Paris, France — Un arrêté fixant le nombre d’étudiants admis à poursuivre en deuxième année de médecine, dentaire, pharmacie ou sage-femme, pour la rentrée 2021-2022, a été suspendu par le Conseil d’État. On vous explique pourquoi.
Coup de tonnerre pour les étudiants en santé : saisi par cinq étudiants de Pass – le nouveau cursus d’accès aux études de médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique mis en place dès cette année – le Conseil d'État a décidé de suspendre, le 28 avril, l'arrêté du 25 janvier fixant le numerus clausus pour l'année 2021-2022. En cause : l'arrêté mentionné laissait un nombre de places résiduel « insuffisant aux étudiants de première année non redoublants, compromettant de façon grave et immédiate leur passage en deuxième année des études de santé, alors que les examens et les concours doivent se dérouler en mai 2021 ».
Trop de places réservées aux redoublants Paces
Aussi pour initier ce nouveau système de recrutement avec l'ex-Paces, le ministère de la santé et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche avait réservé un certain nombre de places aux derniers redoublants de la Paces, à cheval sur l'ancien système de recrutement et celui issu de la réforme du premier cycle (Lire Réforme du deuxième cycle des études médicales: où en est-on ?). Selon l’arrêté du 25 janvier, près de 6 500 places devaient être réservées aux étudiants de Paces autorisés à poursuivre leurs études en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique. Les places restantes devaient être réparties entre les nouveaux cursus PASS (« parcours spécifique » à dominante santé) et LAS (licence avec option « accès santé »). Et c'est là que le bât blesse. Les étudiants montpelliérains à l'origine de cette saisine estimant en effet que la suppression du numérus clausus tant décrié, bénéficie cette année aux redoublants qui ont plus de places réservées qu’aux néo-entrants des filières Pass (Parcours Accès Spécifique Santé) et LAS (Licence avec Accès Santé).
Rupture d’égalité
Les étudiants contestaient par ailleurs cet arrêté car il rompait l'égalité de traitement entre étudiants, en organisant un concours propre aux étudiants de Paces, et en leur réservant un certain nombre de places sans déterminer les critères. Par ailleurs, plaident les étudiants contestataires, cet arrêté a été publié « avant que les capacités d'accueil aient été définies par les universités ». Le Conseil d'État a suivi les arguments des étudiants en Pass requérants. Pour le juge des référés du conseil d'État, cet arrêté laisse « un nombre de places résiduels » aux étudiants en Pass et Las qui portent atteinte à leurs intérêts. Aussi, le juge des référés juge que les ministères en question ont fait une erreur d'appréciation en déterminant, dans leur arrêté, le nombre de places pour les étudiants redoublant la Paces autoriser à poursuivre leurs études, en se basant sur les statistiques de réussites des années passées, sans prendre en compte le nombre de places disponibles pour l'année 2021-2022, ni même « le sort des étudiants ayant suivi en 2020-2021 le nouveau parcours « accès santé » spécifique ou une année de licence avec une option « accès santé ». »
Nouvel arrêté
Pour ces raisons, le Conseil d'État a donc suspendu l'exécution de l'arrêté du 25 janvier 2021. Dans la foulée, le ministère de la santé ainsi que le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche ont publié un communiqué pour rassurer les étudiants en santé : « Un nouvel arrêté sera publié dans les plus brefs délais. Les capacités d’accueil ouvertes aux étudiants inscrits dans l’ensemble des filières permettant l’accès aux études de santé (première année commune aux études de santé, parcours d’accès spécifique santé ou licences avec option santé) seront garanties aux étudiants en cours de formation. » Les ministères concernés assuraient par ailleurs que le calendrier des examens serait maintenu. Les examens et concours auront donc bien lieu en mai. Parole tenue : le 7 mai, au Journal officiel, le ministère de la santé a fait paraitre un nouvel arrêté qui précise les critères d’attribution des places réservées aux redoublants de la Paces. Pour autant, le gouvernement ne modifie pas le nombre de places dévolues aux redoublants mais se contente de préciser les modes de calcul qui lui ont permis de les déterminer. Dans un communiqué en date du 7 mai, il égrène les critères retenus :
« Les capacités d’accueil en deuxième année des études de santé communiquées par les universités ;
Les taux de réussite respectifs des redoublants de la PACES et des candidats inscrits pour la première fois en PACES, aux épreuves d’accès à la deuxième année des études de santé au cours des trois dernières années universitaires ;
La proportion respective des redoublants et des candidats inscrits pour la première fois en PACES dans les promotions de deuxième année des études de santé au cours des trois dernières années universitaires. »
Questions de temporalité
Quoi qu’il en soit, pour la Conférence des doyens, cette suspension, regrettable, est fondée sur « des questions de temporalité » : en clair, l'arrêté aurait dû être publié après avoir communiqué sur le nombre de places globale en deuxième année d'étude de médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie. Dans un communiqué, elle a indiqué que, quoi qu'il en soit, « le numerus clausus pour les redoublants de la PACES ne sera réduit, ni non plus le nombre de places ouvertes pour les étudiants de PASS/LAS ». La conférence ajoute même que « les étudiants en PASS/LAS cette année bénéficieront d’un nombre de places pour entrer dans les études de médecine supérieur à celui des années antérieures ».
Associations d’étudiants critiques
Les associations d'étudiants en santé (citées ci-après*) sont beaucoup plus critiques quant à la mise en œuvre de cette réforme. Dans un communiqué commun, les étudiants en santé rappellent que depuis « l’élaboration des textes réglementaires, les Fédérations représentatives des étudiant·e·s en santé (*ANEMF, ANEPF, ANESF, FNEK, UNECD et FAGE) alertent sur les dangers et dérives de la mise en application de la réforme par les Universités ». Ces fédérations déplorent un manque « d’anticipation et de préparation, manque de moyens humains et financiers, programmes surchargés, communication hasardeuse, poursuite d’études et seconde chance encore trop floues, capacités d'accueil publiées avec un an de retard… ». Elles insistent aussi sur le fait que « les chances de poursuivre ses études en filière de santé doivent être au moins égales à celles d’un·e étudiant·e en PACES » pour les étudiants en Pass ou Las. Aussi elles demandent aux ministères concernés :
La publication dans les plus brefs délais du nouvel arrêté fixant le Numerus Clausus des étudiant·es en PACES autorisé·e·s à poursuivre leurs études en MMOP, ainsi que l’arrêté fixant le nombre d’étudiant·e·s autorisé·e·s à poursuivre en masso-kinésithérapie ;
La garantie de l’accès à la poursuite d’étude pour toutes et tous ainsi que d’une seconde chance effective, via les L.AS 2 et 3, dont les modalités doivent être explicitées et communiquées par les Universités ;
L’investissement de moyens humains et financiers conséquents accompagnant toute augmentation des capacités d'accueil afin de ne pas dégrader la qualité de la formation ;
Le vote et l’affichage des capacités d'accueil pour l’année suivante afin de ne pas reproduire le même schéma d'incertitude vécu cette année ;
La mise en place de comités de suivi universitaires veillant à la bonne application de la réforme. »
Source photo : Getty image
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Citer cet article: Etudes de médecine : retour sur l’affaire du numerus clausus suspendu par le Conseil d'État - Medscape - 10 mai 2021.
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