Vitamine D après 50 ans : des milliers de décès par cancer évités tous les ans ?

Michael van den Heuvel

Auteurs et déclarations

26 avril 2021

Heidelberg, Allemagne — On sait depuis longtemps que de faibles taux de vitamine D sont associés à un risque de mortalité plus élevé mais la question de l’intérêt de la supplémentation en vitamine D chez les personnes âgées en bonne santé reste débattue. 

Récemment l’attention s'est portée sur son intérêt pour réduire le risque et la gravité de la maladie Covid-19, mais, ce sont surtout de nouvelles preuves de son efficacité pour limiter la mortalité par cancer qui méritent d’être rapportées.

Dr Hermann Brenner

Des chercheurs allemands, menés par le Dr Hermann Brenner (Centre allemand de recherche sur le cancer, Heidelberg) ont évalué 3 grandes méta-analyses d'études cliniques randomisées et ont transposé les données à la population allemande [] 1 ]. Il en résulte qu’une supplémentation en vitamine D à l'échelle nationale pour toutes les personnes de plus de 50 ans pourrait réduire le nombre de décès par cancer de 30 000 par an, 300 000 années de vie pourraient être sauvées – avec, à la clé, des économies de 254 millions d'euros grâce à la moindre utilisation de traitements anticancéreux.

En 2019, environ 231 000 personnes en Allemagne sont décédées des suites de pathologies malignes, rapporte l'Office fédéral de la statistique. Le cancer était à l’origine d'un décès sur quatre. « Il est connu de nombreuses études, y compris la nôtre, que les patients atteints de cancer ont très souvent une carence en vitamine D évidente », a déclaré Brenner dans une interview avec Medscape.

Ceci est particulièrement prononcé peu de temps après un traitement, comme, par exemple, après une intervention chirurgicale. «Et nous ne devons pas oublier que la prévalence de la carence en vitamine D chez les personnes âgées est généralement assez élevée», ajoute le Dr Brenner.

« Dans les méta-analyses incluses dans notre étude, nous constatons une réduction claire et très significative de la mortalité par cancer de 13%, tandis qu'une réduction statistiquement non significative a été observée pour l'incidence du cancer », indique l'expert. 

Qu’en tirer en pratique? 

« Les personnes ayant des niveaux de vitamine D suffisamment élevés n'ont pas besoin de substitution, mais cela serait d'un grand bénéfice potentiel pour la majorité de la population âgée avec des niveaux de vitamine D faibles », explique le Dr Brenner.

«De manière pragmatique, on pourrait suggérer que les personnes âgées de 50 ans et plus se voient recommander une supplémentation avec des doses comprises entre 400 et 2 000 unités par jour», précise-t-il.

 
De manière pragmatique, on pourrait suggérer que les personnes âgées de 50 ans et plus se voient recommander une supplémentation avec des doses comprises entre 400 et 2 000 unités par jour. Dr Hermann Brenner
 

La vitamine D à cette dose est considérée comme sûre même avec un apport sur le long terme. «Dans certains pays, les aliments sont enrichis en vitamine D depuis de nombreuses années – par exemple en Finlande, où les taux de mortalité par cancer sont inférieurs d'environ 20% à ceux de l'Allemagne », souligne le Dr Brenner.

Retour sur les trois méta-analyses incluses dans l’étude allemande

Méta-analyse 1 : Le Dr NaNa Keum de la Harvard TH Chan School of Public Health et ses collègues ont inclus 10 études randomisées et contrôlées dans leur méta-analyse  publiée à la fin de 2018. 

Après un suivi de 3 à 10 ans, 6 537 cas de cancer sont survenus. Le taux de 25-hydroxy-vitamine D circulant était de 54 à 135 nmol / l avec supplémentation. En termes d'incidence du cancer proprement dit, il n'y avait pas de différence entre les groupes avec et sans administration de vitamine D (risque relatif 0,98, intervalle de confiance à 95% 0,93-1,03; p = 0,42).

Cinq études colligeant les données de 1 591 décès ont pu être utilisées pour évaluer la mortalité par cancer toutes causes. Avec la supplémentation, des taux de 25-hydroxy vitamine D de 54 à 135 nmol / l ont été atteints. Et ici, le risque relatif était de 0,87 (IC à 95% 0,79-0,96; p = 0,005). « La supplémentation en vitamine D a considérablement réduit la mortalité globale par cancer, mais pas l'incidence globale du cancer » concluent les auteurs.

Méta-analyse 2 : Le Dr Tarek Haykal et ses collègues (Hurley Medical Center à Flint, Etats-Unis) se sont penchés sur des questions similaires. Dans leur évaluation, ils ont pris en compte 10 études contrôlées randomisées avec un total de 79 055 participants d’âge moyen de 68 ans. La période de suivi était d'au moins 4 ans.

Différentes doses de vitamine D ont été associées à une réduction significative de la mortalité liée au cancer par rapport au placebo (risque relatif 0,87, IC à 95% 0,79-0,96, p = 0,005). Cependant, là encore, la supplémentation n'a eu aucun effet sur l'incidence du cancer (risque relatif 0,96, IC à 95% 0,86-1,07, p = 0,46).

Méta-analyse 3 :   La troisième méta-analyse a été menée par l’équipe du Dr Xinran Zhang de l'hôpital de l'amitié Chine-Japon à Pékin. Les chercheurs ont examiné les données de 10 essais contrôlés randomisés incluant 81 362 participants. Le taux d'incidence du cancer était de 9,16% (3 716 cas) avec supplémentation et de 9,29% (3 799 cas) dans le groupe placebo, soit un risque relatif à 0,99 (IC à 95% 0,94-1,03, p = 0,532). La différence n'était donc pas statistiquement significative.

En termes de mortalité par cancer, en revanche, Zhang et ses collègues ont trouvé 2,11% (821 cas) avec la supplémentation en vitamine D et 2,43% (942 cas) avec le placebo, ce qui correspond à une réduction significative du risque (RR = 0,87, IC à 95% 0, 79-0,95 , p = 0,003). « Nos résultats soutiennent l'effet bénéfique de la supplémentation en vitamine D sur la réduction de la mortalité par cancer, en particulier dans les sous-populations sans antécédent de cancer (...) », écrivent les auteurs en conclusion.

Des économies de plus de 250 millions d'euros par an

À partir des trois méta-analyses, le Dr Brenner et coll. ont recherché quelles implications ces données pourraient avoir pour la population allemande en termes de vies sauvées et de coût pour la société. 

Sachant que la supplémentation en vitamine D à des doses comprises entre 400 et 2000 unités internationales par jour ont été associés à une réduction de 13% de la mortalité par cancer dans les méta-analyses, les chercheurs ont estimé que 30 000 décès par an liés à des tumeurs malignes pourraient être évités en Allemagne. 

En termes économiques, la supplémentation avec une dose quotidienne de 1000 unités internationales de vitamine D coûte environ 25 euros par personne et par an. Pour 36 millions de personnes de plus de 50 ans, à partir de 2016, cela correspondrait à 900 millions d'euros, selon l’équipe du Dr Brenner.

En parallèle, en utilisant les données de la littérature scientifique, les chercheurs ont estimé le coût moyen des traitements anticancéreux au cours de la dernière année de vie à 40 000 euros. 

Selon les calculs du modèle, 1,154 milliard d'euros pourraient être économisés au final. 

Par rapport au coût de la supplémentation en vitamine D, ce modèle se traduit par une économie annuelle de 254 millions d'euros.

 

Cet article a été initialement publié par l’édition allemande de Medscape sous le titre Vitamin D für jeden über 50 – ließen sich so 30.000 Krebstote verhindern? DKFZ-Epidemiologen mit aufsehenerregender Analyse. Adapté par Aude Lecrubier.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....