La ROSP chamboulée par la pandémie

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

6 mai 2021

Paris, France — Du fait de la pandémie, certains indicateurs de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) sont en baisse sur l’année 2020. Mais l’Assurance Maladie a contré les effets négatifs de cette baisse d’activité en appliquant un coefficient majorateur sur cette prime.

Hausse de la rémunération moyenne de +1,34%

De prime abord, les chiffres de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) pour l'année 2020 sont plutôt bons. « La rémunération des seuls médecins généralistes, au titre de la Rosp médecin traitant de l’adulte, représente 258,3 millions d’euros pour 50 733 médecins, soit un montant très proche de 2019 (254,4 millions d’euros pour 50 662 médecins rémunérés), soit un montant moyen de rémunération versée de 5 091 euros par médecin rémunéré (contre 5 021 euros en 2019) », établit l'Assurance Maladie, dans un communiqué sur le sujet. Cela représente une hausse de la rémunération moyenne de +1,34% en 2021, contre +2% en 2020. Un résultat en progression pour la troisième année consécutive, même si cette augmentation semble moindre que les années précédentes.

Coefficient majorateur

Un résultat paradoxal, si l'on considère que les médecins, généralistes et spécialistes, ont connu une activité freinée par l'épidémie de Covid-19 en 2020 (Voir Enquête sur la rémunération des médecins : l’impact COVID). Aussi, pour parvenir à ce résultat, l'Assurance Maladie a dû appliquer un coefficient majorateur, qui a permis de compenser certains indicateurs de la Rosp en berne. Car c'est un fait, pour l’AM : « L’année 2020, marquée par la crise sanitaire, a fortement perturbé l’évolution des indicateurs de la Rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) des médecins. » Ces coefficients de majoration ont été appliqués avant tout à la rémunération du médecin pour la Rosp médecin traitant de l'adulte et à celle du médecin traitant de l'enfant, « afin de conserver l’effet de l’augmentation de la patientèle médecin traitant », précise l'Assurance Maladie.

Clause de sauvegarde pour les gastro-entérologues et les cardiologues

Autre mesure compensatoire : la mise en place d'une clause de sauvegarde exceptionnelle, pour deux spécialités, les gastro-entérologues, et les cardiologues. « Deux spécialités, qui ont vu leur patientèle significativement affectée lors des confinements (gastro-entérologues et cardiologues), se sont vus appliquer une clause de sauvegarde exceptionnelle au montant global de la rémunération 2020. Ainsi, 4 412 cardiologues sont rémunérés pour un montant total de 9,2 millions d’euros, et 2 006 gastroentérologues pour un montant total de 2,9 millions d’euros. » Soit 2093 euros en moyenne par cardiologue et 1423 euros par gastro-entérologue.

Baisse des dépistages des cancers

Parmi les indicateurs en forte baisse, du fait de la pandémie, l'Assurance Maladie relève entre autres, l'indicateur sur la « part des patients diabétiques ayant bénéficié d'au moins deux dosages d'HbA1c dans l'année (-2,8 points), la part des patients diabétiques ayant bénéficié d’un fond d’œil sur 2 ans et 1 trimestre (- 1,2 point) et le dépistage de la maladie rénale chronique chez le patient diabétique (- 0,9 point). Le suivi des patients sous traitement anti-vitamine K est également en baisse (- 3,6 points) ». Le dépistage du cancer du sein a aussi diminué de 3 points, tout comme celui du col de l'utérus (-1,6 point) ou celui du cancer colorectal (-0,4 point). Autre évolution négative : la durée de traitement par benzodiazépine hypnotique, qui repart à la hausse (+1,9 point) tout comme les traitements par anxiolytique (+0,7 point).

La surveillance d'un traitement par antivitamine K est aussi en baisse de 3,6 points, ainsi que les statines et les antihypertenseurs prescrits dans le répertoire générique (-1,6 et -1,9 point, respectivement).

Hausse de la vaccination antigrippale

Mais la pandémie n'a pas eu d'effets négatifs sur l'ensemble des indicateurs : certains ont pu en profiter. Ainsi, le taux de vaccination antigrippale des 65 ans et plus est en forte hausse, de +7,7 points, tout comme la couverture vaccinale des patients à risque (+6 points). Autre évolution favorable : le taux de traitement par antibiotiques est en baisse de 8,6 points chez les patients de 16 à 65 ans et hors ALD. De la même manière, la prescription de biosimilaires de l'insuline glargine est en hausse de +7,1 points.

Médecin traitant de l’enfant, cardiologues, gastro-entérologues

On constate, pour le médecin traitant de l'enfant, des indicateurs en hausse pour ce qui concerne la vaccination : augmentation de l'indicateur « 2 doses de vaccins ROR chez enfants de moins de 2 ans » de +1,6 point et augmentation de l'indicateur de « 1 dose de vaccin antiméningocoque C enfants de moins de 18 mois" de +2,3 points ». En revanche, l'indicateur sur l'examen bucco-dentaire chez les moins de 16 ans est en baisse de 5,5 points.

Chez les cardiologues, c'est la prescription de statines génériques qui accuse le coup, avec une baisse de 5,2 points.

Pour les gastro-entérologues, le contrôle d'éradication d'Helicobacter Pylori est en baisse de 6,4 points, mais aussi l'indicateur « NFS-plaquettes pour MICI sous azathioprine » qui marque une baisse de 3,6 points.

Réactions syndicales

En tout et pour tout, toutes spécialités comprises, « les rémunérations de la Rosp clinique des médecins libéraux s’élèvent ainsi en 2020 à 279,5 millions d’euros pour 72 098 médecins rémunérés (contre 275,9 millions d’euros pour 73 582 médecins rémunérés en 2019) ». Certains syndicats de médecins libéraux se sont félicités de ces versements, comme le Syndicat des Médecins Libéraux. « La mobilisation du SML qui a exigé que l’Assurance Maladie compense les effets de la crise sanitaire et plus particulièrement du premier confinement sur cette rémunération a permis de sauver les meubles. Les généralistes percevront en moyenne 5 091 euros », écrit le SML. Toutefois le syndicat plaide encore pour une réforme de la ROSP, de manière systémique : « mais le SML ne se satisfait pas de la ROSP telle qu’elle est actuellement définie. Le syndicat voudrait qu’elle bénéficie à toutes les spécialités, en secteur 1 comme en secteur 2 et qu’elle soit recentrée sur la valorisation des actions de prévention. » L'Union française pour une médecine libre (UFML), quant à elle, demande toujours l'abrogation de la ROSP.

 

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