Anesthésie : quels progrès pour une meilleure récupération des patients ?

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

22 avril 2021

France – La réussite de l'anesthésie, ce n'est plus seulement que le patient se réveille mais qu’il se remette au mieux et au plus vite. Aujourd’hui, on connait les nombreux paramètres sur lesquels agir pour optimiser les suites d’une opération. A l'occasion d'une conférence organisée par la Fondation de l'Académie de Chirurgie , le Pr Marc Beaussier (anesthésiste-réanimateur, Institut Mutualiste Montsouris, Paris) est revenu sur les différentes stratégies dont dispose l'anesthésiste pour réduire le stress chirurgical[1].

La réduction du stress chirurgical

Grâce à la consultation préopératoire, l'arrivée du monitorage, la surveillance en salle de réveil, la gestion des voies aériennes supérieures ou encore la lutte contre la douleur, la mortalité périopératoire a été divisée par dix en vingt ans. Qu’en est-il aujourd’hui ? On se rend compte désormais que l'anesthésie joue un rôle dans les suites opératoires. Autrement dit, elle peut permettre les meilleures suites possibles pour le patient, en réduisant le stress chirurgical, c'est-à-dire la réponse neuroendocrine et la réponse inflammatoire à la chirurgie.

La réduction du stress chirurgical fait partie des objectifs de la récupération améliorée après chirurgie (RAAC) qui consiste à mettre en place différentes mesures afin de redonner une fonctionnalité aux patients le plus rapidement possible après une intervention chirurgicale. Une étude de 2016 portant sur des patients ayant eu une chirurgie carcinologique a montré la pertinence de la RAAC [1]. Pour les équipes ayant mis en place plus de 70 % des recommandations sur la RAAC, le pronostic des patients est bien meilleur avec une réduction presque de moitié des décès à cinq ans.

Hydratation, hypothermie, anémie... des facteurs à contrôler

De l'anesthésie et de sa façon de la pratiquer vont dépendre les suites opératoires. Les mécanismes physiopathologiques qui interviennent à ce moment-là sont de mieux en mieux connus, ce qui permet de contrôler les paramètres ayant un impact sur le stress chirurgical.

Voici les principaux paramètres requérant la vigilance de l'anesthésiste :

  • Contrôler l'hydratation per opératoire

« Il faut se mettre en normovolémie » indique le Pr Beaussier. Avant de commenter « ce n'est pas très simple de rester en normovolémie mais nous avons des moyens de monitorage qui permettent d'adapter le remplissage vasculaire ». En 2014, une étude prospective randomisée a montré que l'attention portée à l'adaptation du remplissage vasculaire lors d'une chirurgie abdominale majeure diminuait l'incidence des complications post-opératoires et donc la durée d'hospitalisation [2].

« Il y a même une tendance à la baisse de la mortalité, même si ce n'est pas significatif » fait remarquer l'orateur.

  • Prévenir l'hypothermie per opératoire

On le sait, la température corporelle chute très rapidement au cours d'une intervention, ce qui peut entraîner des complications variées, depuis un inconfort du patient au réveil à l'augmentation des pertes sanguines en passant par un retard de la cicatrisation et la survenue d'infections. Les complications cardiaques, qui peuvent être graves (arythmies ventriculaires, ischémies myocardiques), et rénales sont aussi plus fréquentes. Ceci concourt à un allongement de la durée d'hospitalisation.

  • Pratiquer une ventilation protectrice

A ce sujet, Marc Beaussier cite un travail publié dans le NEJM qui montre qu'une ventilation correcte au bloc, à savoir « on diminue le volume donné à chaque insufflation et on fait des manœuvres de recrutement », réduit l'incidence des complications pulmonaires et post-opératoires à trente jours [3]. Cela a été montré après une chirurgie abdominale qui prédisposait de fait à ce type de complications.

  • Avoir une gestion « agressive » de l'anémie préopératoire

L'anémie préopératoire doit faire l'objet d'une attention toute particulière car elle est grave : elle augmente le risque de transfusion, les infections, les atteintes rénales et la durée de séjour.

« Le patient qui arrive anémique au bloc a une perte de chance significative » estime Marc Beaussier, qui cite pour étayer son propos une étude en cours de publication dont le protocole est le suivant. A l'Institut Mutualiste Montsouris, 1044 patients pris en charge pour une chirurgie cardiaque ont été divisés en trois groupes selon qu'ils présentaient une anémie profonde (Hb<11g avant l'opération), une anémie modérée ou pas d'anémie. Les investigateurs ont vu une différence significative dans les décès à J30, passant de 6 % dans le groupe le plus anémié à 1 % dans le groupe non anémié.

Marc Beaussier précise que la valeur de l'hémoglobine préopératoire est un facteur de risque indépendant de mortalité, la transfusion l'est également. « Ce n'est pas l'effet de la transfusion consécutive à l'anémie qui entraîne la surmortalité » ajoute-t-il.

La gestion agressive de l'anémie peut se faire grâce au « Patient blood management », explique Marc Beaussier, qui consiste à augmenter le chiffre d'hémoglobine avant l'intervention et à diminuer les saignements au cours de l'opération.

  • Contrôler la pression artérielle

Une trop forte chute de la pression artérielle peut entraîner des complications rénales et cardiaques. « Nous avons de nouveaux moyens de monitorage remarquables. Il existe un algorithme de traitement de la pression artérielle qui permet de prédire une hypotension dix minutes avant qu'elle survienne » explique le Pr Beaussier.

En oncologie, le choix des anesthésiques

Dans le cas particulier de la chirurgie carcinologique, le stress chirurgical entraîne une inflammation, une angiogenèse et la sécrétion de facteurs de croissance, lesquels favorisent la croissance tumorale ou la récidive. L'anesthésie locorégionale a un effet protecteur sur l'emballement lié au stress chirurgical.

De même, le choix des agents anesthésiques peut avoir un effet favorable ou délétère. « Une étude qui doit être confirmée semble indiquer que le risque de décès par récidive tumorale est majoré de 50 % quand la stratégie anesthésique a reposé sur des agents halogénés versus les anesthésiants intraveineux [4] » détaille Marc Beaussier.

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