COVID-19 : 34% des patients ont un diagnostic psychiatrique ou neurologique à 6 mois

Caroline Guignot

Auteurs et déclarations

20 avril 2021

Oxford, Royaume-Uni – Depuis le début de la pandémie de Covid-19, des signaux ont émergé concernant le risque de troubles neurologiques ou psychiatriques suivant l’infection. Une équipe américaine a réalisé une étude regroupant une cohorte d’envergure inédite afin d’évaluer la survenue de ces complications et le risque spécifique lié à l’infection, par rapport à d’autres évènements aigus de santé.

Ces résultats, publiés dans le Lancet Psychiatry [1] montrent que 34% des patients ayant eu le Covid ont un diagnostic de troubles neurologiques ou psychiatriques dans les six mois suivant l'infection, parmi lesquels l'anxiété (17%) et les troubles de l'humeur (14%) étaient les plus fréquents. D’autres, comme les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou la démence avaient une fréquence significative chez les sujets qui avaient présenté les formes les plus sévères de Covid-19.

«Ce sont des données en vie réelle sur un grand nombre de patients. Elles confirment les taux élevés de diagnostics psychiatriques après Covid-19 et montrent que des troubles graves affectant le système nerveux (tels que les accidents vasculaires cérébraux et la démence) surviennent également. Bien que ces derniers soient beaucoup plus rares, ils sont importants, en particulier chez ceux qui ont eu un Covid-19 sévère », a commenté l’auteur principal de l’étude, le Pr Paul Harrison (Université d’Oxford, Royaume-Uni), dans un communiqué de presse du Lancet.

Une analyse de plus de 300 000 dossiers médicaux

L’étude s’est appuyée sur l’analyse des dossiers médicaux de 236 379 patients américains de plus de 10 ans et ayant survécu à un épisode de Covid-19. Le pronostic de ces sujets a été comparé à 105 579 patients ayant eu une grippe et à 236 038 patients ayant eu un diagnostic d’infection respiratoire (dont la grippe).

Quatorze diagnostics ont été recherchés au décours de l’épisode : hémorragie intracrânienne, AVC ischémique, parkinsonisme, syndrome de Guillain-Barré, neuropathies (des nerfs, radiculaire ou du plexus), troubles de la jonction neuromusculaire, encéphalites, démence, troubles psychotiques, de l'humeur et de l'anxiété (groupés et séparément), troubles liés à la consommation de substances, insomnie.

34% de diagnostics neurologiques ou psychiatriques à 6 mois

Globalement, l'incidence estimée de l’ensemble des diagnostics neurologiques ou psychiatriques recherchés après l’épisode de Covid-19 était de 34%, sachant qu’il s’agissait du premier diagnostic neurologique ou psychiatrique enregistré pour 13% de ces patients.

Il s’agissait principalement de troubles de l'anxiété (17%), de troubles de l'humeur (14%) puis de troubles liés à l'abus de substances (7%) et d'insomnie (5%). L'incidence des évènements neurologiques était plus faible, avec par exemple 2,1% pour les AVC ischémiques, 0,6% pour les hémorragies cérébrales ou 0,7% pour la démence.

Par rapport à ceux qui n’avaient pas été hospitalisés, le risque de développer l’un de ces évènements était supérieur chez ceux qui avaient dû être hospitalisés et a fortiori chez ceux qui avaient été admis en réanimation ou avaient développé une encéphalopathie.

Par rapport à l'incidence globale de 34%, un diagnostic neurologique ou psychiatrique est survenu chez 38% de ceux qui avaient été admis à l'hôpital, 46% de ceux hospitalisés en réanimation et 62% de ceux qui avaient fait une encéphalopathie au cours de leur infection Covid-19.

Les diagnostics neurologiques tels que les accidents vasculaires cérébraux et la démence n’étaient pas rares chez ceux qui avaient été gravement malades au cours d'une infection au Covid-19. Par exemple, parmi ceux qui avaient été admis aux soins intensifs, 7% ont eu un accident vasculaire cérébral et près de 2% ont reçu un diagnostic de démence. Le sur-risque persistait après avoir exclu les patients chez lesquels une complication précoce était survenue au cours de l’infection (facteur de confusion potentiel).

Comparaison avec la grippe ou les infections des voies respiratoires

Par ailleurs, après appariement sur l'âge, le sexe, l'origine ethnique ou les antécédents médicaux, le risque de présenter un diagnostic neurologique ou psychiatrique dans les 6 mois était supérieur de 44% chez ceux qui avaient été touchés par le Covid-19 par rapport à ceux qui avaient eu une grippe (HR 1,44 [1,40-1,47]), et plus élevé de 16% par rapport à ceux qui avaient eu une infection des voies respiratoires (HR 1,16 [1,14-1,17]), le risque étant encore supérieur pour ceux dont c’était le premier diagnostic de ce type (1,78 [1,68-1,89] et 1,32 [1,27-1,36]).

Les données restent équivoques concernant le risque de parkinsonisme ou de syndrome de Guillain-Barré. Les données à plus long terme ou issues d’autres cohortes seront nécessaires pour préciser les choses.

Dans un éditorial accompagnant l’article, le Dr Jonathan Rogers (University College London, Royaume-Uni), qui n'a pas participé à l'étude, a souligné que cette étude aurait des implications dans le futur. « Les chercheurs devront être en mesure d'observer et d'anticiper les troubles neurologiques et psychiatriques liés aux menaces émergentes futures en utilisant des données cliniques massives, internationales et du monde réel […], indique-t-il, ajoutant : «  Malheureusement, bon nombre des troubles identifiés dans cette étude ont tendance à être chroniques ou récurrents, nous pouvons donc anticiper que l'impact du Covid-19 durera pendant de nombreuses années ».

 

Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape. Adapté par Aude Lecrubier.

 

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