Transmission du SARS-CoV-2 de la chauve-souris à l’homme : l’ANSES explore l’hypothèse de la zoonose

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

7 mai 2021

France – Si les services de renseignements américains et de nombreux scientifiques n’écartent pas la thèse d’un accident de laboratoire, le SARS-CoV-2, à l'origine de la pandémie mondiale de Covid, est le plus probablement passé d'un animal à l'homme, selon l'Anses. Chercheurs et vétérinaires apportent leur éclairage sur cette possible zoonose.

Voici l'histoire d’un virus, plus précisément d'un coronavirus, passé possiblement de la chauve-souris à l'homme par un intermédiaire encore inconnu, selon les experts de l’OMS.

Ce coronavirus, lui, on le connaît bien, c'est le SARS-Cov2. Il est à l'origine d'une pandémie, qui a causé en quinze mois trois millions de morts à travers le monde.

L'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a décidé de faire le point sur ce possible risque de zoonose, illustration du concept « One health », à savoir la nécessité de prendre en compte ensemble les santés animale, humaine et environnementale.

« On estime que 60 % des maladies infectieuses sont communes aux hommes et aux animaux et 75 % des maladies émergentes décrites chez l'Homme sont d'origine animale », a indiqué Gilles Salvat, directeur général délégué et directeur de la santé & du Bien-être Animal de l'Anses, lors d’une conférence de presse[1]. « La chasse puis la domestication ont entraîné une co-évolution des maladies animales et humaines », rappelle-t-il. Si la transgression interespèce n'est pas un phénomène nouveau, la diffusion liée aux mouvements humains et aux transports d'animaux est maintenant très rapide, comme la montré la pandémie de Covid-19.

 
75 % des maladies émergentes décrites chez l'Homme sont d'origine animale. Gilles Salvat
 

Des zoonoses sorties de la forêt

Les milieux hébergeant une grande diversité d'animaux et de végétaux, notamment les forêts tropicales primaires, présentent une grande diversité virale et bactérienne. Le passage de ces microorganismes à l'être humain peut se faire selon deux mécanismes : l'intrusion de l'homme dans ces milieux ou bien le déplacement d'espèces sauvages, soit parce que celles-ci prospectent vers de nouveaux territoires, soit parce que l'humain les introduit volontairement ou non ailleurs.

Ces rapprochements entre populations humaines et espèces sauvages sont d’autant plus fréquents que la pauvreté pousse les populations à pénétrer dans de nouveaux milieux à la recherche de nourriture, d'espaces pour l'agriculture et/ ou de ressources minières ou de bois. Aussi, le changement climatique modifie la répartition des vecteurs et le trajet des espèces migratrices, indique Gilles Salvat.

Coronavirus : une transgression inter-espèce 

« Normalement, les coronavirus sont inféodés à une seule espèce animale et habituellement il n'y a pas de franchissement de la barrière inter-espèce » rappelle le Dr Nicolas Eterradossi, vétérinaire, directeur de laboratoire à l'Anses.

 
Normalement, les coronavirus sont inféodés à une seule espèce animale. Dr Nicolas Eterradossi
 

Mais le franchissement de la barrière inter-espèce peut toutefois se produire par un mécanisme d'adaptations successives ou bien par un passage via un hôte intermédiaire, qui facilite ensuite l'infection humaine, comme cela s'est vraisemblablement produit lors des trois dernières émergences de coronavirus chez l'homme, le SARS Cov (2003), le MERS (2012) et le SARS-CoV-2 (2019). Les deux premiers ont franchi la barrière inter-espèce en passant de la chauve-souris à un autre mammifère, la civette palmiste pour le SARS CoV et le dromadaire pour le MERS, avant de d'infecter l'homme.

« Le génome du SARS-CoV-2 ressemble à celui d'un coronavirus présent chez la chauve-souris mais avec l'incorporation d'un gène d'un autre coronavirus codant pour la spicule du coronavirus. Cette spicule permet d'accéder à un nouveau récepteur », poursuit-il. Un des mécanismes propres aux coronavirus est la capacité de se recombiner, c’est-à-dire d'échanger des portions de génome, ce qui peut se produire si deux coronavirus différents co-infectent une même cellule hôte. Cette évolution peut leur conférer la capacité de toucher de nouveaux organes cibles ou de s'adapter à de nouvelles espèces hôtes. L’hôte intermédiaire qui serait intervenu dans la transmission du SARS-CoV-2 de la chauve-souris à l’homme n’a pas été identifié. Le trouver reste un enjeu scientifique.

Animaux et SARS-CoV-2

L'identification de la faune sauvage porteuse de coronavirus n'est pas simple car de nombreuses espèces sont potentiellement concernées, au premier rang desquels on trouve les chauve-souris et les lapins.

« Pour le SARS-CoV-2, nous nous sommes intéressés à la faune sauvage captive où la densité des animaux est en faveur d'une transmission augmentée. Le laboratoire a enquêté dans quatre élevages de visons en France en novembre 2020. Un élevage était contaminé et les animaux ont été abattus », indique la Dr Elodie Monchatre-Leroy, vétérinaire, directrice du laboratoire Anses pour la rage et la faune sauvage. Les trois élevages restants sont sous étroite surveillance étant donné le risque d'apparition de variant et le risque d'infection retour à l'homme.

Concernant le vison, plusieurs événements survenus aux Pays-Bas et au Danemark où des campagnes d'abattage dans les élevages ont été menées, sont de fait en faveur d’une transmission-retour du virus à partir des visons infectés vers les humains.

Toutefois, l'Anses a fait paraître un avis en octobre indiquant que les animaux domestiques et les animaux sauvages ne jouaient « aucun rôle épidémiologique dans le maintien et la propagation du SARS-CoV-2 en France, où la diffusion du virus est aujourd’hui le résultat d'une transmission interhumaine par voie respiratoire ». Même si certaines espèces, comme les chats, les furets, les visons, les hamsters ou les lions sont sensibles au Covid-19, ils ne sont pas des vecteurs importants de la maladie. S’il est clair que le principal vecteur du SARS-CoV-2 est l’homme, la recherche du mystérieux intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme continue…

La CIA n’écarte pas la thèse d’une fuite du laboratoire Wuhan

Concernant la transmission du virus du Covid-19 à l’homme, la directrice du renseignement américain, Avril Haines a indiqué devant une commission du Sénat en avril qu’il pouvait s’agir d’un contact humain avec des animaux infectés tout comme d’un accident de laboratoire. « Nous en sommes là », a-t-elle ajouté. « Nous faisons tout ce que nous pouvons et nous utilisons toutes les ressources à notre disposition pour faire toute la lumière là-dessus », a renchéri le directeur de la CIA, William Burns. Mais « ce qui est clair pour nous et nos experts, c'est que les dirigeants chinois n'ont pas été complètement francs ou transparents dans leur coopération », avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l'origine du coronavirus, a-t-il ajouté. L’enquête continue alors que dans une lettre ouverte, des scientifiques du monde entier demandent à l’OMS de poursuivre les recherches sur les origines du Covid-19 et à la Chine de publier des données manquantes (données et échantillons biologiques).

 

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