France – Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, a précisé les étapes de ce nouveau déconfinement, le Conseil Scientifique s’est dit favorable à une sortie de l’Etat d’urgence sanitaire instauré pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Ce régime prendra donc fin le 1er juin et nous entrerons alors dans une période de transition… et de précautions qui prendra fin, sauf exception, le 31 octobre 2021.
Alléger le cadre juridique
Depuis le 16 avril 2021, le Conseil scientifique est en charge par le gouvernement de mettre en place d’un régime allégé de sortie d’état d’urgence sanitaire mis en place initialement le 23 mars 2020 (puis allégé et prorogé au gré des vagues épidémiques qui ont suivi). En clair, il s’agit de faire en sorte que le cadre juridique puisse être allégé tout en permettant « d’activer différentes mesures en cas de dégradation de la situation sanitaire » explique le Conseil scientifique. Très concrètement, l’état d’exception institué l’an dernier a notamment permis au gouvernement de prendre des mesures « comme un confinement strict sur l’ensemble du territoire national, des restrictions de déplacement ou de gestion de crise sans passer par un vote au Parlement. Il a aussi permis d’encadrer les mesures de quarantaine et d’isolement, notamment pour les personnes entrant sur le territoire national, tout particulièrement dans les territoires d’outre-mer. »
Pourquoi sortir maintenant de l’état d’urgence sanitaire ?
Si cet allègement est rendu possible, c’est qu’un certain nombre de paramètres ont été pris en compte, et en premier lieu, la mise à disposition de vaccins efficaces. Ainsi, bien que « fin avril 2021, la situation sanitaire reste malheureusement préoccupante, notamment en raison de l’apparition de variants » écrit le Conseil scientifique, « l’usage systématique des masques, le nombre de tests RT-PCR réalisés, la disponibilité d’autres types de tests et d’autotests, et surtout l’accès élargi à la vaccination permettent un contrôle accru de la dynamique épidémique. »
Par ailleurs, le Conseil scientifique dit aussi avoir tenu compte des « retentissements sur la vie économique et sociale de cette situation, qui se prolonge depuis des mois » ainsi que les « effets psychiques de la situation épidémique ».
Enfin si le virus continue à circuler à un niveau très important, et que « globalement, le retentissement sur le système de soins demeure à un niveau très élevé », « on semble observer depuis quelques jours un plateau à un niveau élevé de la saturation des lits en réanimation, suggérant que la baisse pourrait se faire sur un temps long » considèrent les scientifiques.
Néanmoins, anticipent-ils, « la situation sanitaire fin mai 2021 sera moins bonne que celle qui était observée l’année précédente au cours de la même période, alors que l’on sortait d’un confinement très strict », le déconfinement progressif pourrait donc entrainer « des disparités régionales pouvant justifier des réponses adaptées ».
Ce qui va influer sur les mois à venir
Parmi les points qui vont être cruciaux dans les mois qui viennent et influer sur la circulation du virus, et agir potentiellement sur le rythme du déconfinement, le Conseil scientifique souligne :
Les vaccins : grâce à l’accélération récente de la campagne de vaccination, suite à la livraison de nouvelles doses et la mise en place de vaccinodrômes, « l’objectif de vacciner 20 millions de Français à la mi-mai et 30 millions à la mi-juin devrait être atteint avec environ 350 000 personnes vaccinées par jour en moyenne ». Autre point positif : les premières données d’Israël et du Royaume-Uni suggèrent que les vaccins ARNm ont un rôle sur la réduction de la transmission du virus. Les scientifiques remarquent cependant que « la vaccination des 20-40 ans qui devrait débuter fin juin demeure un défi important en termes d’acceptabilité vaccinale. »
Un début d’immunité collective : à ce stade, « on estime que 20-26% des adultes français ont été infectés par le virus, variable selon les territoires, avec une proportion légèrement plus élevée parmi les adultes de 20-49 ans », bien loin des 60 à 70% requis pour mettre en sécurité la population, néanmoins « une partie de ces individus auront acquis une immunité protectrice » considèrent les scientifiques.
Les mesures barrières (distanciation sociale, port du masque, gel hydroalcoolique…) : si le Conseil scientifique reconnait qu’elles sont « globalement et largement bien appliquées », il n’exclut pas « une certaine forme de relâchement durant les mois d’été, comme cela avait été le cas l’an dernier. »
Les autotests : en complément des tests diagnostiques (RT-PCR, antigénique) déjà largement utilisés en France, ils devraient permettre de mieux appréhender les formes asymptomatiques en particulier en milieu scolaire et universitaire avant la coupure estivale et après la rentrée de septembre.
Les effets climatiques. « Comme l’année dernière, le climat estival pourra avoir un effet bénéfique affaiblissant la circulation du virus » considèrent les scientifiques, qui modulent aussi tôt leur propos en ajoutant que « les conditions de vie en extérieur au cours de l’été peuvent aussi avoir un effet favorable sur les contaminations. »
Les variants : si l’épidémie rencontrait une accalmie en France, voire même en Europe, il n’en reste pas moins que « la pandémie demeure active au niveau international, notamment en Amérique du Sud et en Asie, avec de nouveaux variants » parmi lesquels les variants sud-africain, brésilien et indien.
Tout bien pesé, « et en tenant compte des privations imposées par un ensemble de mesures restrictives depuis plusieurs mois », le Conseil scientifique s’est montré favorable à l’instauration d’un régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 octobre 2021 (dans le cadre du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire).
Mais il prévient dès à présent que « le niveau d’immunité acquis au sein de la population par la vaccination ou à la suite d’une infection restera insuffisant pendant plusieurs mois avant d’envisager une reprise des activités sans des mesures de protection ». Cette période devra donc « s’accompagner d’une communication publique visant à associer la levée de certaines restrictions au maintien d’autres mesures indispensables, notamment individuelles (respect des gestes barrières, port du masque, usage de gel hydroalcoolique, recours à la vaccination, utilisation de tests et d’autotests…). »
Enfin, de la même façon que le président de la République a prévu d’actionner des freins d’urgence en cas de reprise de l’épidémie, le Conseil scientifique conclut son avis en stipulant que « l’organisation du régime transitoire doit […] rester compatible avec la possibilité d’un retour à l’état d’urgence sanitaire en cas de nécessité, en particulier en cas de reprise importante de l’épidémie liée à un nouveau variant. »
Allègement et déconfinement oui, mais la prudence est de mise.
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Citer cet article: Etat d’urgence sanitaire : organiser la sortie - Medscape - 3 mai 2021.
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