La pollution atmosphérique associée à un sur-risque de cancer du sein

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

29 avril 2021

Lyon, France — Selon une large étude épidémiologique française portant sur des données de 20 ans de suivi, une exposition à long terme au benzo[a]pyrene (BaP), un polluant atmosphérique classé comme perturbateur endocrinien, est associée à un sur-risque de cancer du sein [1]. Ce risque est augmenté de 20% lorsque les femmes sont exposées pendant la période de transition ménopausique.

Des résultats préliminaires non publiés montrent également une hausse du risque de cancer du sein en cas d’exposition prolongée à quatre autres polluants atmosphériques: le polychlorobiphényle 153 (PCB), le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines PM2,5 et PM10.

Le benzo[a]pyrène est un hydrocarbure aromatique polycyclique qui se forme lors des procédés de combustion. Il est généré naturellement lors des feux de forêt et des éruptions volcaniques par exemple, ou par les activités humaines, pendant le processus du raffinage et de combustion de carburants. Il se retrouve également dans les aliments fumés ou grillés au charbon de bois.

Cette étude apporte une preuve supplémentaire que la pollution de l’air peut être considérée comme un facteur de risque de cancer du sein chez la femme. Pour le moment, le Centre international de lutte contre le cancer (CIRC) estime que seul le cancer du poumon peut être directement lié à la pollution de l’air.

Cohorte de 10 000 femmes

Ces résultats ont été présentés lors d’une conférence de presse organisée pour faire le bilan de dix années de recherches menées au département « Prévention cancer et environnement » du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, à Lyon. Concernant l’impact des facteurs environnementaux sur le cancer, les études se focalisent essentiellement sur l’effet des pesticides et de la pollution de l’air (voir encadré) [2].

Dans l’étude XENAIR, Amina Amadou (Inserm UMR 1296, Département prévention cancer et environnement, Centre Léon Bérard, Lyon) et ses collègues ont évalué l’impact sur le cancer du sein de huit polluants atmosphériques: les particules fines PM2,5 et PM10, le dioxyde d’azote (NO2), le polychlorobiphényle 153 (PCB), le benzo[a]pyrene (BaP), le cadmium et les dioxines (TCDD).

Pour cela, l’équipe s’est appuyée sur la base de données de la cohorte nationale française E3N, composée d’environ 100 000 femmes adhérentes de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, suivies depuis 1990. Tous les deux à trois ans, des questionnaires ont été envoyés aux participantes pour évaluer notamment leur mode de vie, leur environnement et leur état de santé.

Les chercheurs ont sélectionné les données concernant 5 200 femmes avec un cancer du sein diagnostiqué entre 1990 et 2011. Un groupe témoin a été constitué en choisissant un nombre équivalent de femmes de la cohorte sans cancer du sein, mais ayant un profil similaire notamment sur l’âge, le département de résidence et le statut ménopausique lors de l’inclusion.

Huit polluants évalués

En utilisant les données d’un modèle de l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), l’équipe a pu reconstituer l’exposition aux huit polluants atmosphériques sur une période de 20 ans (de 1990 et 2011), à partir du lieu de résidence de chacune des femmes des deux groupes.

Après un ajustement sur les facteurs de risque individuels de cancer du sein, l’analyse montre que le risque de cancer du sein est corrélé au niveau de benzo[a]pyrène présent dans l’atmosphère. Pour chaque hausse d’un quartile du taux cumulé d’exposition (1,42 ng/m3), le risque global de cancer du sein augmente de 15% (OR=1,15, IC à 95%, [1.04-1.27]).

Ce risque est apparu plus important chez les femmes qui ont vécu une transition ménopausique pendant la période de suivi. Le risque de cancer du sein est alors augmenté de 20% pour chaque hausse de quartile (OR= 1,20, IC à 95%, [1,03-1,40]). L’étude montre également une variation du risque selon le type de cancer, avec un risque accru de cancer du sein hormono-dépendants ER+ et PR+.

« Notre étude suggère que l’exposition atmosphérique au BaP est un facteur de risque de cancer du sein, en particulier les cancers du sein hormono-dépendants », estime Amina Amadou. Il s’agit de la première étude sur le sujet. « De manière générale, elle renforce un corpus de preuves indiquant que la pollution de l’air peut être un facteur de risque pour le cancer du sein chez la femme. »

D’autres travaux en cours

L’analyse des données a également montré une association significative entre le risque de cancer du sein et l’exposition au polychlorobiphényle 153(PCB), un autre perturbateur endocrinien, interdit depuis les années 1980. Le risque est également accru pendant la transition ménopausique. Les résultats n’ont pas encore été publiés. Concernant les autres polluants, les analyses sont toujours en cours.

Le Pr Béatrice Fervers (Département prévention cancer et environnement, Centre Léon Bérard, Lyon) a toutefois précisé, lors de la conférence de presse, que l’équipe a observé également une corrélation entre l’augmentation du cancer du sein et une exposition au dioxyde d’azote (NO2) et aux particules fines PM2,5 et PM10.

Concernant le cadmium et les dioxines, l’exposition à ces polluants atmosphériques de manière isolée n’est pas associée à un sur-risque de cancer du sein. « On trouve toutefois une augmentation significative lorsque l’analyse prend en compte une interaction entre ces polluants », a indiqué la cancérologue.

Alors que l‘étude XENAIR s’intéresse à l’impact de l’exposition aux polluants atmosphériques sur le lieu de résidence, d’autres travaux sont actuellement menés au centre Léon Bérard de Lyon pour évaluer les répercussions à long terme de cette pollution au cours des trajets des femmes entre le domicile et le lieu de travail, selon le mode de transport utilisé (études QHR et APOPCO).

Le centre précise qu’un questionnaire a été spécialement mis en place afin de recueillir toutes les adresses résidentielles, mais aussi scolaires et professionnelles au cours de la vie des sujets, ainsi que des données sur les trajets entre le domicile, l’école et le lieu de travail.

Pollution atmosphérique et pesticides à l’étude

Créé en 2009, le département « Prévention cancer environnement » du Centre Léon Bérard a pour objectif d’étudier les facteurs environnementaux, professionnels et nutritionnels en lien avec certains cancers.

En plus d’évaluer l’impact de la pollution de l’air, l’unité de recherche travaille sur les liens entre exposition aux pesticides et cancer. Les chercheurs s’intéressent notamment à l’évolution du risque de cancer des testicules en utilisant des photos aériennes pour reconstituer les expositions aux pesticides pendant la vie entière (essais TESTIS et GOURAMIC).

Avec l’étude SIGEXPO, ils étudient actuellement l’exposition aux pesticides en population générale en mesurant leur présence dans les poussières domestiques. Un autre projet vise à déterminer les populations urbaines et périurbaines potentiellement concernées par les expositions aux pesticides liées aux activités agricoles de la Métropole de Lyon, en tenant compte de leur déplacements (SIGExpoMETRO).

Par ailleurs, le département est impliqué dans la prévention par la pratique de l’activité physique chez les patients pris en charge au centre, pendant et après un traitement contre le cancer, et par un accompagnement nutritionnel.

 

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