Risque de pneumonie fortement majoré chez les patients insuffisants cardiaques, notamment dans la forme à fraction d’éjection préservée

Richard Mark Kirkner

Auteurs et déclarations

3 mai 2021

Glasgow, Royaume-Uni – Les patients ayant une insuffisance cardiaque (IC) ont un risque trois fois plus élevé que la population générale de souffrir d’une pneumonie et ultérieurement un risque 4 fois plus important de décéder. Tels sont les résultats d’une analyse rétrospective portant sur 13 000 patients inclus dans deux études majeures faisant date dans l’insuffisance cardiaque.

Les chercheurs ont également remarqué que les patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ont un plus grand risque de contracter une pneumonie. Ces résultats soulignent la place majeure qu’occupe la vaccination antipneumococcique chez les insuffisants cardiaques.

Cette analyse montre que 6,3% des patients inclus dans l’essai PARADIGM-HF et 10,6% chez les participants de l’étude PARAGON-HF ont eu une pneumonie, remarquent les auteurs conduits par John J.V. McMurray (the British Heart Foundation Cardiovascular Research Center at the University of Glasgow in Scotland[1].

« La raison principale de cette analyse tient au fait que de nombreux patients atteints d’une insuffisance cardiaque ne sont pas vaccinés, alors qu’ils devraient l’être, contre la pneumonie à pneumocoques et l’influenza » a indiqué McMurray au cours d’une interview. « Nous voulions documenter la fréquence et les conséquences des pneumonies chez les patients ayant une insuffisance cardiaque pour mettre en lumière cette lacune dans la prise en charge »

McMurray pense qu’il s’agit de la première étude documentant l’incidence des pneumonies et les graves conséquences qui en découlent, dans les deux principaux phénotypes de fraction d’éjection ventriculaire gauche.

PARADIGM-HF et PARAGON-HF

L’analyse post-hoc a évalué 8 399 patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFER) dans PARADIGM-HF[2] et 4 796 patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEP) dans PARAGON-HF[3]. L’étude a pris en compte respectivement les 528 et 510 patients de chaque étude, ayant eu une pneumonie. Ainsi, le taux d’incidence est de 29 patients pour 1 000 patients-année (IC95% : 27-31) dans PARADIGM-HF et 39 pour 1 000 patients-année (IC95% : 36-42) dans PARAGON-HF.

Au décours de la pneumonie, le risque de décès augmente de façon substantielle. Dans PARADIGM-HF, après la pneumonie, le risque ajusté lié au hasard (HR) des décès toutes causes était de 4,34 (IC95% : 3,73-5,05). Dans PARAGON-HF, il était de 3,76 (IC95% : 3,09-4,58)

Chez les patients qui ont eu une pneumonie, l’insuffisance cardiaque (IC)  évoluait depuis plus longtemps que leurs homologues qui n’ont pas souffert de pneumonie mais la fréquence des précédentes hospitalisations pour insuffisance cardiaque était la même dans les deux groupes qu’ils aient eu ou non une pneumonie. 

Les patients qui ont souffert d’une pneumonie étaient en moyenne plus âgés (66,9 vs 64,6 P<0,001), le plus souvent des hommes (83,9% vs 77,8%, P<0,001). Les patients [atteints de pneumonie] dans PARADIGM-HF étaient une plus jeunes d’une décennie par rapport à ceux de PARAGON-HF (64 ans vs 73).

Le score de gravité de l’IC selon le Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire était moins favorable chez les patients ayant eu une pneumonie (en moyenne 76 vs 80) mais aucune différence était notée avec la classe fonctionnelle du New York Heart Association « En général les patients qui ont présenté une pneumonie avaient plus de symptômes et de signes d’IC que ceux qui n’ont pas eu de pneumonie » écrivent les auteurs.

 
En général les patients qui ont présenté une pneumonie avaient plus de symptômes et de signes d’IC que ceux qui n’ont pas eu de pneumonie.
 

On trouve une plus grande proportion de patients ayant une bronchopathie chronique obstructive (BPCO) chez ceux qui ont souffert d’une pneumonie (26% vs 12%), idem pour le diabète (43% vs 34%) et la fibrillation auriculaire (46% vs 36%)

L’autre raison de cette enquête, déclare McMurray « repose sur une constatation antérieure chez les patients ayant une insuffisance coronaire et un infarctus du myocarde : ces patients gardaient un sur risque [d’événements vasculaires, décès] au décours d’une pneumonie, sur risque qui persistait longtemps après l’événement aigu. Nous voulions savoir si c’était aussi le cas pour les insuffisants cardiaques et cela s’est confirmé ».

Par exemple au cours du mois qui a suivi la pneumonie, après ajustement, le HR des décès cardiovasculaires ou hospitalisations était de 9,48 (moyenne 6,85-13,12 P<0,001), il est encore de 1,59 à trois mois et plus (McMurray).

 
Au cours du mois qui a suivi la pneumonie, après ajustement, le HR des décès cardiovasculaires ou hospitalisations était de 9,48 (moyenne 6,85-13,12 P<0,001), il est encore de 1,59 à trois mois et plus.
 

Vaccination : cruciale chez les patients insuffisants cardiaques

McMurray insiste sur le fait que cette étude renforce l’intérêt de la vaccination contre la pneumonie chez les patients ayant une IC : « nous avons si peu de traitements à offrir aux patients qui ont une ICFEP, cela octroie une valeur pour le moins évidente à la vaccination chez ces patients » dit-il.

La pandémie de Covid-19, dit McMurray, nous rappelle le danger des infections respiratoires et l’importance de la vaccination chez ces patients. Le Covid-19 nous offre un intéressant parallèle en tant que maladie systémique avec des troubles qui persistent en post aigu. »

Le risque de survenue d’événements cardiovasculaires 3 mois voire plus après la pneumonie est une notion nouvelle mise en évidence par cette étude mentionnent les DrsDonna Mancini et Gregory Gibson (The Icahn School of Medicine at Mt. Sinai in New York) dans un commentaire dédié [4]. L’étude post hoc « est également un excellent rappel » du risque lié à la pneumonie chez les patients IC, notamment pendant cette pandémie, écrivent-ils.

« Bien que la vaccination seule ne doive pas être considérée comme une panacée, il s’agit d’un moyen rapidement accessible pour diminuer la sévérité de la maladie et améliorer le pronostic », écrivent-ils encore « Après tout : une once de prévention vaut bien une livre de guérison ».

 
Bien que la vaccination seule ne doive pas être considérée comme une panacée, il s’agit d’un moyen rapidement accessible pour diminuer la sévérité de la maladie et améliorer le pronostic.
 

Novartis a financé les essais PARADIGM-HF et PARAGON-HF, et McMurray et ses co-auteurs ont révélé les relations financières avec Novartis. Mancini et Gibson n'ont aucune relation financière pertinente à rapporter.

Article initialement paru dans MDedge.com partenaire de Medscape Professional Network sous le titre : Pneumonia Risk Soars in Heart Failure Patients, Especially HFpEF . Traduit par le Dr JP Usdin.

 

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