en plus).
Critère primaire négatif
Les patients (des hommes dans trois-quarts des cas) étaient âgés en moyenne de 64 ans. Près de la moitié avaient des antécédents de diabète. La plupart prenaient déjà un traitement pour réduire le risque cardiovasculaire (antiplaquettaire, antihypertenseur, antichoelstérol…).
Ils ont été randomisés pour recevoir, soit un traitement par la combinaison sacubitril/valsartan (97/103 mg deux fois/jour), soit du ramipril (5 mg deux fois/jour). Le critère primaire d’évaluation était un critère composite associant mortalité cardiovasculaire, hospitalisation pour IC et développement d’une IC symptomatique.
Après un suivi médian de 23 mois, les résultats pour ce critère primaire révèlent un taux de 7,4 événements pour 100 patients-années dans le bras ramipril, contre 6,7 événements pour 100 patients-années dans le groupe sacubitril/valsartan. La diminution de 10% du risque relatif avec l’association de traitement est considérée comme non significative.
En revanche, le bénéfice se révèle significatif dans deux sous-groupes de patients: chez les patients âgés de 65 ans et plus, soit près de la moitié de la cohorte, et chez ceux ayant bénéficié d’une intervention coronarienne percutanée pour traiter l’infarctus du myocarde (88% des patients). La baisse du risque relatif est alors respectivement de 24% et 19% avec la combinaison sacubitril/valsartan.
Jusqu’à 20% d’événements en moins
Une tendance à l’amélioration est également apparue avec le traitement lors de l’analyse des critères secondaires de l'étude, notamment sur la mortalité cardiovasculaire et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde et AVC (HR= 0,84, IC à 95%, [0,70-1], p= 0,045), ainsi que sur la mortalité toutes causes confondues (HR= 0,88, IC à 95%, [0,73-1,05], p= 0,16).
En considérant l’ensemble des événements liés à une insuffisance cardiaque, dont les récidives, ainsi que la mortalité cardiovasculaire, le bénéfice de la combinaison devient significatif puisque le risque relatif est réduit de 21%, en comparaison avec le groupe sous ramipril (RR=0,79, IC à 95%, [0,65-0,97], p= 0,02).
Concernant le profil de sécurité, les données ont révélé des taux d’effets indésirables comparables entre les deux groupes de l’étude, y compris pour les effets indésirables sévères ou ceux ayant conduit à un arrêt de traitement. Seules différences notables: l’hypotension était plus fréquente dans le bras sacubitril/valsartan (28% contre 22% avec le ramipril), tandis que le groupe sous ramipril présentait un excès de toux (13% contre 9% avec sacubitril/valsartan).
A lire sur le même sujet : Le regard critique du Dr Mandrola sur les bénéfices de l’association Sacubitril/Valsartan.
PARADISE-MI a été financé par Novartis.
Le Dr Pfeffer a déclaré des liens d’intérêt avec Novartis, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Corvidia, DalCor, Eli Lilly, GlaxoSmithKline, Novo Nordisk, Peerbridge et Sanofi, DalCor et Peerbridge.
Le Dr Stevenson a déclaré des liens d’intérêt avec LivaNova, et Abbott.
Le Dr Walsh n’a pas déclaré de liens d’intérêt.
Cet article est une traduction/adaptation par Vincent Richeux de l’article PARADISE-MI: Sacubitril/Valsartan Can't Beat Ramipril in Patients With Acute MI publié sur Medscape.com.
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Citer cet article: Prévention post-infarctus: l’association sacubitril/valsartan pas plus bénéfique qu’un IEC ? - Medscape - 17 mai 2021.
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