New York, Etats-Unis –Lors de la survenue d’un infarctus du myocarde aigu avec élévation du segment ST (STEMI), l'utilisation précoce de l’anti-inflammatoire anti l'interleukine 6 tocilizumab ne réduit pas la taille des infarctus mais limite l'atteinte du muscle cardiaque, selon les résultats de l'étude ASSAIL-MI publiés dans le Journal of the American College of Cardiology [1] .
« Nous sommes parmi les premiers à montrer qu'il est possible d'agir sur les lésions de reperfusion par le biais d'un traitement anti-inflammatoire. D'une certaine manière, on peut considérer qu'il s'agit d'un nouvel angle d'attaque dans le traitement de l'infarctus de type STEMI », explique le Dr Kaspar Broch (Hôpital universitaire Rikshospitalet, à Oslo) à theheart.org /Medscape Cardiology.
Pour l'auteur principal de l'étude, « ce que nous faisons aujourd'hui, c'est reperfuser dès que possible puis administrer des médicaments pour prévenir de nouveaux événements. Mais nous ne nous attaquons pas vraiment aux lésions de reperfusion, qui peuvent se produire lors de la PCI (intervention coronarienne percutanée), et dont il a été démontré qu'elles représentaient au final environ 50 % des lésions. »
L'étude de phase 2 ASSAIL-MI a été motivée par d’autres travaux de l'équipe chez des patients non STEMI qui ont montré qu'une dose unique d'antagoniste du récepteur de l'interleukine-6 (IL-6) a permis de réduire de plus de 50 % le taux de CRP au cours de l'hospitalisation et de diminuer la libération de troponine T après PCI.
Pour cette nouvelle étude, réalisée en double aveugle, Kaspar Broch et ses collaborateurs ont randomisé 199 patients STEMI aigus dans les six heures de l'apparition des symptômes puis leur ont administré, pendant la PCI et en injection IV unique, un placebo ou 280 mg de tocilizumab. Des données sur l'index de sauvetage myocardique, qui constituait le critère primaire d'évaluation, ont été récoltées chez 195 patients.
Un bénéfice en cas de présentation ≥ 3 heures après l’apparition des symptômes
L’IRM réalisée entre 3 et 7 jours post-PCI a montré que le tocilizumab était associé à un index de sauvetage myocardique ajusté plus élevé qu'avec le placebo (69,3 % contre 63,6 %; p = 0,04). De même, l'étendue de l'obstruction microvasculaire était moindre avec le tocilizumab (0 % versus 4 %; p = 0,03), tout comme l’aire sous la courbe du taux de CRP pendant l'hospitalisation (1,9 versus 8,6 mg/l/h; p < 0,001).
A six mois, la taille finale de l'infarctus était inférieure de 21 % dans le groupe tocilizumab mais cette différence n'était pas statistiquement significative (7,2 % versus 9,1 % de la masse ventriculaire gauche; p = 0,08). Par ailleurs, il n'y avait pas de différence concernant l’aire sous la courbe du taux de troponine T pendant l'hospitalisation (1.614 versus 2.357 ng/l/h; p = 0,13), le taux de NT-proBNP à 6 mois (79 versus 63 ng/l; p = 0,25) et le volume du ventricule gauche en fin de diastole à 6 mois également (157 versus 160 ml; p = 0,54).
Les analyses en sous-groupes suggèrent que l'effet bénéfique du tocilizumab sur l'index de sauvetage myocardique est limité aux patients se présentant au moins 3 heures après le début des symptômes versus ≤ 3 heures (p = 0,034), avec une tendance vers un bénéfice plus important chez les hommes que chez les femmes (p = 0,053).
Un effet plus faible qu’attendu en raison des patients inclus ?
Kaspar Broch note que l'effet absolu du tocilizumab sur la nécrose myocardique a été plus faible qu'attendu lors de la conception de l'étude, ce qui peut expliquer l'absence de réduction significative de la taille de l'infarctus. « Nous visions des patients avec des infarctus plus importants que ceux que nous avons effectivement pu retenir dans l'étude. La raison tient en partie à des critères d'inclusion stricts et au fait que les traitements actuels permettent déjà d'éviter que les patients ne souffrent de gros infarctus du myocarde. Je pense que s'ils avaient été plus importants, la réduction absolue de 20% aurait eu un grand impact en termes d'événements cliniques. »
L'étude a également utilisé une dose très faible de tocilizumab, comparée avec celle utilisée dans les maladies inflammatoires. Il s'agissait de minimiser un effet potentiellement négatif sur la guérison du muscle cardiaque, comme par exemple une rupture myocardique, d'après Kaspar Broch, ajoutant qu'à son avis on ne gagnerait rien en administrant une dose plus importante.
Données de tolérance
Les événements indésirables graves étaient similaires dans les groupes tocilizumab et placebo (19 contre 15; p = 0,57). Aucune rupture myocardique n'a été observée, et aucun patient n'est décédé ou n'a développé d'insuffisance cardiaque. Les lipoprotéines de basse densité, les triglycérides et les tests hépatiques ont d'abord augmenté dans le groupe tocilizumab mais étaient similaires après 3 et 6 mois.
La piste logique des anti-IL6
« L'IL-6 est une cytokine impliquée dans toutes les étapes de la croissance, de la progression et de la rupture de la plaque athéromateuse », rappelle le Dr Paul Ridker (Brigham and Women's Hospital de Boston), expert dans le domaine de l'inflammation et de l'athérothrombose. « Comme les observations antérieures des auteurs sur les infarctus non STEMI, ces données préliminaires sur des cas de STEMI sont cohérentes avec l'idée que l'inhibition de l'IL-6 pourrait être bénéfique sur le plan clinique.
Ce concept sera pris en compte dans une étude majeure portant sur les résultats cardiovasculaires qui aura lieu cette année. » Appelée ZEUS, cette étude testera le ziltivékimab, un nouvel inhibiteur de l'IL-6, chez plus de 6000 patients atteints d'athérosclérose et à très haut risque, souffrant d'une néphropathie chronique modérée à sévère et présentant un taux de CRP ultrasensible supérieur à 2 mg/l.
Aller au-delà du blocage de l'IL-1b, comme cela a été fait dans l'étude CANTOS , pour passer à l'inhibition directe de l'IL-6 représente « une étape scientifiquement logique » dans le développement de thérapies anti-inflammatoires contre l'ischémie aiguë et l'athérosclérose chronique, ajoute Paul Ridker, qui a dirigé cette étude.
Lutter contre l’inflammation au quotidien
« Cependant, dans une optique de prévention, les cardiologues ne doivent pas attendre les résultats avant d'utiliser ces connaissances biologiques pour leurs patients. Comme cela a été confirmé récemment dans le JACC , l'activité physique, le sevrage tabagique et une alimentation saine agissent favorablement sur la CRP et sur l'IL-6, avec des effets bénéfiques tout au long de la vie. Notre mission est donc d'intégrer dès maintenant la lutte contre l'inflammation dans notre pratique quotidienne, au travers de la bonne l'hygiène de vie. »
L'étude ASSAIL-MI a été soutenue par l'autorité sanitaire régionale de la Région Sud-Est de la Norvège, l'autorité sanitaire régionale de Norvège centrale et la société Roche, qui a fourni les médicaments et une subvention complète. Le docteur Kaspar Broch n'a révélé aucune relation financière pertinente. Le Dr Paul Ridker a reçu des subventions de recherche de la part de Kowa, Novartis, Amarin, Pfizer et du National Heart, Lung, and Blood Institute; il a été consultant pour Novartis, Janssen, Agepha, Flame, Civi Biopharma, Inflazome, Corvidia, Novo Nordisk, SOCAR, IQVIA et AstraZeneca.
Cet article a été publié initialement sur theheart.org et intitulé Arthritis Drug May Curb Myocardial Damage in Acute STEMI. Traduction-adaptation par le Dr Claude Leroy.
Actualités Medscape © 2021 WebMD, LLC
Citer cet article: Un médicament contre la polyarthrite rhumatoïde pourrait atténuer les lésions myocardiques liées aux STEMI aigus - Medscape - 20 avr 2021.
Commenter